On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Mes adieux à PC4War (deuxième partie)

Par • le 31/5/2013 • Entre nous

Dans une première partie, j’ai décidé de rendre hommage à un magazine récemment disparu, PC4War, en consacrant presque tout l’article à un autre magazine, Cyberstratège. Ce n’est pas si incongru que ça, quand on sait que le premier s’explique à la lumière du second. Pour commencer, il devait en être l’héritier et le « vengeur » en reprenant, mais de manière plus « grand public », l’objectif initial qui était de proposer un magazine entièrement consacré aux jeux de stratégie informatiques. Nous en discuterons plus longuement un peu plus loin, mais revenons à Cyberstratège deuxième formule.

On ne vit que deux fois

Je m’étais réjoui, non seulement de cette résurrection, mais aussi du fait que les jeux de stratégie aient deux magazines au lieu d’un. Malheureusement, beaucoup de choses avaient changé par rapport à l’époque du premier Cyber. En ce temps-là, les titres ne manquaient pas, que ce soient les titres de magazines de jeux vidéo, ou les titres de wargames et de jeux de stratégie. Sans oublier que les premiers parlaient des seconds. Pas toujours et pas des masses, mais ils en parlaient. Qu’en était-il 10 ans après ? Le nombre de titres s’est considérablement réduit, que ce soit dans les kiosques ou dans les bacs (et pourtant, il y avait encore des kiosques et des bacs). Hormis les titres rachetés par Future, aucun magazine de l’époque du premier Cyber n’avait survécu assez longtemps pour le voir réapparaître. Sur le plan de la stratégie, Heroes of Might and Magic a survécu vaille que vaille, mais n’a eu que peu de concurrents. Quant aux wargames, ils étaient de moins en moins nombreux et de moins en moins couverts par les magazines généralistes.

Cela dit, celui qui en parle le mieux, c’est Théophile Monnier, dans son communiqué d’adieu (reproduit sur de nombreux forums, dont celui de Mille-Sabords). Car Cyberstratège a fini par périr une deuxième fois, en 2008, au quinzième numéro :

Lors du lancement de la nouvelle formule il y a deux ans, les premiers résultats de Cyber semblaient prometteurs. Malheureusement, le marché de la presse PC a bien changé par rapport à la première vie de Cyber il ya dix ans, et nous n’avons jamais réussi à atteindre les niveaux de vente que nous connaissions à l’époque.

Au fil des mois, le lectorat des amateurs de jeux de stratégie s’est fortement réduit, il a également vieilli, sans renouvellement par un public plus jeune. Alors que Cyber première formule pouvait compter sur un apport régulier de sang neuf grâce à de jeunes joueurs enthousiastes, le nouveau Cyber s’est heurté à un mur, celui de la désertification des kiosques au profit d’Internet et surtout en raison de nouvelles habitudes de consommation qui frappent durement le marché de la presse informatique.

La situation générale du marché du jeu PC, en forte crise actuellement, et plus précisément la disparition des jeux de stratégie dans les rayons a également joué. (…) Il faut noter que l’absence de grandes sorties wargames ou leur diffusion de manière plus confidentielle pendant ces trois ans a rendu les choses difficiles.

Il est vrai que le site, fondé dans la foulée du magazine, lui a survécu quelques années. Jusqu’en 2012, où il a fermé pour de bon suite à la mise en liquidation judiciaire des Editions du Paladin, dont il dépendait (ce qui a entraîné la disparition des magazines Axes & Alliés, et Voyages & Histoire). J’avoue que je n’ai que très peu fréquenté le site. La raison est que je n’ai jamais vraiment jamais sauté le pas entre la presse papier et le web. Certes, je l’utilise beaucoup pour m’informer sur l’actualité du jeu video (et plus particulièrement l’actualité des polémiques concernant le jeu vidéo). Mais je m’en passe largement quand il s’agit de me faire une opinion sur tel ou tel jeu avant de l’acheter. Je fais principalement confiance aux revues papier auxquelles je suis resté fidèle (en l’occurrence, il n’y a plus que Canard PC). A la rigueur, je prends en compte les avis de mes congénères sur le peu de forums que je fréquente encore. Cela dit, l’élément décisif qui me pousse à acheter un jeu est le plus souvent une promo à -50% ou à -75% sur Steam, GamersGate ou GOG. Mais c’est une autre histoire…

Il ne peut en rester qu’un. Ou deux. Ou zéro.

Heureusement, PC4War était toujours là. Certes, sa lecture était devenue une routine, mais tout de même, je ne boudais pas mon plaisir de pouvoir continuer à lire des analyses stratégiques et à découvrir des jeux de stratégie ignorés par la presse vidéoludique. Et vu le peu qu’il en restait, je me réjouissais de voir perdurer un magazine plus spécialisé que les autres.

Après, je ne peux pas dire que j’ai tout compris à leurs expérimentations et repositionnements. Lors du lancement du magazine, leurs reportages consacrés à l’eSport ne me passionnaient pas outre mesure, et l’engouement autour du pro-gaming en général me laissait froid. Mais j’étais quand même curieux, et plutôt content d’en apprendre un peu plus sur un milieu dont j’ignorais tout. Après, il y a eu une certaine… « diversification » dans les jeux testés. Le dernier Call of Duty ? Mmmouaaaais… pourquoi paaaas… c’est un « jeu de guerre », après tout ? (les wargameurs ont dû adorer le détournement de cette expression, qui sert maintenant à désigner ce qu’on appelait auparavant les « jeux ultraviolents ») Un autre FPS à la Call of Juarez ? Le dernier Meuporg à la mode ? Mmmouaaaais… pourquoi paaaas… ce sont des univers fantaisistes, comme on en a dans certains jeux de stratégie.

Il y a eu également l’apparition des Cahiers de PC4War en 2011. Il s’agissait de séparer la partie « magazine » (tests, les previews…) et la partie « analyse de fond », chacune faisant l’objet d’un bimestriel distinct. Ma foi, pourquoi pas. C’est ce que je me suis dit encore une fois, même si je n’en voyais pas la nécessité. Mais bon, pendant un temps, au lieu d’avoir un mensuel, on a eu deux bimestriels paraissant l’un après l’autre. Un temps assez court, cela dit, parce que l’expérience des Cahiers de PC4War n’aura duré que 5 numéros.

Enfin, Pc4War unifié a fini par faire peau neuve, comme les autres magazines de la société Conflits & Stratégie (Champs de Bataille, 2nde Guerre Mondiale…). Le format était davantage celui d’un magazine, et le prix était réduit, mais le fond ne changeait pas. Du moins, il ne changeait pas par rapport à ce que l’ancienne formule était devenue. A savoir, selon les goûts, un magazine de jeux de stratégie qui lorgnait de plus en plus vers le grand public (but avoué, échec avéré, de l’avis même des rédacteurs); ou bien un magazine de jeux vidéo avec une (plus ou moins) importante partie stratégie. C’était toujours mieux que rien, et certaines pages étaient mémorables. Je pense en particulier aux tests de Guillaume Poulain, qui a descendu en flammes deux jeux que j’ai aimés pour diverses raison : Avadon et The Witcher 2. Pour résumer, il reprochait à Jeff Vogel (l’homme derrière Avadon) d’avoir fait « du vieux avec du vieux », et s’il a reconnu d’indéniables qualités au nouvel opus du Witcher (notamment en ce qui concerne l’ambiance et le scénario), il a profondément détesté l’univers trop noir, cru et désespérant du Sorceleur. Certes, je n’étais pas d’accord, et mes dents ont grincé, mais ses avis étaient malgré tout argumentés et respectables. Et de manière générale, les tests de Guillaume Poulain avaient une double vertu : je savais que les tests étaient de lui, et ils restaient dans ma mémoire.

Hélas, la fin était proche. La mise en liquidation judiciaire de MER7, fiun 2012, a entraîné une hémorragie de titres, dont Joystick, PC Jeux et Consoles +. Pour être franc, de tous ces titres, je n’achetais que Joystick par habitude et PC Jeux pour le jeu complet vendu avec (et éventuellement Computer Arts de temps en temps pour me donner l’illusion que grâce à ça, je me mettrais enfin à l’infographie). Mais voir autant de titres finir comme ça me paraissait bien triste pour la presse papier, et inquiétant pour les quelques titres restants. Je me disais : heureusement qu’il y a encore PC4War, lui au moins va passer l’hiver. Ce fut le cas, en effet… mais après, rideau. Car même eux avaient de grosses difficultés financières. Le numéro de février-mars de cette année aura donc été le dernier (coïncidence : au moment où j’écris ces quelques lignes, j’apprends qu’IG Mag vient à sont tour de tirer sa révérence).

Que j’embrasse au moins votre drapeau

Un peu plus de 10 ans et 60 numéros. Si l’on rajoute les deux versions de Cyberstratège, les Cahiers de PC4War et les hors-série, on devrait arriver à 15-16 ans et 100 numéros Pas mal pour ce qui était supposé n’être que des magazines de niche. Il est vrai qu’au fil du temps, la niche s’était un peu agrandie, voire bordélisée, avec l’intrusion du pro-gaming, des FPS militaires et j’en passe. Mais même un magazine de jeux de stratégie fortement dilué et lorgnant de plus en plus vers le grand public valait mieux que pas de magazine de jeux de stratégie du tout. Et de manière générale, un magazine papier en crise d’identité valait mieux que pas de magazine papier du tout. C’est donc la fin d’une belle aventure (qui se poursuit d’une certaine manière malgré tout, en ligne, sur la Gazette du Wargamer). Adieu encore une fois, mes vieux compagnons ! Que ce dernier baiser passe dans vos coeurs !

est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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