On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Genre: Chef d'oeuvre • Editeur: Microsoft Game Studios • Date de sortie: 6 aout 2008

Braid

Par • le 9/1/2009 • À la une, PC, Tests & previews, Xbox 360 • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •

Lorsque Braid a débarqué sur le Xbox Live Arcade un beau jour d’août 2008, sa réputation dans le milieu des jeux vidéo indépendants n’était plus à faire. Conçu et développé par Jonathan Blow, mis en image par David Hellman après un design de Edmund McMillen et illustré par une bande originale sous licence Creative Commons, le titre s’est rapidement forgé une renommée rappellant parfois celle des oeuvres de Fumito Ueda.

Monde 2

Ce levier est insensible à vos manipulations temporelles

Le premier contact avec Braid est déjà intrigant. Alors que le titre apparaît en lettres de feu déchirant un ciel cramoisi, on scrute un message nous invitant à appuyer sur Start, mais celui-ci n’apparaissant pas on s’y risque tout de même, pour tomber sur l’écran de Pause. Oui, la première image du jeu en est déjà le commencement, et cette silhouette sur le côté gauche de l’écran est le personnage que l’on va incarner, et qui est déjà contrôlable à l’aide du joypad. Tim, c’est son nom, passe sous une constellation familière et rejoint rapidement une bâtisse composée de cinq grandes pièces, d’une petite salle de bains, et d’un grenier. Seule la première pièce est pour l’instant allumée, elle s’appelle « Monde 2 » et l’on y repère un cadre vide et une simple porte. Une fois celle-ci franchie, notre héros semble évoluer sur un tapis de nuages parsemé de livres et un simple contact avec ceux-ci leur permet de nous conter l’histoire, à priori une simple affaire de disparition de princesse, notre héros n’écoutant que son courage et s’en allant à la recherche de sa bien-aimée. La découverte du premier niveau est une promenade de santé. Notre héros avance vaillamment, saute sur la tête de ses ennemis comme tout bon personnage de jeu de plate-formes depuis vingt ans, les décors sont enchanteurs, la musique magnifique, l’animation très fluide et les bruitages sympathiques. A l’occasion, on ramasse une pièce de puzzle et comme tout bon joueur digne de ce nom on se doute que ces pièces auront une importance stratégique plus tard. Pourtant certaines pièces semblent définitivement hors d’atteinte et lorsque l’on atteint la fin de notre premier monde au bout de quelques courtes minutes, un dinosaure marron nous annonce que « la princesse est dans un autre chateau ». Diantre, voilà qui rappelle curieusement quelque chose, mais finalement on se demande un peu pourquoi tant de hype.

Erase and rewind

Le niveau du trou est présent plusieurs reprises dans le jeu, mais se résoud différemment à chaque fois

Alors on retourne à l’intérieur de ce fameux Monde 2, et on cherche à comprendre comment récupérer ces satanées pièces manquantes. Et c’est alors que suite à une mauvaise manipulation on se mange un monstre en pleine tronche et que Tim passe de vie à trépas que l’on a une révélation éclatante: d’une simple pression sur le bouton X, il est possible de remonter le temps. De revenir en arrière de quelques secondes, quelques minutes, voire de revenir carrément au tout début du niveau lorsque l’on venait d’en franchir la porte. Autant de fois qu’on le désire, sans restrictions, sans limites. Et l’on comprend alors que l’on est face à tout autre chose qu’un banal jeu de plateforme: les pièces de puzzle qui nous échappaient deviennent peu à peu accessibles, le puzzle lui-même, trouvable au beau milieu d’un niveau mais toujours disponible à l’entrée du Monde se remplit peu à peu, et l’on comprend rapidement que ce qu’il représente n’est jamais anodin. Au fur et à mesure des pérégrinations de Tim, on s’aperçoit également que chaque pièce de puzzle obtenue l’est via la résolution d’une énigme. Chacune de celles-ci est unique: il n’existe aucune redite dans Braid, contrairement à certains titres où la solution d’un problème est réutilisable plusieurs fois par la suite.

Laissons du temps au temps

Vous trouvez que ça ressemble à Donkey Kong ? Il y a encore mieux ensuite.

Il aurait été facile et déjà efficace pour Blow de s’en tenir à cette idée de temps à remonter. Trop facile. Lorsque l’on débarque dans le Monde 3, certains objets brillent d’une étrange lumière verte… et quelques pressions sur le bouton X confirment qu’ils sont décidément bien particuliers: non affectés par les retours dans le temps de Tim, ils continuent leur existence, qu’il s’agisse d’objets inanimés comme des clés ou des portes (qui, une fois ouvertes, ne se refermeront pas) ou d’ennemis (qui continuent à avancer benoîtement tandis que le temps est rembobiné autour d’eux). La tentation d’en dire plus est grande tant chaque Monde regorge de son lot de surprises, mais le plaisir de la découverte est au moins équivalent à celui de résoudre, après plusieurs minutes d’arrachage de cheveux, une énigme si intelligemment conçue qu’elle pousse à s’exclamer « mais bordel quel con ! » tant sa solution semble évidente une fois trouvée. On se contentera donc d’énoncer ce simple fait: chaque Monde propose un nouveau concept autour de la manipulation temporelle. C’est au joueur de s’approprier les nouveaux outils dont il dispose pour parvenir à ses fins, sans recourir à l’outrageux emploi d’une soluce tant celle-ci retirerait au jeu sa substantifique moëlle. Dans Braid il n’est rien d’impossible, mais il y a tout à redécouvrir.

Oublier les codes semble nécessaire

Désolé Timmy ! Mais tu ne sembles pas dans ton état normal...

Avant de commencer à jouer à Braid, j’étais un peu stupéfait par les commentaires laudateurs glanés ici et là dans la presse spécialisée. Les graphismes me semblaient jolis certes, mais je n’arrivais pas bien à comprendre en quoi le gameplay était transcendant, en quoi la narration était extraordinaire. Après cinq minutes de la démo, j’étais conquis et je faisais l’acquisition du jeu complet sans la moindre hésitation. Oui, Braid s’attribue les codes des jeux de plate-forme les plus mythiques de ces vingt dernières années pour mieux les détourner et se jouer de vous en proposant un twist final exceptionnel. Oui, Braid mérite tous les superlatifs qui lui ont été attribués et est une réussite scénaristique, ludique et technique. Oui, Braid est le meilleur jeu auquel j’aie joué cette année, de loin, et ma plus singulière expérience depuis Portal l’an dernier. Oui, il n’est pas excessif de parler de chef-d’oeuvre lorsque l’on considère qu’un seul mec est à l’origine du concept et de son développement. Un seul mec ! Jonathan Blow ne fait pas que donner un énorme coup de pied au cul à un public et une industrie obnubilés par les avalanches d’effets spéciaux et de moyens: il prouve qu’un concept intelligent suffit à en mettre plein la vue, mieux que n’importe quel jeu à grand spectacle.

Intelligent, magnifique, raffiné, épique, fantastique, harmonieux, Braid n'est pas qu'un jeu: c'est un chef-d'oeuvre.

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est joueur depuis 1985. Multiplateformes, multigenres, souvent exigeant, parfois tatillon, mais jamais blasé.
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13 commentaires »

  1. Agreed.

  2. En réaction à la dernière phrase de ce test je poserai cette question :
    Kwyxz vient il à l’instant d’admettre qu’il peut exister de bons jeux sur Wii ?
    Je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent.
    Sinon je rappellerai également cette citation qu’y m’avais fait sauter le pas et acheter Braid il y a quelques mois : « Braid c’est un peu un suppo au miel ». Et effectivement ça fait mal quand on voit le prix mais c’est si doux que personne ne regrette jamais.

  3. Tu me donnes sacrément envie d’y jouer, si j’avais une Xbox 360, il serait mien.

    Je me demande, j’aimerais bien savoir ton avis sur un jeu amateur PC nommé Iji, j’y ai joué et je ne te dirais pas mon impression mais j’aimerais bien savoir ce que tu en penses, toi mais aussi tes collègues. Et qui sait, peut être un test pour donner a ce jeu de la pub.

    Le trailer: http://www.youtube.com/watch?v=33mxD4FjD3w
    Le lien du site pour dowload: http://www.remar.se/daniel/iji.php

  4. Stevesse, il est insultant de comparer ce bijou qu’est Braid à un étron télécommandé.
    Nevran, merci pour les liens je vais y jeter un oeil.

  5. Tout pareil. Grosse, grosse surprise de 2008. Et grosse, grosse envie du coup de se mettre à développer pour le XBLA.

  6. Nevran : Braid devrait bientôt sortir sur PC, et là, tu n’auras plus d’excuses !

  7. Mais… Je vais devoir payer T_T Oh pi zut, pour une fois je m’acheterais un jeu PC, ca m’en fera mon nouveau depuis Heroes III et Age of empire II [Tient d’ailleurs, un test sur le monstre sacré Heroes III, ca serait bien^^]

  8. J’aimerais qu’on me les laisse, ceux-là…

  9. Moi je te le laisse Heroes III mon Shanou :)

  10. Je te le laisse aussi. Mais franchement si tu dis autre chose que « heroes 3 c’est heroes 2 avec une nouvelle skin et 2-3 merdouilles » je lance une vendetta. Sans vouloir t’influencer bien entendu.

  11. Je laisse Age of Empires II aussi, hein. C’est pas mon trip.

  12. Pour Age of Empires 1 et 2, je peux déjà dire le fond de ma pensée : en terme de gameplay et d’ambiance, c’est l’équivalent d’un porno en costume. La différence, outre le fait qu’il n’y a pas de jolies filles à mater, c’est que même dans les pornos en costume, ils ont un peu plus de respect pour l’histoire.

  13. Je ne suis pas d’accord mais j’ai ri.

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