Genre: Enquête policière complètement barrée sous acides • Editeur: Access Games / Rising Star Games • Date de sortie: Octobre 2010
Deadly Premonition
Par kwyxz • le 21/8/2011 • PlayStation 3, Tests & previews, Xbox 360 • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •Un beau jour, un scénariste de jeux vidéo japonais répondant au pseudonyme de SWERY buvait son café et s’est dit, tiens, si je concevais un titre qui serait un gigantesque hommage à Twin Peaks. Oui, le nom est déjà apparu dans les multiples reviews internationales auxquelles Deadly Premonition a déjà eu droit depuis un an. Oui, le jeu est fortement inspiré de la série de David Lynch, à vrai dire il pourrait même s’agir ici de la meilleure adaptation possible de l’oeuvre en jeu vidéo. Un topic sur Giantbomb recense même les ressemblances entre les deux univers. L’environnement, les personnages, les références, l’ambiance, tout, absolument tout, fait penser à la petite ville de l’état de Washington qui occupa les écrans de fans hallucinés des mois durant au début des années 90. Ceci étant dit, le scénario est loin d’être une resucée, et c’est bien à une histoire entièrement originale que le joueur est ici confronté. Une histoire qui va amener le héros à rencontrer de bien étranges créatures, une galerie de personnages hétéroclites, et pourquoi pas l’amour ?
Do you hear me Zach ?
Dans la petite ville de Greenvale, un meurtre effroyable est découvert par deux jeunes enfants : une jeune serveuse du restaurant local est retrouvée éventrée et attachée en haut d’un tronc d’arbre. Le FBI envoie l’un de ses meilleurs agents, le schizophrène Francis York Morgan (mais tout le monde l’appelle York), pour enquêter… lequel démarre l’aventure dans une étrange pièce rouge, comme dans un rêve. Face à lui deux angelots psychédéliques ricanent, et ce n’est qu’après avoir fureté aux quatre coins de la pièce qu’il se retrouve au volant de sa puissante voiture de sport. Soudain une silhouette menaçante lui fait commettre un écart, sous la pluie battante c’est une inévitable sortie de route, et c’est groggy que York s’extirpe de son véhicule en flammes et part à l’aventure. Un premier « profilage » se lance : il va devoir récupérer trois indices qui l’aideront à progresser dans son enquête via des séquences vidéo indéchiffrables en premier lieu. Le monde qu’il découvre est sombre et peuplé de créatures agressives, dont l’aspect rappelle les zombies de Romero mais dont le mode d’attaque se révèle surprenant : c’est tournant le dos mais courbée vers l’arrière que la première autochtone rencontrée se précipite sur l’agent du FBI, afin de l’étouffer en lui enfonçant son poing dans la bouche. Un mode opératoire métaphoriquement bien représentatif de ce que sera l’ensemble du jeu : une accumulation de bonnes idées, sous un vernis étrange, pour ne pas dire bizarre.
Bizarre parce que la réalisation semble venir d’un autre âge, le développement du jeu ayant débuté sur PS2 et le passage sur Xbox360 et PS3 n’ayant manifestement pas entraîné une foultitude d’améliorations graphiques : les textures sont affreuses, la définition de l’écran très basse et granuleuse, les animations sont hachées… Mais bizarre également parce que la maniabilité de notre héros est tout sauf une partie de plaisir. Quasi digne des premiers épisodes de Resident Evil, elle frustre et agace : York a un balai dans le derche, se déplace lentement même quand il court, n’a aucune esquive, ses pas chassés sont trop lents. La seule méthode permettant d’éviter les ennemis afin de les contourner et trouver un endroit sûr d’où les canarder est de retenir sa respiration, une bonne idée, mais sous-exploitée. Ceci ne se fait d’ailleurs que de façon limitée, le rythme cardiaque du héros augmentant drastiquement durant ces périodes, un rythme qu’il conviendra également de surveiller lors du « lock » des ennemis au viseur. Si l’on ajoute à celà que les armes à feu sont curieusement peu efficaces mais que les armes au corps à corps ont un rayon d’action imprécis et se payent le luxe d’être fragiles et de casser au bout de quelques utilisations… on comprend que toutes les séquences d’action mettant en scène des monstres seront loin d’être une partie de plaisir. Surtout que les « zombies » seront le cadet des soucis de York par la suite. Le prologue est donc douloureux et nombre de joueurs se sont très certainement demandé dans quoi ils venaient de gaspiller 20 Euros lors de leur première heure de jeu. Récompense bien méritée après ce chemin de croix, le véritable intérêt du titre se dévoile maintenant.
My pot is getting cold !
York s’éveille à son hôtel et alors qu’il fait rapidement le tour de la chambre, on prend conscience de l’ensemble des actions possibles proposées par le titre : si se raser n’a qu’une fonction cosmétique (à vous de voir si vous aimez le style barbe de trois jours), des vêtements trop crasseux pousseront les autres personnages à parfois vous faire remarquer que votre hygiène laisse à désirer. Curieusement, il n’est pas possible de se laver, mais un coup de pressing suffira à récupérer un costard propre comme un sou neuf. Dormir permet de récupérer de l’énergie vitale mais s’accompagne généralement d’une brutale hausse de la faim et il conviendra de se rassasier pour ne pas mourir affamé : surprise, manger ne rendra la plupart du temps aucune énergie. Ces actions auraient rapidement pu être trop contraignantes et répétitives, fort heureusement il n’en est rien et l’on ne sera que rarement amené à vraiment devoir dormir et se restaurer : elles resteront donc essentiellement accessoires. Une seule indispensable : régulièrement on prendra le temps de passer un coup de fil au bureau du FBI afin de faire son rapport et sauvegarder la partie, en plus de la sauvegarde automatique à chaque fin de chapitre, lesquels sont au nombre de vingt-six. Dernier élément présent dans la chambre, une valise fait office d’inventaire et fonctionne de la même manière que les malles des premiers Resident Evil, encore : tout objet à l’intérieur est accessible depuis n’importe quelle valise trouvée dans le jeu. Si le titre de Capcom est une fois de plus cité, le déroulement de Deadly Premonition est pourtant radicalement différent et s’éloigne sans peine de celui du célèbre survival horror. Pour le découvrir, il est temps de sortir de la chambre d’hôtel.
S’il fallait démontrer à quel point Deadly Premonition se permet des scènes surréalistes, nul doute que celle du premier café à l’hôtel en compagnie de Polly ferait partie des plus évidents choix. Durant ces multiples phases de discussions entre les personnages, l’écriture de SWERY prend toute son ampleur et fait mouche, malgré une synchro labiale catastrophique, le voice acting est bon et les acteurs s’appliquent, les intonations sont franches et convaincantes et les dialogues ciselés de main de maître… Quand on les entend : le mixage du jeu étant optimisé pour le 5.1, un détour par les options sera nécessaire afin de baisser la musique pour tout joueur restreint à un équipement stéréo, ou moins. Et quand bien même, de multiples passages du jeu durant lesquels la musique décidera de ne sortir que via l’enceinte arrière droite poussera immanquablement à vérifier de temps à autre qu’un cable n’a pas été accidentellement débranché dans celle de gauche. Dommage, car la musique, souvent jazzy et presque toujours en décalage avec l’action, contribue énormément à l’ambiance du titre même si elle s’avèrera parfois complètement loupée. Une fois le petit déjeuner avalé, le moment est venu de sortir découvrir le vaste monde… ou plutôt la bourgade de Greenvale, théâtre des exploits de York.
Quand on arrive en ville
Premier réflexe à acquérir lors de l’entrée / sortie dans n’importe quel véhicule : appuyer sur Start permet de zapper la brève cinématique montrant l’ouverture / fermeture de porte. Dans le même ordre d’idée, il est possible de rapidement franchir n’importe quelle porte non verrouillée en appuyant simultanément sur le bouton de course et le bouton d’ouverture. Quand on découvre ça au bout d’une vingtaine d’heures de jeu, la notice se distinguant par son inutilité, ça fait toujours plaisir. Une fois le bolide démarré, constatation d’usage : la conduite se révèlera à la hauteur du reste. Totalement calamiteux, affublés d’une physique ridicule, de bruitages pitoyables et d’un manque total d’intérêt, les multiples déplacements en voiture seront un calvaire, certes moindre que les passages de combat contre les « zombies » mais toujours bien loin d’une partie de rigolade. Le terrain de jeu est pourtant large car Greenvale a beau être une bourgade de peu d’habitants, elle est relativement étendue (mais vide) et certains déplacements seront longs, très longs, même si certains objets déblocables permettent d’en atténuer la durée, ce qui s’avèrera parfois utile afin de ne pas manquer les heures de rendez-vous. Le jeu utilise en effet un système d’horloge en temps réel : chaque personnage de la ville a sa petite vie bien réglée, rentre chez lui dormir ou manger, part travailler, va faire des courses, et ne proposera certaines quêtes qu’à des horaires bien précis. Pour faire passer le temps plus vite, il est toujours possible de griller une clope ou d’aller dormir un coup, mais si un rendez-vous est raté, il n’y a plus qu’une seule solution : s’occuper en attendant le lendemain car fort heureusement tant que le scénario principal n’avance pas chaque jour se répète indéfiniment nuit après nuit comme dans Groundhog Day. A force de discussions et de rencontres, York assemble peu à peu les pièces du puzzle et mène son enquête, il n’y a pas une seconde à perdre puisque les victimes s’accumulent et que le tueur, vêtu d’un imperméable et armé d’une hache, semble fermement décidé à ne pas s’arrêter en si bon chemin.
Une chose est sûre : Deadly Premonition ne dévoilera ses charmes qu’à ceux ou celles qui sauront fermer les yeux sur ses (innombrables) défauts. Les auteurs du jeu expliquent que les phases d’action, les plus insupportables donc, ont été ajoutées au dernier moment sur demande expresse du distributeur qui craignait qu’un jeu sans gunfights ne serait pas vendeur auprès du public occidental. C’est probablement le plus gros ratage du jeu. Et quand bien même elles n’auraient pas existé, on ne peut tout de même pas ignorer la navigation pénible dans les menus, la carte de la ville inutilisable à cause du zoom trop important, les trop fréquentes coupures de l’action à chaque ramassage d’objet (même si celles-ci sont une fois de plus accélérables avec la touche Start). Notons toutefois que cet ajout tardif expliquerait certaines incohérences lors des rencontres avec le Raincoat Killer : un agent du FBI qui fuit contre un type armé d’une hache alors qu’il dispose d’un fusil à pompe illimité, ça fait mauvais genre. Mais cela n’explique toujours pas le caractère bipolaire du tueur qui après l’avoir pourchassé pendant de longues minutes et alors qu’il tient l’agent à sa merci, préfère lui faire un signe de « non » de la main et s’en aller… Il faudra donc beaucoup pardonner à ce jeu pour pouvoir réellement en profiter, mais si l’on y parvient, quelle expérience incroyable que cette grosse vingtaine d’heures (sans faire toutes les quêtes annexes), quelle claque dans la gueule ! Grâce à l’histoire bien sûr, mais aussi à un formidable sentiment de liberté, le titre lâchant le joueur en pleine nature sans lui donner le moindre élément autre qu’une heure et un point de rendez-vous, sans tutoriel, la perte de repères étant totale. Il est ainsi possible de ne découvrir qu’au bout de plusieurs heures que des quêtes annexes sont disponibles !
Dommage que toutes ces bonnes idées soient ainsi ravagées par une exécution si faiblarde, la faute à un budget trop limité. Ce titre aurait pu être le meilleur jeu de la décennie toutes plateformes confondues. Il restera un jeu d’exception bourré de défauts, mais au charme indéniable pour peu que l’on fasse l’effort de découvrir sa vraie nature.
Fait unique dans la (courte) histoire de Gaming Since 198X, il m'est difficile, voire impossible, de mettre une note. Un simple chiffre ne pourra jamais exprimer ce que je ressens pour, ou envers, Deadly Premonition. D'un strict point de vue technique, c'est une honte qui ferait rigoler n'importe quel fan de Dreamcast. Son gameplay d'un autre âge et les passages "action" extrêmement pénibles qui accompagnent chaque phase de recherche d'indices feront jeter la manette de dégoût à plus d'un joueur. Il m'est personnellement arrivé de le laisser tomber pendant de nombreuses semaines à plusieurs reprises. Pourtant, le charme agit et inexplicablement j'y suis revenu, encore et encore, afin de résoudre cette fascinante enquête, me laissant envoûter par le charme de l'histoire, la qualité des dialogues et l'extravagance des personnages. Il m'a fait souffrir, il m'a poussé à le haïr, pourtant ce titre est probablement l'une des plus incroyables expériences vidéoludiques de ma vie de joueur et restera donc à ce titre inoubliable, même s'il m'est impossible de le recommander à quiconque. Qu'on l'adore ou qu'on le déteste, nul doute qu'il faut obligatoirement s'y essayer et se forger sa propre opinion.
Effectivement, sans ces scènes de shoot assez ignobles, le jeu est vraiment sympa.
Heureusement, ces séances de shoot sont assez faciles et il est rare de devoir recommencer (Sauf pour le zombie qui joue à l’araignée sur le plafond et les murs : insupportable. Une fois qu’on a capté la technique, ça va mais sinon…). A chaque cinématique qui introduit l’univers parallèle peuplé de zombies, on fait la gueule rien qu’à l’idée qu’on passe du côté obscur du jeu et qu’il va falloir se payer 15 – 20 minutes de calvaire.
Garder un si bon souvenir d’un jeu présentant autant de défauts (la voiture qui se coince sur la route car la côte est trop raide O_o, la collecte de cartes qui ne servent à rien etc) prouve à quel point l’ambiance et le scénario sont réussis.
Encore faut-il accrocher à cet univers psychédélique et malsain car il en rebutera plus d’un, c’est certain.
Comme un symbole, à la fin du jeu, on ne débloque que le succès lié à la difficulté qu’on a choisie : faites le jeu en moyen et vous ne débloquerez pas le succès « facile ». Le jeu est éprouvant et la récompense se mérite !
Comme tu l’expliques à la fin de ton test : avec davantage de moyens et de temps pour peaufiner certains passages, ce jeu aurait pu être beaucoup plus convaincant. Mais une partie de son charme vient assurément de ce côté désuet et dépassé qui prouve qu’une autre voie est possible : celle d’un jeu qui installe son univers par petite touche, nous y plonge progressivement sans plus nous lâcher, pour distiller une atmosphère dont on se souviendra encore des mois après avoir bouclé le jeu.
On est bien loin des jeux-étalons actuels dirigistes qui ne misent que sur la frénésie et la surenchère pour une immersion immédiate et tapageuse. Un plaisir fugace qui disparait dès qu’on a éteint la console.
Il est bon de voir qu’on trouve encore des développeurs qui proposent autre chose.
« Dommage que toutes ces bonnes idées soient ainsi ravagées par une exécution si faiblarde ». Je ne crois pas. Franchement si ce jeu avait été beau et bien fait, il aurait perdu son charme. Un peu d’ailleurs, comme ce qui fait le charme de twin peaks (encore!) : le rocambolesque de ses personnages bringuebalants ; ses dialogues tordus …
Si la carte était utilisable, on aurait pas la même approche du terrain, que l’on aurait pas besoin d’apprendre par coeur pour savoir ou aller ; si les quêtes annexes étaient guidées on n’en saurait finalement pas plus sur les PNJ que ce qu’on veut bien en lire dans un descriptif ; si les voitures étaient jouable on aurait moins de plaisir à enfin arriver à bon port.
LE jeu de 2010. Enfin … mon jeu de 2010.
Franchement si ce jeu avait été beau et bien fait, il aurait perdu son charme.
Je ne peux pas être d’accord avec ça, là à mon sens c’est limite de l’autopersuasion.
le rocambolesque de ses personnages bringuebalants ; ses dialogues tordus …
Si Twin Peaks avait été mal réalisée, mal interprétée, avait eu une bande son pourrie, la série n’aurait jamais connu le succès. Deadly Premonition aurait conservé tout son charme même en étant visuellement réussi et avec un gameplay correct.
Si la carte était utilisable, on aurait pas la même approche du terrain, que l’on aurait pas besoin d’apprendre par coeur pour savoir ou aller ; si les quêtes annexes étaient guidées on n’en saurait finalement pas plus sur les PNJ que ce qu’on veut bien en lire dans un descriptif ; si les voitures étaient jouable on aurait moins de plaisir à enfin arriver à bon port.
Non, non, et non. Franchement je ne peux pas être d’accord avec ça. Si la carte était utilisable on ne pesterait pas pendant des plombes avant de la connaître par coeur. Le jeu a une approche réaliste pour ce qui est de la « vie quotidienne », une carte routière n’est pas zoomée au 1/10ème. Si les quêtes annexes étaient ne serait-ce que mentionnées (genre « Zach, et si nous allions discuter un peu avec les autochtones avant de rejoindre George et Emily ? ») on n’en louperait pas autant lors du premier run. Tu as pris du plaisir lors des phases de conduite ? Alors là ça m’en bouche un coin. Personnellement je prends du plaisir quand une séquence est jouable et réussie, pas quand elle est frustrante et ennuyeuse.
@zeralph : avec ton raisonnement, n’importe quel jeu raté dans son gameplay procurerait une sensation de plaisir une fois arrivé au bout puisqu’on aurait alors surmonté la difficulté due à son ratage…
Perso, ce n’est pas ce genre de challenge que je recherche dans un jeu : c’est plus du masochisme que du plaisir.
Je ne peux qu’être d’accord avec kwywz. Non mais cette carte, bon sang, c’est pas possible : j’ai directement imprimé une carte trouvée sur le net et je peux t’assurer que ça n’a pas gâché mon plaisir. Au contraire, ça m’a permis de ne pas lâcher le jeu de rage et de le trouver ailleurs.