On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Genre: CSI pour les nuls • Editeur: Capcom • Date de sortie: 19 février 2010

Ace Attorney Investigations: Miles Edgeworth

Par • le 29/4/2010 • Nintendo DS, Tests & previews • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •

Laissez moi mettre les choses au clair. J’adore Capcom ! Ils ont généralement de bonnes idées de gameplay et ils savent faire des jeux fun. Malheureusement, Capcom a un gros défaut : quand ils trouvent un filon d’or, ils l’exploitent, le sur-exploitent et le susur-exploitent jusqu’à en récolter les dernières miettes. On se retrouve donc avec des séries constituées d’un ou deux bons premiers jeux et d’une multitude de suite cherchant vainement à imiter leur aîné, jusqu’à ce Capcom se rende compte que leur filon s’est épuisé et décide soit de changer le gameplay et de garder le même nom, soit de changer son nom et de garder le même exact gameplay…

La série des Ace Attorney ne fait pas exception. Après un jeu original et rafraichissant, Capcom a désespérément essayé de recréer plusieurs fois le même hit. Malheureusement, Capcom n’a jamais compris que ce qui rend une œuvre unique et originale, c’est son unicité. Quand on répète 3 fois le même choc, on cesse d’être surpris.

Sur ce, Capcom a décidé de relancer la série Ace Attorney en nous mettant du côte du procureur : Miles Edgeworth, ou Hunter pour ceux qui s’infligent cette torture capitale qu’est la version française.
Ah ! Mais j’y pense, cet épisode n’a pas été traduit en français contrairement aux précédents.

Bon, qui s’est fait tuer aujourd’hui ?

Edgeworth appuie sur le bouton "reflexion intense" caché sous sa fabuleuse coiffure.

Après plusieurs années en dehors du pays, Miles revient dans son bureau pour être accueillit par un cadavre tout frais sur ses étagères et du sang dans ses dossiers. Notre Edgeworth préféré se retrouve alors mêlé à une affaire de contrebande internationale. Nous voilà donc de retour dans le monde d’Ace Attorney. Un monde où les gens crient OBJECTION ! aussi souvent qu’une personne ordinaire utiliserait une virgule. Un monde où les innocents sont toujours présumés coupables et où les vrai criminels peuvent s’échapper simplement en réclamant qu’on appuie nos preuves avec d’autres preuves. Un monde dans lequel la police inspecte les lieux du crime après qu’on leur ai prouvé qu’ils y trouveront quelque chose. Un monde où l’individu le plus proche de la scène du crime lorsqu’on la découvre est toujours le suspect N°1, surtout s’il a une gueule plutôt sympathique, inoffensive et qu’il n’a aucun motif…

L’univers d’Ace Attorney est aussi consistant que la banane vieille de 3 semaine qui rôde dans mon placard, mais cela ne me gênait pas avec Phœnix Wright pour une simple raison : on incarnait un nouvel avocat de la défense, tout frais sorti de l’école guacamole, qui devait toujours faire sa propre enquête en marge de la police et qui devait défendre son client devant le tribunal, seul contre des procureurs corrompus et des témoins malhonnêtes. Il était donc plus ou moins compréhensible que tout le monde essaye de lui mettre des bâtons dans les roues. A l’inverse, ici on joue le procureur, celui qui dirige l’enquête aux côtés de la police. Et pas c’est pas n’importe quel procureur, c’est Miles Edgeworth ! Il a quand même un putain de trophée dans son bureau. Pourtant tout le monde le traite comme s’il était un bleu qui ne sait pas de quoi il parle et qui n’est pas digne de confiance. Lorsqu’on veut inspecter un lieu ou un objet, il y a toujours un autre procureur ou une hôtesse de l’air ou Horatio Caine pour venir nous contredire pour la seule et unique raison qu’il faut bien que quelqu’un le fasse. En fait, on pourrait mettre Phœnix à la place de Miles et on y verrait aucune différence, ce qui est un peu ennuyeux pour une série qui essaye de se renouveler…

Bon j’exagère, il y a quand même une différence entre Phœnix et Miles.

Phœnix Wright pouvait voir les secrets cachés des gens, manifestés par des visions de cadenas à la place du nez. Apollo Justice avait la capacité de repérer les tics compulsifs trahissant les menteurs. Miles Edgeworth quant à lui est doté du pouvoir de…

Wait for it…

LA LOGIQUE !

Un pouvoir qui se trouve être indispensable dans un monde peuplé à 20% de meurtriers, à 20% de futures victimes et à 100% d’imbéciles. Le système de logique fonctionne comme suit : lorsque Miles inspecte un objet ou parle à quelqu’un, il prend en note les éléments de l’affaire dans sa tête. Par exemple : « Le cœur de la victime a été transpercé » et « un couteau ensanglanté a été retrouvé près de la victime ». C’est alors au joueur de plonger dans l’esprit déductif de Miles pour relier lui même ces deux idées. Miles hurle alors « Euréka ! » et explique son raisonnement : « Si la victime a été transpercée et que ce couteau est ensanglanté, cela signifie que ce couteau est surement l’arme du crime ! », à la suite duquel les trois quarts des personnages s’extasient devant tant de génie à l’exception d’Horatio Caine toujours déterminé à être en désaccord, et du joueur qui à ce stade ne peut s’empêcher d’hurler un bon gros « merci pour l’intervention Captain Obvious ! »…


Cliquez sur l’image.

En clair, c’est un système qui guide obsessivement le joueur vers le bon raisonnement sans lui demander de réfléchir.

A part ça, le jeu a la même structure que les épisodes précédent. Miles trouve un cadavre tout frais. S’en suit une séance de point & click qui consiste à examiner chaque pixel de l’écran jusqu’à ce qu’un individu viennent défier notre logique toute puissante à coups de raisonnements foireux. Notez que l’individu en question est parfois le coupable lui même qui semble penser que la discrétion est indigne de lui… On passe alors à une interrogation qui fonctionne de la même manière que les témoignages des épisodes précédents mais sans le décor dramatique du tribunal (et pourtant les personnages continuent à crier « OBJECTION ! » et « HOLD IT ! » à tout bout de champs comme si le monde avait été frappé par une épidémie étrangement spécifique de maladie de Gilles de la Tourette… Bref…). Le principe est toujours le même, on repère les mensonges ou les erreurs dans le raisonnement de son adversaire et on présente l’objet qui prouve qu’il a tort.

Bon, je râle, je râle mais tout ceci aurait peu d’importance si l’histoire était intéressante ou si les crimes étaient bien pensés.

Pourquoi ai-je le sentiment que tu vas pas en dire du bien ?

Edgeworth tente vainement d'expliquer son raisonnement à Gumshoe.

Le scénario est tellement décousu et schizophrénique qu’il est insupportable à suivre. Le jeu démarre vers la fin de l’histoire et Miles se met à tout raconter dans le désordre complet si bien que l’avant dernier chapitre est en fait un flashback à l’intérieur d’un autre flashback. Le fil conducteur est une organisation de contrebande internationale et un gentleman cambrioleur qui pénètre dans les maisons des criminels pour y dérober des preuves de leurs félonies. Mais seules les deux dernières affaires font réellement avancer le scénario. Le reste ne sert qu’à respecter le quota d’enquêtes.

Les meurtres en eux même sont inintéressants pour la plupart car on ne se demande jamais « qui a tué le docteur Lenoir, avec quoi et où ? » mais plutôt « comment vais-je convaincre Horatio Caine que le sergent Bisounours est innocent ? ». Le plaisir avec Phoenix Wright était qu’il semblait toujours impossible de défendre son client au début tellement les preuves s’accumulaient, et pourtant on arrivait à les innocenter. Ici, les flics accusent tout le temps le premier individu qu’ils croisent sans même réfléchir à la situation. N’importe quel crime du jeu pourrait être résolu en quelque minutes si on laissait Miles faire son travail tranquille.

Dans la première affaire, la victime est trouvée devant un nom écrit en lettres de sang. « La victime a marqué le nom de son assassin dans son dernier soufle ! » s’exclame alors Captain Oblivious qui a manifestement oublié qu’on a déjà prouvé 2 ou 3 fois dans les épisodes précédents que ce n’est pas possible. Notez également que le suspect innocent N°1 de l’affaire est Maggie ! La charmante jeune femme qui est accusée de meurtre tous les matins malgré le neon « inoffensif » qui clignote sur son front. Mais la première affaire sert toujours de tutoriel, donc ça passe.

La deuxième affaire implique un meurtre commis dans un avion. Sur le papier ça semble intéressant. Vu de l’extérieur l’avion paraît ordinaire, mais une fois à l’intérieur on y trouve plusieurs étages dont un restaurant, un magasin de souvenir et une soute suffisament grande pour contenir King Kong, le tout relié par un ascenseur. Non seulement c’est complètement invraissemblable, mais ça annule tout l’intérêt de situer le meurtre dans un avion. L’affaire aurait très bien pu se dérouler dans l’aéroport, ou dans même dans un bête entrepôt et ça n’aurait absolument rien changé.

La troisième affaire est sans doute la pire de toutes d’une part parce qu’elle a été passée à la machine à étirer les guimauves de Willy Wonka, d’autre part parce qu’elle est tellement compliquée et tordue qu’on commence rapidement à se dire « mais pourquoi le tueur n’as pas juste fait ci au lieu de faire ça » toutes les 5 minutes. Le tout est achevé sur une scène ridicule dans laquelle Miles, la police ET Interpol se voient tous refuser l’accès à la scène du crime parce que le père multi-millionnaire du suspect vient de racheter le bâtiment où a été commis le meurtre et déclare que c’est une propriété privée et que personne n’est autorisé à y pénétrer…

Apparemment, dans l’univers d’Ace Attorney, il n’y a pas de loi contre l’entrave à la justice.

Sur ce, un des personnages explique qu’ils n’ont pas besoin de se rendre sur la scène du crime puisque, sans même l’avoir vue, il peut la recréer en appuyant sur quelques touches de son holodeck portable.

La quatrième et la cinquième affaire sont plus intéressantes et moins promptes à créer des hémorragies internes, par conséquent je ne les spoilerais pas.

Terminons sur un point positif

Horatio Caine et sa partenaire

Du bon côté des choses, le jeu a toujours cette ambiance auto-parodique avec des personnages stéréotypés qui font de grand gestes ridicules et sont physiquement blessés lorsqu’ils sont frappés par le puissant pouvoir de la logique. Les dialogues, quand ils ne servent pas à récapituler pour la Nième fois tout ce qu’on sait déjà, sont pleins d’humour. Les protagonistes récurrents de la série ont tendance à se répéter (Franziska fouette les gens et Gumshoe a un salaire dans le négatif…) mais les quelques nouveaux personnages apportent leurs lots de gags. Le jeu introduit un agent d’Interpol qui ne peut s’empêcher de mettre puis retirer ses lunettes noires quand il a besoin d’ouvrir la bouche.
Personnellement, je ne sais pas trop pourquoi mais je m’identifie énormément au cynique mais calme Edgeworth, constamment désespéré par l’incompétence des gens qui l’entourent. Peut-être est-ce le costume ?… Allez savoir…

Au final, cet épisode n'est pas mauvais mais c'est du déjà vu. La plupart des situations ont un goût de recyclé et le sentiment de craquer des crimes impossibles est complètement absent. Ça passe le temps mais ce n'est pas l'épisode qui nous marquera le plus.

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est joueur depuis 1989. Né avec un(e) gameboy dans les mains, ce joueur hardcore masochiste et élitiste démarre toutes ses parties en mode difficile et laisse sa frustration briser ses manettes.
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5 commentaires »

  1. Après avoir lu le test (excellent soit dit en passant, j’adore ce style), j’ai un peu de mal à comprendre le 3 final.
    En gros, les tentatives de renouvellement sont complètement foireuses (hormis qq nouveaux persos), la réflexion est optionnelle alors qu’on est censé être face à un jeu de réflexion, 3 enquêtes sur 5 sont superficielles et mal construites, on se bat contre de la mauvaise foi plutôt que pour la recherche de la vérité…
    L’humour et les 2 dernières enquêtes réussies suffisent à faire oublier tout le reste ?

  2. Je hais les notes. Comme si un nombre pouvait résumer à lui tout seul une opinion complexe.

    J’ai longtemps hésité entre le 2 et le 3. Disons que j’ai fait le jeu pendant long, très très très long trajet en bus de Montréal à Trou-du-cul-québécois et du coup je n’ai pas vu passer les 10 heures de trajet. Si le jeu peux m’absorber pendant 10 heures sans me faire trop chier c’est qu’il n’est pas complètement mauvais. C’est juste qu’on attend sans arrêt LE moment ou arrive un truc impossible demandant des déductions invraisemblable et il n’arrive jamais.

    Maintenant que j’en parle j’ai envie de redescendre la note à 2 mais je vais pas changer ce que j’ai mis. Je devais être de bonne humeur quand j’ai terminé mon article.

    Considère ça comme un 2,5.

  3. Ca s’achète quand même, quoi.
    Mais peut-être pas neuf…

  4. La fin du jeu m’a donné envie de jeter ma DS par la fenêtre… Ce jeu est une autoparodie, du début à la fin.
    Qu’ils réengagent les gens responsables de la première trilogie, parce que entre qui m’a bien saoulé AJ et AAI qui m’a littéralement achevé, j’ai décidé d’arrêter les frais !

  5. Je pense surtout que le concept de base ne permet pas de faire une longue longue série de jeux, chacun innovant et original. J’ai eu le sentiment qu’ils sont tout simplement tombé à court d’idées et ils devraient franchement laisser cette série mourir en paix et passer à autre chose.

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