Ready Player One
Par kwyxz • le 30/12/2017 • Entre nous •« Tu vas voir » on m’avait dit, « toi qui aimes les vieux jeux vidéo et les films des années 80, tu vas adorer ce bouquin ».
J’ai enfin terminé, cinq ans après l’avoir acheté, et trois mois après l’avoir entamé, Ready Player One, ci-devant premier livre d’Ernest Cline. Trois mois pour moins de 400 pages, c’est peu dire que la lecture fut laborieuse tant j’ai été pris de fréquentes envies de balancer cette chose par la fenêtre. Je ne pense pas prendre trop de risques en estimant que je ne lirai plus rien de son auteur.
James Halliday, programmeur de génie légèrement mégalomane, décède avec pertes et fracas. Il laisse au Monde son chef-d’œuvre, l’OASIS, salutaire escapade virtuelle au sein d’une planète à l’agonie. Tout le monde est connecté, tout le monde se fait son shoot de VR, l’accès à l’OASIS étant gratuit : il suffit d’avoir les moyens de s’offrir l’équipement qui va avec. Son testament, Halliday en fait lui-même la lecture via une vidéo visible par la totalité des utilisateurs de l’OASIS. Il lègue un œuf, soigneusement caché, qui offrira à qui le trouvera les pleins pouvoirs sur son Univers alternatif numérique. Branle-bas de combat dans l’OASISosphère, puisque IOI Industries, sorte de multinationale façon Microsoft de l’époque Windows 98, a la ferme intention de faire main basse sur cette potentielle source illimitée de revenus. Face à cette menace, les gunters se lancent à la recherche du mystérieux œuf et parmi eux, Wade Watts, jeune héros et narrateur de l’aventure.
C’est vrai que le pitch de départ n’est pas forcément mauvais. C’est certainement ce qui a séduit Spielberg et l’a motivé à prendre en main l’adaptation cinématographique. Là où ça commence sérieusement à se gâter, c’est lorsque l’on finit de lire le prologue, celui qui met en place l’Univers et la problématique, et expose le testament de Halliday. Dès le chapitre I, le principal problème de l’écriture de Cline apparaît : chaque page est un véritable bukkake de références à la pop culture des années 80. Au minimum, le lecteur se retrouve exposé à trois ou quatres titres de films, jeux vidéo, chansons, et ce dans le meilleur des cas. Rien que sur les trois premières pages, on a ainsi droit à Galaga, Defender, Asteroids, Robotron: 2084, Family Ties, The Amazing Spider-Man, The X-Men, Green Lantern, Peter Parker, Clark Kent, Sesame Street et les Muppets. Douze références, sur les trois premières pages du premier chapitre. Celles-ci ne sont pas là pour donner un contexte, faire avancer l’histoire ou apporter un quelconque élément d’intrigue. Elles ne sont pas subtiles, ou saisissables uniquement par qui connaît l’œuvre en question. Non, elles sont là, alignées, immédiates, jamais masquées, froidement déclamées les unes après les autres par le personnage principal, dont elles sont l’obsession. Afin de voir leur quête couronnée de succès, les gunters lisent, regardent et jouent religieusement à toutes les œuvres préférées de leur gourou James Halliday, indissociable d’Ernest Cline.
Le roman tout entier est une gigantesque ode érotomane aux souvenirs d’enfance de l’auteur. Tous les personnages sont condamnés, non pas de leur chef, mais bien par la volonté d’un autre, à s’enfiler les souvenirs de Cline jusqu’à l’écœurement. À s’en goinfrer, de gré ou de force. Vous allez aimer ce que j’aime, bordel de merde !!
Le héros a assez de temps dans une vie en plus de sa scolarité pour regarder Holy Grail des Monty Pythons cent-cinquante-sept fois et regarder une trentaine de fois Wargames afin d’en mémoriser toutes les répliques, d’être un champion de Tempest, Black Tiger, Joust … mais aussi certainement des dizaines d’autre films, livres, comics, jeux vidéo, sauf si miraculeusement il a eu la chance de tomber pile sur ceux qui servent à l’histoire. Wade s’illustrera d’ailleurs lors des premiers chapitres lors d’un concours de bite insupportable sur plusieurs pages, où il échangera avec un personnage secondaire des joutes verbales à base d’anecdotes sur Swordquest, série incomplète d’Atari dont la planète toute entière se branle à part Ernest Cline et dont l’immense majorité de ses lecteurs, y compris parmi les retrogamers, n’aura jamais entendu parler.
Ce qui devient paradoxal, c’est qu’à côté de ces namedroppings s’adressant à une niche infinitésimale de lecteurs, s’ajoute toute une frange d’éléments complètement ringards. Le l33t sp34k faisait déjà pitié à la fin des 90s, mais est apparemment de retour à la mode cinquante ans plus tard et on peut acheter des exploits à la L33t H4X0rz Warezhaus et je vous jure que je n’ai pas inventé ce nom. L’auteur prend même la peine d’expliquer ce que signifie le 3 dans le mot Art3mis, ce qui pourrait avoir du sens si le bouquin n’était pas sorti en putain de 2011. On finit du coup par se demander à qui s’adresse l’œuvre : les nerds n’ont pas besoin de ces explications débiles, les autres n’ont que faire des branlettes de l’auteur sur ses jeux Atari 2600.
Une fois le roman terminé et remisé à sa juste place, à savoir au fond d’une poubelle, on peut légitimement deviner la raison pour laquelle l’auteur a cru bon de noyer son récit dans des références incessantes : il n’a rien à raconter. L’histoire patauge pendant près de 300 pages, les personnages principaux tentant de résoudre des énigmes totalement inabordables pour le lecteur puisque uniquement compréhensibles par quiconque aurait eu exactement la même enfance qu’Ernest Cline. Inutile, donc, d’espérer résoudre le mystère en même temps que nos héros : à chaque fois, le héros galère pendant des mois et puis subitement a un éclair de génie et trouve la solution, pif pof. La résolution finale viendra d’un twist qui précipitera quelque peu le récit lors des 70 dernières pages, à croire que l’éditeur commençait à s’impatienter d’en voir la fin, et hop c’est terminé, le héros gagne, les méchants perdent, et le héros chope la meuf. Ce dernier point est particulièrement scandaleux lorsque l’on sait que ledit héros a stalké ladite meuf comme un crevard pendant des mois et est l’archétype du nice guy qui fait le canard, mais les personnages féminins ne sont apparemment pas non plus la spécialité de Cline.
Je l’ai dit plus haut, le pitch de départ n’est pas forcément mauvais. Le problème, c’est que ce livre est écrit avec le cul, par un enfant. Ou plutôt un type qui a refusé d’admettre qu’il y a aussi eu des trucs bien qui sont sortis depuis qu’il a eu huit ans. Peut-être que Spielberg peut en faire quelque chose, les trailers laissent entrevoir pas mal de libertés par rapport au roman.
Lire des critiques asséner que ce roman est « le paradis des geeks » est une énième insulte aux geeks et un nouveau galvaudage du terme. Parce que ce roman, c’est simplement de la merde en barre.
Ce billet complète parfaitement ce que tu disais dans After Hate.
Et ça ne donne clairement pas envie !
Merci de t’être sacrifié pour nous éviter la même purge.
Très bien écrit et très conforme à ta diatribe dans AfterHate en effet.
Mais limite ça attise ma curiosité et me donnerait (presque) envie de lire pour voir à quel point c’est de la merde en barre :-)