Allemagne : Le lynchage médiatique de Counter-Strike (2002, revue de presse complète)
Par Shane Fenton • le 23/9/2018 • Entre nous •Saviez-vous que dans Counter-Strike, l’objectif était de tuer des écolières, des passants, tout ce qui bouge avant de se suicider ? Saviez-vous que l’auteur de la tuerie de masse d’Erfurt, survenue en 2002, avait préparé son crime en s’entraînant sur ce jeu pendant des heures ? Saviez-vous que ce jeu avait été utilisé par l’armée américaine pour entraîner ses soldats, et qu’à l’origine il avait été conçu dans ce but ?
Vous n’en saviez rien ? Tant mieux, parce que tout cela est faux. Et pourtant, en Allemagne, une large portion de la classe politique, des médias généralistes et de l’opinion publique y a cru dur comme fer, au point d’en faire le point de départ d’un débat national sur la violence vidéoludique, qui a duré presque une décennie : le « killerspieldebatte ». Mais reprenons depuis le début.
Le 26 avril 2002, Robert Steinhäuser, 19 ans, fait irruption dans son ancien lycée, le Gutenberg-Gymnasium d’Erfurt. Il tue 16 personnes, majoritairement des professeurs, mais aussi deux élèves et un policier, avant d’être stoppé par le professeur Rainer Heise, qui réussit à l’enfermer dans une salle de classe où Steinhäuser se donne la mort. L’Allemagne avait déjà connu un « Amoklauf » (littéralement, « course folle meurtrière ») en 1999, à Bad Reichenhall, mais celle-ci fait beaucoup plus de victimes, et c’est le premier school shooting de type Littleton-Columbine qui se déroule dans ce pays. Le choc et le deuil ont rapidement cédé la place à la recherche de co-responsables. Les armes à feu, tout d’abord, puisque Steinhäuser était membre d’un club de tir. Mais « l’Amokläufer » d’Erfurt avait également d’autres passe-temps, qui ont très vite attiré l’attention des médias et de la classe politique. En particulier un qui a pris l’habitude d’être associé à ce genre de tueries depuis Littleton-Columbine : le jeu vidéo.
Comment est-ce que Counter-Strike en est arrivé à être mêlé à toute cette histoire ? Apparemment, certains organes de presse auraient recueilli des témoignages de camarades comme quoi le tueur y jouait. Et ils ont commencé à broder dessus. Parmi eux, l’agence de presse DPA (Deutsche Presse-Agentur) a publié un communiqué mettant en cause le jeu, et allant jusqu’à affirmer qu’on pouvait y tuer des écolières avant de se donner la mort (sans doute pour mieux suggérer un lien direct entre les scènes de Counter-Strike et le déroulement de l’Amoklauf). Et si une agence aussi chevronnée le dit, c’est qu’il n’y a pas lieu d’en douter, n’est-ce pas ? C’est en tout cas ce qui peut expliquer que ces allégations aient été reproduites par une bonne partie de la presse, et prises pour argent comptant par une bonne partie du lectorat.
Dès lors, ce fut la curée. Les articles dénonciateurs se sont multipliés, tout comme les appels à une interdiction totale de Counter-Strike et consorts, ou tout du moins, à leur indexation (c’est-à-dire leur interdiction aux mineurs, agrémentée de grosses contraintes en termes de publicité et de distribution) par le Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Schriften (BPjS, Bureau Fédéral chargé des oeuvres écrites dangereuses pour la jeunesse, devenu plus tard BPjM, ou Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien, c’est-à-dire : Bureau Fédéral chargé des médias dangereux pour la jeunesse). Des mots ont été trouvés pour les qualifier de tels jeux : Ego-Shooter, Ballerspiele (« jeux de tir ») et surtout Killerspiele, littéralement « jeux de tueurs ». A l’origine, ce terme servait à désigner, pour mieux les dénigrer, le paintball et les « jeux laser » (Laser Game, Lasertag, Laserdome) où les participants se déplacent physiquement et s’affrontent à coups de pistolets tirant, soit de la peinture, soit des rayons infra-rouges récupérés par des capteurs. De telles activités faisaient scandale dans les années 80-90, en tout cas en Allemagne, car selon leurs détracteurs, elles incitaient les pratiquants à jouer à être des tueurs. D’où l’utilisation du terme « killerspiel ». Depuis les tueries de Columbine, de Bad Reichenhall, et surtout d’Erfurt, les jeux vidéo « violents » ont eu le privilège presque exclusif d’être qualifiés de la sorte. Et Counter-Strike en est devenu, bien malgré lui, le symbole et l’étendard. Car en plus d’être un jeu où on incarne un tueur, il lui a été reproché d’être le jeu de prédilection des tueurs réels. Ce qui en a fait le « killerspiel » par excellence… et ce qui a fait du terme lui-même de « killerspiel » une arme redoutable de disqualification et de culpabilisation : vous jouez à Counter-Strike ? à défaut de vous accuser directement d’être un futur tueur de masse (ce qui serait trop gros, même pour la presse de l’époque), on va au moins vous faire honte en affirmant que vous pratiquez le même loisir qu’un actuel tueur de masse.
Comme on peut s’en douter, les joueurs, en particulier les pratiquants de Counter-Strike, n’ont pas particulièrement apprécié cette campagne de calomnie (dirigée à la fois contre le loisir, son industrie, et ses adeptes), et ils ont allumé les contre-feux qu’ils ont pu, avec les moyens qu’ils avaient : courrier des lecteurs, forums, et sites internet. A l’époque, leurs tentatives de rétablir un semblant de vérité ont été mollement remarquées, mais sur le long terme, leur travail infatigable de recensement, de recherche et d’argumentation face aux critiques a fini par payer. C’est en grande partie grâce à ce travail qu’aujourd’hui, le « killerspieldebatte » n’est plus qu’un mauvais souvenir, et que tout le monde sait au moins que dans Counter-Strike, il n’y a pas d’écolières. Et c’est à ce travail admirable que j’aimerais rendre hommage ici-même.
En effet, l’un de ces sites, counter-strike.de, plutôt que de se contenter d’un courrier ou d’un article en ligne, a mis à la disposition des lecteurs, au plus fort de la polémique, une revue de presse exhaustive, recensant minutieusement tous les articles majeurs de la presse généraliste ayant trait à Counter-Strike et à la tuerie d’Erfurt, publiant les extraits significatifs de chaque article, et répondant point par point aux allégations fausses et mensongères. Cette revue de presse n’est malheureusement plus disponible sur l’actuelle version du site, mais une archive existe, grâce à laquelle je peux vous en présenter une traduction intégrale, qui permettra aux lecteurs francophones d’avoir une vue d’ensemble du traitement médiatique du jeu vidéo de l’époque en Allemagne.
Pour lire un article, il suffit de cliquer sur l’item correspondant au journal dans lequel il a été publié, ce qui en fera apparaître les extraits significatifs (ou, le cas échéant, la version intégrale quand j’ai pu mettre la main dessus). Si vous voulez masquer l’article, il suffit de cliquer à nouveau sur l’item correspondant.
Un dernier mot avant de vous laisser seuls avec de cette revue de presse. Je sais que ce n’est pas bien de spoiler, et je vous prie de m’en excuser, mais… le tueur d’Erfurt ne jouait pas à Counter-Strike!!
On se retrouve en bas pour de plus amples explications. En attendant, bonne lecture !
Revue de presse : Erfurt et Counter-Strike (compilée par le site counter-strike.de):
- Hamburger Abendblatt
- Hamburger Abendblatt II
- Frankfurter Allgemeine Zeitung I
- Frankfurter Allgemeine Zeitung II
- Frankfurter Allgemeine Zeitung III
- Neue Osnabrücker Zeitung
- T-Online Portal
- Chip
- Nürnberger Nachrichten
- Rheinische Post
- Bild
- Spiegel - Edition imprimée du 29.04.02, page 83
- Spiegel Online
- Süddeutsche Zeitung - 30.04.02
- Westdeutsche Allgemeine Zeitung (WAZ)
- Frankfurter Rundschau
- Die Welt
- Dresdner Morgenzeitung
- Kölnische Rundschau
- Remscheider General Anzeiger
- Die Harke - Nienburger Zeitung
- Pforzheimer Zeitung
- Fränkischer Tag
- Iserlohner Kreisanzeiger und Zeitung
- Der Stern – Edition imprimée
- Der Stern online
- Der Stern online II
- Der Tagesspiegel
- Der Tagesanzeiger (Suisse)
- Die Tagesschau
- Frankfurter Allgemeine Zeitung IV
- Badische Zeitung
- DPA-Dépêche I
- DPA-Dépêche du 01.05.2002
- Hannoversche Allgemeine Zeitung
- Hannoversche Allgemeine Zeitung II
- Die Tageszeitung (TAZ) I
- Die Tageszeitung (TAZ) II
- Rheinische Post II
- Freie Presse
- Dresdner Morgenpost - 18.05.02
- BONUS : Spiegel Online - 03.05.02
- BONUS: Neue Solidarität
- BONUS: Horizons et Débats (Zeit-Fragen)
Extraits significatifs
Steinhäuser se serait dressé devant lui "comme un Ninja", dit [Ranier] Heise. Dans une combinaison noire avec un masque noir. "Counter-Strike", tel est le nom du jeu vidéo en ligne préféré de Robert Steinhäuser quand il était exclu du lycée Gutenberg pour falsification de documents, ce qui mettait un terme définitif à ses rêves d'études d'informatique. Un jeu qui contient ce genre de mascarade et dans lequel "l'action est relativement brutale", comme l'a décrit le chef de la Police d'Erfurt ce samedi lors de la conférence de presse. Si tant est qu'on puisse dire ça du Killerspiel le plus violent qui existe actuellement.
Extraits significatifs
D'après ses ex-camarades, Steinhäuser, le tireur d'Erfurt, était un joueur passionné de "Counterstrike". Il s'agit du jeu vidéo en ligne le plus pratiqué au monde; d'après le producteur (Sierra Entertainment), 500 000 joueurs sont connectés 24 heures sur 24. Ils occupent du terrain, prennent – ou libèrent – des otages, font exploser des voitures. Et tirent, avec la possibilité de choisir leur arme – fusil, pistolet, revolver. Les armes les plus convoitées sont les fusils à pompe parce qu'ils rapportent le plus de points – Steinhäuser s'était lui aussi équipé de ce type d'arme lors de son Amoklauf. Toutefois – ironie amère dans ce jeu de meurtre macabre – "Counterstrike" ne compte pas comme un Killerspiel. Il existe des choses bien pires. Ce jeu appartient aux jeux de LAN.
Extraits significatifs
LOGICIEL POUR UN MASSACRE
"Counterstrike", le jeu vidéo en ligne populaire et indexé, simule les opérations de guerre terroristes et anti-terroristes en temps réel. Via Internet, les joueurs, qui sont en grande majorité adolescents, jouent par équipes terroristes ou anti-terroristes – selon les renseignements des producteurs, on retrouve à chaque instant 500 000 joueurs connectés. Il s'agit d'occuper des bâtiments, de dynamiter des véhicules, de libérer des otages – ou bien si on joue du côté opposé, de les capturer.
L'arsenal est énorme. La réserve de munitions, une ressource précaire, doit être renfloué en permanence pendant le jeu. Robert Steinhäuser était, ainsi que le racontent ses camarades, un joueur passionné de "Counterstrike". Et ce jeu, dans lequel on est censé flinguer tout le monde, que ce soit les policiers (même le GSG9 [NdT : unité d'élite de la police, l'équivalent du GIGN chez nous]), les simples passants ou les écolières, avant qu'on se fasse tuer soi-même, fournit un mode d'emploi pour l'Amoklauf d'Erfurt; il s'agit du jeu vidéo en ligne le plus pratiqué au monde.
Tout comme dans le jeu, où le joueur est équipé d'une arme primaire et d'une arme secondaire, à savoir fusil et pistolet, le jeune de 19 ans était armé d'un fusil à pompe, d'un revolver et d'une grande quantité de munitions. Son déguisement et son masque étaient une imitation des personnages du jeu. Et Robert Steinhäuser a pris au pied de la lettre la recommandation indiquée sur la page Amazon.com expliquant que si on tue des VIP dans ce jeu, il faut penser à des personnes qu'on n'aime pas.
La question de savoir si le meurtre de masse était pour lui un jeu, ou si le jeu était déjà pour lui un meurtre, sera étudiée par les psychologues. Néanmoins, le catalogue de l'Industrie de la Haine devient chaque jour de plus en plus réaliste.
[NdT: Cet article est paru dans l'édition du dimanche du Frankfurter Allgemeine Zeitung, nommé "Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung" ("Sonntag" = "dimanche) et référencé comme tel dans d'autres articles.]
Extraits significatifs
Ainsi sont apparus des produits dérivés de jeux commerciaux, dont un qui est depuis presque deux ans le jeu d'action en ligne le plus joué : "Counterstrike". Selon les estimations, à chaque heure du jour et de la nuit, jusqu'à 500 000 joueurs sont connectés partout dans le monde. "Counterstrike" est une évolution du jeu de base "Halflife" et a initialement été distribué gratuitement sur Internet à partir de 1999, sous forme de pré-version qui a été constamment améliorée. Celui qui voulait y jouer sur son ordinateur avait uniquement besoin d'avoir installé la version originale payante de "Halflife". Ce n'est qu'en automne 2000, environ 1 an après l'apparition de "Counterstrike", qu'une version commerciale officielle a été mise sur le marché par le producteur de "Halflife", Sierra, sous le label Valve. Avec le temps, beaucoup de joueurs, notamment ceux qui pratiquaient les jeux d'action en ligne, se sont regroupés en équipes fixes, qu'on a appelées des Clans. Celles-ci s'affrontent en ligne, mais aussi lors de ce qu'on appelle des LAN-Parties (LAN=Réseau). Les rencontres de ce type attirent jusqu'à 2000 personnes qui, armées d'ordinateurs et de souris, se retrouvent ensemble dans des salles de sport ou des usines désaffectées, afin d'y jouer toute la nuit. De même que dans différents sports, de nombreux Clans s'organisent en Ligues.
Extraits significatifs
Ce qui est décisif pour réussir ce jeu est, d'une part, la capacité du joueur à réagir rapidement, et d'autre part, la dextérité surhumaine [NdT : le terme employé est "schlafwandlerisch sichere", ce qui veut dire "tellement fort et efficace qu'on pourrait le faire sans problème à l'état de somnambule"] avec laquelle on manie les contrôles, à savoir la souris et le clavier. Le travail d'équipe est au moins aussi important. Même une équipe largement inférieure en nombre peut gagner si la coopération est un succès. Les différents armements permettent, et exigent même, que chaque joueur d'une équipe, adopte une position particulière. Ainsi, celui qui tient un fusil de précision reste en arrière et couvre l'ensemble du terrain alors que ceux qui ont les fusils mitrailleurs recherchent plutôt à engager l'adversaire à courte distance.
Extraits significatifs
Celui qui a vu aussi bien les jeux vidéo brutaux installés par de nombreux jeunes de 13 et 14 ans sur leur ordinateur, que les vidéos violentes dont la circulation augmente sans arrêt, et ce qui est disponible en permanence dans le monde d'Internet avec ses possibilités illimitées, ne s'étonnera plus qu'un jour, un jeune ne soit plus capable de reconnaître la frontière entre la réalité et le Killerspiel. Même une loi pourra difficilement limiter l'accès à de tels médias. Peut-être même qu'elle pourrait leur donner le goût du fruit défendu. Le levier doit être mis à un autre endroit. Qu'est-ce qui rend ces représentations extrêmes de la violence aussi intéressantes pour les jeunes ?
[...]
Celui qui ne se pose pas ces questions ne pourra pas non plus résoudre le problème. Ici, il n'y a que l'éducation qui puisse aider. Les jeunes gens – et aussi les plus âgés – doivent renoncer d'eux-mêmes à la violence, de façon naturelle, et pas parce que les politiciens l'auront interdite.
Extraits significatifs
Après l'Amoklauf d'Erfurt, la discussion sur la violence dans les jeux vidéo a été ravivée.
La raison est la passion qu'éprouvait l'Amokläufer d'Erfurt pour le jeu vidéo "Counterstrike". Dans cet Ego-Shooter, le joueur se glisse dans le rôle d'un soldat d'une unité anti-terroriste. Muni d'un énorme arsenal et d'un grand stock de munitions, il faut libérer les otages et tuer leurs ravisseurs. Si le côté des "bons" ne vous plaît pas, vous pouvez aussi vous mettre dans le rôle des terroristes. Ainsi, on tire sur les opposants avec un stock tout aussi impressionnant d'armes et de munitions.
Depuis quelque temps, le Bureau Fédéral chargé des oeuvres écrites dangereuses pour la jeunesse (BpjS) se demande si "Counterstrike" doit être indexé, et il a annoncé une décision pour le 16 mai. Cependant, les fans de ce jeu soulignent que dans ce jeu, il ne s'agit pas d'actes de meurtres réels. Lors de LAN-Parties (en réseau), des centaines de joueurs de "Counterstrike" venus de toute l'Allemagne se réunissent afin de s'affronter en équipes (Clans) le temps d'un week-end. A l'heure actuelle, il existe même une Ligue de joueurs.
[...]
Christine Schulz, de l'Organisme de classification des logiciels de divertisssments (USK) basée à Berlin, met en garde contre une stigmatisation des joueurs de Counterstrike : "Après les évènements horribles d'Erfurt, il ne faut quand même pas voir tous les joueurs de Counterstrike comme autant de meurtriers potentiels." En effet, dans tous les jeux vidéo, il s'agit avant tout de gagner ou de perdre. "Celui qui n'éprouve aucune haine ne sera pas non plus incité à la violence par un jeu vidéo", dit Madame Schulz. Dans le cas du tueur d'Erfurt, il faudrait chercher la raison de ses actes d'abord et avant tout dans son passé. "Les jeux vidéo sont souvent diabolisés à l'école", dit Schulz. Manifestement, personne n'était au courant de l'état d'esprit du tueur. C'est donc une erreur que de blâmer exclusivement les jeux vidéo pour la violence des jeunes.
Extraits significatifs
Comme d'habitude, quand ce genre d'incident se produit, on cherche des solutions simplistes, et dans le cas présent, on doit malheureusement rajouter l'ignorance flagrante du jeu vidéo Counter Strike. A l'heure actuelle, ce jeu n'est pas indexé, et ne permet pas non plus de tuer des écolières, ni des passants. Il apparaît qu'au cours de la discussion, on en vient facilement à blâmer les jeux vidéo ou la musique pour de tels incidents – c'est une rhétorique confortable, doublée d'une tentative minable de trouver une réponse simple à une question complexe.
Extraits significatifs
L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne. En toute légalité. Car en effet, avec ses 19 ans, il avait le droit de l'acheter en exhibant une pièce d'identité. Après l'Amoklauf perpétré par le garçon, qui a tué 16 élèves et adultes du lycée Gutenberg ainsi que lui-même, le débat sur la vente de jeux vidéo et films vidéo contenant de la violence a été ravivé.
Extraits significatifs
La fille porte une jupe à carreaux et une chemise blanche. Elle est surprise quand la porte s'ouvre. La dernière chose que l'écolière perçoit dans sa vie est la lueur de l'arme automatique que l'intrus dirige vers elle. Sa chemise se teint en rouge – cible éliminée. Le meurtre a lieu en ligne. Le lieu du crime est un jeu vidéo. "Counterstrike", tel est le nom du programme, dans lequel un scénario de prise d'otage est reproduit fidèlement. Un terrain d'entraînement pour les meurtriers de masse. "Counterstrike" était le jeu préféré de Robert Steinhäuser, le tueur fou d'Erfurt. Est-ce que ce mordu de jeu s'est "entraîné" virtuellement à perpétrer son acte ?
"Counterstrike" – le mode d'emploi pour un massacre est aussi répandu dans les chambres d'enfants que les poupées Barbie et les romans Harry-Potter. Cette simulation de combat est le jeu vidéo en ligne le plus joué au monde. Selon les affirmations du producteur "Sierra Entertainment", à chaque heure du jour et de la nuit, plus de 500 000 tueurs virtuels y sont connectés. Le virus n'a pas atteint que les gosses – dans les bureaux, les cabinets médicaux et à l'Université, on se tire dessus par tous les orifices. Le principe de base est simple : deux équipes qui sont formées par l'organisateur selon leur niveau, s'affrontent. Un round dure une petite poignée de minutes. L'objectif consiste à tuer l'ennemi. Au début, chaque joueur reçoit un budget avec lequel il peut s'acheter des armes. Ce budget augmente ou diminue round après round, selon que le joueur est un bon ou un mauvais tueur. Le jeu séduit par une animation proche de la réalité. Le tueur "voit" l'environnement à travers la visière de sa cagoule. Quand on tire, on entend la rafale. Les victimes gémissent quand elles sont atteintes. Les simulations de combat telles que "Counterstrike" sont utilisées pour entraîner les soldats à gérer leur stress.
[...]
La communauté des fans de "Counterstrike" est bien organisée. Sur Internet, on peut acheter des T-Shirts avec des logos de carnage. Sur le "forum", les joueurs s'échangent leurs tuyaux et expériences.
Extraits significatifs
Ce qui doit changer pour qu'une telle tragédie ne se répète pas
COMBIEN DE TUERIES DE MASSE SOMMEILLENT EN MON ENFANT ?
A gauche, en rouge : Voici le tueur quand il était petit garçon
En bas : Les jeux de tir et la violence dans la cour de récréation : ce que les parents doivent savoir
[...] Ou bien il jouait à des jeux vidéo tels que "Counterstrike" dans lequel des unités terroristes se combattent entre elles. A la fin, les victimes meurent en se vidant de leur sang. [Note du site counter-strike.de : dans l'édition suivante, Bild a utilisé l'image d'un autre jeu, indexé celui-là, Soldier of Fortune, avec le sous-titre "Tout ce qui bouge est tué – Le jeu vidéo "Counterstrike" a servi à Steinhäuser de guide pour le massacre"]
Extraits significatifs
L'un de ses jeux préférés était "Counterstrike", un Killerspiel, dans lequel deux unités terroristes ennemies se font la guerre. Des hommes masqués y chassent d'autres hommes masqués à travers des paysages désertiques et des décors en béton gris foncé, prenant en ligne de mire des hommes de l'ombre avec leur mitraillette virtuelle qui crache des éclairs blancs - jusqu'à ce que l'écran entier se couvre subitement de rouge : la victime se vide de son sang, l'objectif est atteint, le joueur gagne.
Extraits significatifs
Car dans la chambre de Robert Steinhäuser, se trouvaient aussi des films et des jeux vidéo de la catégorie Beurk [NdT: traduction littérale de "Igit-Klasse"]. Qui peut bien émettre une objection à la volonté d'interdire des orgies de fusillades du genre "Quake" ou "Counter Strike" ? Tout au plus, bien entendu, ceux qui aiment jouer ou voir ce genre de choses. Tout ça serait pour de faux, l'être humain n'est quand même pas une machine : juste parce qu'on tue à tour de bras dans "Counter Strike", on ne va pas se mettre à descendre dans la rue et provoquer un massacre. Cela est vrai, parce que si c'était le cas, le monde occidental serait probablement vidé de sa population depuis longtemps. Des millons de gamins, des centaines de milliers rien qu'en Allemagne, prennent ces machines à fabriquer de l'adrénaline que sont les Ego-Shooters comme un passe-temps formidable. Ce serait du "sport", pas une décadence : le travail d'équipe et de bons réflexes seraient l'alpha et l'omega dans les jeux en réseau, de même que la réflexion stratégique aurait elle aussi son importance. C'est ainsi qu'argumentent les fans d'Ego-Shooter, et cela montre comment ils perçoivent leurs jeux. Ils ne se rendent pas compte, justement, que ces qualités "froides", requises dans ces orgies de fusillades, ont tendance à faire peur à l'opinion publique : quelle est la prochaine menace ? Des bandes de tueurs agissant en équipe selon une stratégie planifiée ?
[...]
Les chercheurs sur les effets des médias considèrent que les Ego-Shooters ne sont pas la cause de la violence meurtrière, mais tout au plus un déclencheur - tel est jusqu'à présent le consensus scientifique. L'hypothèse est la suivante : quelqu'un qui a une "prédisposition à la violence" pourrait tout à fait se sentir incité par de tels contenus médiatiques à devenir un tueur par imitation. En clair : les Ego-Shooters et les vidéos violentes ne transforment personne en terroriste psychopathe. Si par contre quelqu'un agit de la sorte, alors l'expérience de fusillade virtuelle va bien "l'aider".
[...]
On ne pourra pas objecter facilement que le monde de "Counter Strike" et cie représentaient pour lui un idéal et une "recette". D'après Jo Gröbel, le célèbre scientifique spécialiste des médias, qui a beaucoup travaillé sur leur relation avec la violence, "celui qui habite tout en haut d'une montagne n'aura jamais l'idée de construire un bateau." C'est fort possible, mais ici, il ne s'agit pas de bateau, plutôt de meurtre de masse. Ce serait une excellente chose si celui à qui viendrait une idée aussi inhumaine n'obtenait son "arme" que virtuellement. Bien évidemment, les Ego-Shooter sont une saloperie, une camelote. Bien évidemment, les films de [Dolph] Lundgren & Cie n'ont rien à voir avec la culture. On peut toujours débattre pour savoir si ces choses ont le droit d'exister. Par contre, qu'un adolescent puisse s'acheter un fusil à pompe juste parce qu'il a adhéré à un club de tir pour "plus d'une année" est une farce particulièrement amère. Toutefois, Steinhauser a tué avec son pistolet. Le fusil à pompe était suspendu à son épaule en tant que décoration guerrière.
Extraits significatifs
Au milieu de l'écran flotte un pistolet. Le joueur le porte devant lui en tendant son bras. Quand il tire, un bruit sourd jaillit du haut-parleur. L'écran montre le recul de l'arme et l'ennemi s'écroule à terre. Ego Shooter, tel est le nom de ce genre dans lequel le joueur annihile de nombreux ennemis, brutalement, selon une perspective à la première personne. Après le bain de sang d'Erfurt, ce genre subit à nouveau l'opprobre. Le tueur aurait passé de nombreuses heures sur le programme Counter-Strike
[...]
La théorie qui obtient le plus large consensus est celle de la désensibilisation : selon elle, la consommation de violence réduit les inhibitions sociales face à la violence, ainsi que la compassion vis-à-vis des victimes
[...]
En revanche, l'étude de Bochum a révélé un facteur de protection décisif : les enfants ayant un lien fort avec leurs parents ne montraient aucun symptôme de désensibilisation.
Extraits significatifs
Le tueur fou de 19 ans Robert Steinhäuser aurait joué à "Counterstrike", une simulation de missions terroristes et anti-terroristes, qui relie entre eux les joueurs accros sur Internet. Quand bien même il aurait été indexé, [Steinhauser] aurait pu l'acquérir en toute légalité puisqu'il était majeur. S'il y a réellement joué, il ne serait pas le seul, loin de là : "On estime que la communauté de Counter-Strike en Allemagne compte entre 100 000 et 200 000 joueurs - provenant de toutes les couches sociales, allant du policier à l'avocat en passant par l'éboueur", selon Jörg Langer, rédacteur en chef du magazine vidéoludique "Gamestar". Dans la version allemande du jeu, le sang ne coule pas. Les personnes abattues ne font que s'écrouler, et se redressent plus tard. Sur le marché des jeux vidéo, on ne peut pas parler d'une forte augmentation de la violence : en 2001, seulement 23 jeux étaient concernés par une demande d'indexation, dont 9 ont fini par l'être.
Extraits significatifs
Le jeu de prédilection est "Counterstrike", une version avancée du jeu du gendarme et du voleur, dans lequel 18 "terroristes" affrontent ensemble 18 "anti-terroristes". Le gagnant est celui qui reste debout jusqu'à la fin. Environ un demi-million de joueurs, le plus souvent jeunes et masculins, se connectent quotidiennement dans le monde entier pour se combattre sur "Counterstrike". Sont-ils tous des Amokläufers, des tueurs fous, en puissance ? "Balivernes", selon Peter Gerstenberger. Celui qui voudrait faire croire que la violence virtuelle conduit directement à la violence réelle, comme le fait le gardien de l'ordre en chef de Bavière, ne saurait manifestement pas de quoi il parle. "Les adolescents savent très bien faire la différence entre la fiction et la réalité", dit le directeur de l'Unterhaltungssoftware Selbstkontrolle (USK). Dans les jeux comme "Counterstrike", il s'agirait "d'esprit d'équipe, de plaisir de jouer - pas de carnage". Ce qui est confirmé depuis des années par la recherche. "Il n'y a pas" de lien de cause à effet entre le jeu et le meurtre réel, d'après Gerstenberger.
Extraits significatifs
Il parait qu'il a été un joueur passionné de "Counterstrike", un jeu indexé qui simule des attaques terroristes et contre-terroristes. Et en effet, le fait d'être en vue subjective dans ces jeux vidéo nous rapproche d'un Amoklauf de façon inquiétante. Le tueur traverse des couloirs et tire sur des animaux répugnants, ou bien justement des terroristes. On appelle ce genre Ego-Shooter : la recherche de son moi profond à l'aide de fantasmes de violence dans un espace virtuel. Le joueur est récompensé par des armes toujours meilleurs, la plus populaire étant le fusil à pompe. Cette arme assouvit à la perfection les fantasmes des adolescents en pleine puberté, car la recharge de l'arme imite un geste de masturbation. Le bruit de l'arme, la manière de la porter ouvertement à hauteur du ventre, signe de confiance en soi et d'intrépidité, ce sont des aspects qu'on retrouve au cinéma, tout comme l'effet terrifiant des gerbes de plomb.
Extraits significatifs
Au lieu de ça, le futur Amoklaüfer était assis devant son ordinateur, jouant et écoutant du Heavy Metal. "Fils de Satan", c'est ainsi qu'il s'appelait dans les Chatrooms d'Internet. L'un de ses jeux préférés aurait été "Counterstrike", un Killerspiel.
Extraits significatifs
Les jeux vidéo sont un spectacle encore plus brutal que la télévision. Dans les soi-disant Ego-shooters, le "joueur" adopte le rôle d'un combattant solitaire, qui doit se battre dans des mondes hostiles et tuer tout ce qui entre dans son champ de vision. Dans les jeux tels que "Quake" ("tremblement") et "Counterstrike" ("contre-offensive") le joueur obtient des points bonus pour des tirs en pleine tête, et les adversaires meurent avec un réalisme troublant.
Extraits significatifs
Hambourg (DPA) – L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne.
Extraits significatifs
Hambourg (DPA) – L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne. En toute légalité. Car en effet, avec ses 19 ans, il avait le droit de l'acheter en exhibant une pièce d'identité.
Extraits significatifs
Hambourg (DPA) – L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne. En toute légalité. Car en effet, avec ses 19 ans, il avait le droit de l'acheter en exhibant une pièce d'identité.
Extraits significatifs
"Les jeux vidéo sont, si l'on peut dire, un exutoire pour décharger son agression, et pas un outil d'entraînement", écrit un fan sur le forum Internet www.counter-strike.de.
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Après l'Amoklauf de l'adolescent de 19 ans qui a tué 16 élèves et adultes ainsi que lui-même, de nombreuses personnalités politiques, dont le Ministre-Président de Nord-Westphalie Wolfgang Clement (SPD) et le candidat à la Chancellerie Edmund Stoiber (CSU), réclament une interdiction immédiate des soi-disant Killerspiele. La réaction des joueurs d'Ego-Shooters est l'incompréhension : "Les raisons profondes de cet acte ne se trouvent certainement pas dans les jeux vidéo ou d'autres choses du même genre. L'auteur de la tuerie était, une fois de plus, un de ces êtres esseulés, brimés, et complexés qui ne sont pas bien dans leur peau." écrit un joueur sous le pseudonyme de "Penta" sur le forum Internet. Les fans de "CS" reçoivent un soutien de la part des pédagogues de Cologne. Un groupe de chercheurs de l'IUT d'éducation spécialisée a étudié, à la demande du Ministère Fédéral de l'Education et de la Recherche, les effets des jeux vidéo sur les joueurs. Le résultat est le suivant : "Les jeux ne sont pas la cause de la violence", d'après la chef de projet Tanja Witting. "Il est clair que Robert Steinhauser n'est pas devenu un Amokläufer à cause des jeux vidéo. Toutefois, certains aspects du jeu l'ont séduit. Pour cela, par contre, il fallait qu'il ait un certain nombre de prédispositions", souligne l'experte. "La violence du jeu a fait de lui un héros, et il semble qu'il ait transposé cette forme de résolution de problème dans la réalité." Les joueurs sur Internet – 500 000 participants se connectent tous les jours, partout dans le monde, aux serveurs de Counter-Strike – ne voient pas de rapport entre l'Amoklauf et leur jeu préféré. "Le seul fait de jouer à un jeu Ego-Shooter ne fait pas de vous un tireur d'élite qui arrive à enchaîner les tirs en pleine tête", selon "Nick". Un autre joueur, dénommé "Gunman", écrit : "Dans ce jeu, j'adore massacrer des gens avec des flingues, mais jamais je ne pourrais faire ce genre de choses dans la vraie vie. C'est complètement absurde." Le jeu développerait plutôt l'esprit d'équipe, parce qu'on joue toujours collectivement, autour de "Clans".
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Pour beaucoup de joueurs, les avis des experts ne sont pas importants : "Ces soi-disant spécialistes n'ont certainement jamais eu ce jeu entre leurs mains", lit-on sur le forum Internet. La communauté s'agace du fait que "les jeux vidéo doivent, une fois de plus, prendre le rôle du bouc émissaire". Elle s'est insurgée contre les reportages des médias selon lesquels dans "Counter-Strike", on tirait sur des policiers, des passants et des écolières. Ce qui a été également démenti par l'entreprise Vivendi Universal Interactive Publishing, dont le siège social est situé près de Francfort, et qui distribue le jeu en Allemagne.
Extraits significatifs
L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne. En toute légalité. Car en effet, avec ses 19 ans, il avait le droit de l'acheter en exhibant une pièce d'identité.
Extraits significatifs
Steinhäuser s'entraîne aussi virtuellement – pendant des heures, il s'exerçait au tir sur ordinateur. L'un de ses jeux préférés est Counter-Strike. Dans ce jeu PC, les forces d'intervention armées doivent arrêter des bandes de terroristes – par n'importe quel moyen. Le site Internet counterstrike.de est accessible à partir de 18 ans, les personnes intéressées doivent divulguer le numéro de leur carte d'identité. En échange, ils obtiennent, à côte d'une poignée de liens vers des sites pornographiques, un catalogue détaillé de différents pistolets – y compris de calibre 9mm, celui avec lequel Robet Steinäuser a commis son acte dément. Par exemple, le Glock 18 Select Fire (au prix de 641 dollars US dans sa « variante civile ») ou le Sig P 228 (au prix de 900 dollars US).
Droit de réponse de counterstrike.de:
Tous les liens sur notre site CS mènent vers d'autres sites du réseau 4P (et il ne s'agit pas de sites pornographiques). Il est probable que le Stern parle plutôt de bannières publicitaires, sachant qu'une rotation de bannière ne devrait pas forcément être considérée comme un lien direct. D'autant plus que cette publicité n'est activée que la nuit, et qu'il existe 60% d'autres publicités. Et même dans ce cas-là, elle n'est visible que quand on a plus de 18 ans. En ce qui concerne les informations sur les armes, on peut consulter sur notre site les données réelles qui existent sur les armes présentes dans le jeu. On y trouve également des pistolets 9mm, et Steinhäuser en a utilisé une, mais au vu de l'incroyable prolifération d'armes de 9mm, ce n'est pas plus surprenant que ça. Si on souhaite dénigrer un site Internet qui se consacre au jeu CounterStrike (en pensant que c'est vendeur médiatiquement), on peut effectivement faire passer une bannière publicitaire pour un lien, et amalgamer une arme du jeu avec celle de la tuerie.
Extraits significatifs
Chez l'Amokläufer d'Erfurt, on a également trouvé le jeu vidéo mondialement populaire Counterstrike. Désormais, tout le monde s'acharne sur Counterstrike : les psychologues, les politiques, les médias. C'est du moins ce qu'affirment les joueurs eux-mêmes – un article du Frankfurter Allgemeinen Sonntagszeitung, dont le titre affirmait que l'éditeur du jeu avait “été l'entraîneur personnel de l'Amokläufer”, s'est révélé être l'étincelle qui a mis le feu aux poudres [NdT: l'expression exacte est une métaphore allemande, “ Stich ins Wespennest”, qui signifie littéralement “piquer le nid de guêpes”].
Arguments
Quiconque s'aventure sur les forums et chatrooms des sites web concernés y trouvera bien davantage que le stéréotype de l'adolescent assoiffé de violence qui flingue à tour de bras devant son PC. Dans les commentaires s'exprime un tollé partagé par environ 1.5 millions de disciples de Counterstrike rien qu'en Allemagne. Tout comme les golfeurs, les joueurs d'échecs ou les pilotes de course, ils se voient comme des sportifs. Aujourd'hui, le soi-disant “E-Sport” est en expansion partout dans le monde. En Corée, il existe déjà de véritables ligues; aux Pays-Bas, les adeptes du réseau empochent un joli pactole à travers les tournois. Les chatteurs avancent plusieurs arguments pour essayer de démontrer pourquoi l'indexation ou l'interdiction des jeux violents n'est pas une solution. On y trouve pêle-mêle des critiques factuelles, des attaques personnelles, et un certain sens de ce qui est faisable. Une interdiction des jeux violents semble tout simplement irréalisable techniquement parlant.
Extraits significatifs
Le jeu appelé “Counter Strike” (CS) qui a été évoqué dans le contexte d'Erfurt, est le représentant de cette variante de jeux multijoueurs qui a le plus de succès. Plusieurs centaines de milliers de joueurs du monde entier y jouent les uns contre les autres dans le monde entier. Dans “Counter Strike”, le joueur endosse le rôle d'un membre d'une unité spéciale dans le combat contre le terrorisme, et doit, avec ses coéquipiers, affronter des groupes terroristes qui sont également incarnés par des joueurs humains en ligne. “C'est plutôt du sport d'équipe”, déclarent unanimement les Counter-Strikers à propos de leur hobby. Même si dans les combats, le sang pixellisé coule à flots, l'observation et la participation aux actes de violence n'est que secondaire, et n'est pas la motivation principale pour jouer.
Avant l'indexation, on écoute les joueurs
Avec ces arguments, la communauté CS veut aussi conjurer la menace d'une indexation par le BPjS. Car contrairement à ce qui est souvent écrit, CS n'est pas encore indexé. Le BPjS a reporté sa décision au 16 mai et ce faisant, elle a tenu compte de la vague de protestation de la communauté. Avant cette date, la commission d'examen a l'intention d'écouter des représentants des joueurs et leur plaidoyer contre l'indexation. Une procédure jusque-là inédite.
Extraits significatifs
Ses camarades racontent cependant que le tueur était fasciné par “Counterstrike”, l'un des jeux PC les plus vendus de ces dernières années. La version allemande de “Counterstrike” a été édulcorée, par exemple le sang qui coule des adversaires n'est plus rouge mais vert. Les premières versions ont débarqué sur le marché en 1999; l'éditeur Sierra annonce pour le deuxième semestre une édition “améliorée”, “Condition Zero” – avec de nouvelles armes, plus efficaces. Le thème est le combat contre le terrorisme. Le joueur peut librement choisir son personnage, “bon” ou “méchant”, et fait feu avec un arsenal étendu sur tout ce qui bouge dans le scénario fictif : les policiers, les écoliers, les passants. Cependant, “Counterstrike” est apprécié avant tout car les joueurs peuvent se rassembler en groupes – les soi-disant Clans. Ils se surnomment “Very Important Killers”, “Deutsche Alltags Helden” [NdT: les “Héros Allemands du Quotidien”] ou bien “Deutsches Killer Kommando”. Les versions de “Counterstrike” qui sont téléchargeables sur le site de l'éditeur, disponibles sur les sites de partage, ou disponibles à la vente sur des sites comme Amazon.com, ne consituent que la brique logicielle de base : les joueurs peuvent programmer leur propres scénario et conférer à leur alter ego en ligne d'autres caractéristiques et d'autres armes.Sur les forums Usenet – tels que le Newsgroup berlinois bln.jugend.talk – les intéressés discutent des détails techniques : “Ma bécane commence à être bien molle du genou quand je passe par-dessus un adversaire qui vient d'exploser”. L'indexation d'un jeu tel que “Counterstrike” par le BPjS est considérée par les fans de jeux comme un label de qualité. Une interdiction n'est pas réalisable. Quiconque possède une connexion Internet peut accéder à toutes les versions – y compris celles qui sont indexées.
Extraits significatifs
La lunette d'un fusil d'assaut s'avance dans un couloir obscur. Soudain, deux personnes en uniforme surgissent d'un recoin. Ils sont tués par un clic de souris ou par une pression sur la touche Entrée. De telles scènes du jeu vidéo Half-Life sont typiques des Ego-Shooters, qui font de nouveau parler d'eux depuis l'Amoklauf d'Erfurt.
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“Nous ne comprenons pas tout ce raffut”, dit Rami Allouni, 24 ans, habitant de Brême et capitaine de l'équipe allemande de Counter-Strike au Championnat d'Europe qui a lieu actuellement. Counter-Strike (CS) serait un jeu d'équipe tactique dans lequel il faut davantage réfléchir que tirer. De plus, tout le monde serait parfaitement conscient de la distinction entre le jeu et la réalité. : “Chacun voit ces pixels et comprend qu'ils ne sont pas réels”. Allouni estime qu'en Allemagne, il existe 500 000 joueurs de Counter-Strike, et ajoute avec ironie, lors de son entretien avec l'agence de presse AP : “Cela signifie qu'on aurait un demi-million d'Amokläufers, de tueurs fous, en puissance.” Counter-Strike, qui a été associé à l'Amokläufer d'Erfurt dans des reportages non confirmés de différents médias, a certes été dérivé de Half-Life il y a 3 ans, mais il a développé depuis longtemps sa propre communauté. Trois versions différentes circulent en ce moment : la version originale américaine, une version allemande légèrement édulcorée, qui est recommandée à partir de 16 ans et diffusée dans le catalogue Sierra de Vivendi Interactive, et enfin une version librement accessible sur Internet. Dans ce jeu en ligne, 5 à 10 joueurs forment des groupes sur Internet, que l'on appelle des Clans. Deux de ces clans s'affrontent l'un contre l'autre. Les joueurs sont le plus souvent des étudiants et des jeunes de 19-20 ans. “Cependant, il y a aussi des clans de pères de famille qui jouent contre leurs fils”, explique Allouni. Des clans féminins se sont également formés. Dans le groupe, chacun a son propre rôle.
Après le jeu, on se rencontre sur le Chat, on s'appelle ou on prend rendez-vous dans la vie réelle. “Le plus important, c'est qu'on s'entend bien”, explique Allouni. Le fait de devoir tirer frénétiquement dans Counter-Strike pour assurer sa propre survie est plutôt secondaire pour Allouni. Le coeur du jeu serait l'adresse tactique, qui s'acquiert seulement après plusieurs années d'expérience. Il est particulièrement attiré par les scénarios diversifiés qui exigent toujours d'explorer de nouvelles voies. Le son ne joue aucun rôle dans Counter-Strike – cela ne ferait que ralentir la transmission de données sur Internet. “Nous sommes tous choqués et affligés qu'une telle chose puisse se produire en Allemagne”, explique Allouni dans un communiqué de presse pour les différents sites Web de la communauté CS. Toutefois, il serait complètement absurde de faire des jeux vidéo le bouc émissaire du bain de sang d'Erfurt. La communauté des Gamers en ligne constitue un échantillon représentatif de la population. Les Counter-Strikers refusent d'être qualifiés de menace pour la jeunesse. Plus de 26 000 joueurs ont participé jusqu'à aujourd'hui à une pétition en ligne du magazine “GameStar”, dans laquelle on lit entre autres : “Je joue à Counterstrike, pas parce que je me délecte de la représentation de la violence, mais pour la compétition sportive.”
Extraits significatifs
Ces derniers jours, on a beaucoup spéculé sur les raisons qui ont conduit à l'Amoklauf d'Erfurt. Les médias avaient souvent associé cet acte affreux aux jeux vidéo, et surtout au programme “Counter-Strike”. Toutefois, une interdiction totale de tels jeux, comme certains politiques le demandent, n'est certainement pas la mesure appropriée. Ces réclamations proviennent souvent d'une connaissance insuffisante de la communauté des jeux en ligne et du jeu “Counter-Strike” lui-même. Dans aucune phase du jeu, il n'est question de tuer des civils. Pour gagner un round du jeu, il faut empêcher l'équipe concurrente d'accomplir sa mission ou bien faire en sorte d'accomplir la sienne – c'est comme au football : une équipe essaie de marquer un but, l'autre tente de l'en empêcher...
Il existe toujours une voie non-violente
Pour atteindre l'objectif du jeu, il existe toujours une voie non-violente, parce qu'on peut gagner des rounds en sauvant des otages ou en désamorçant une bombe. “Counter-Strike” ne possède pas de mode de jeu solo. Le jeu ne peut être joué qu'en ligne ou en réseau local, et exclusivement par équipes. La tactique et l'esprit d'équipe sont de première importance. Ceux qui font cavalier seul n'ont quasiment aucune chance et ne sont pas non plus très appréciés de leurs coéquipiers. Les joueurs ne s'intéressent pas à la violence dans ces programmes – nombreux sont ceux, par exemple, qui désactivent les effets de sang parce qu'ils ne sont pas indispensables pour le déroulent du jeu, et que sans eux, la maniabilité du jeu est facilitée.
500 000 eSportifs en Allemagne
En Allemagne, il existe environ 500 000 joueurs en ligne qui se regroupent en associations qu'on appelle des “Clans”. Ils décrivent eux-mêmes leur loisir comme un “eSport”, ce qui veut dire sport électronique. Le caractère sportif s'exprime aussi à travers le fait que les eSportifs disputent, au sein de leurs clans respectifs, des matches de ligue et des tournois. De plus, dans ces évènements, des récompenses en espèces à 5 chiffres attendent les vainqueurs. Cela ressemble à des sports reconnus par la société comme le tennis. Les Clans offrent surtout aux jeunes une possibilité de s'organiser dans une communauté, les intérêts vont bien au-delà du pur jeu. Les membres habitent souvent à des distances de plusieurs centaines de kilomètres, néanmoins et le jeu en commun permettent de développer des amitiés. Les joueurs apprennent beaucoup de choses sur les relations inter-humaines, les comportements sociaux et la prise de responsabilité. Dans les Clans, on confie à différents membres des tâches telles que la gestion de la trésorerie, ou bien la maintenance du site Web. La plupart des joueurs se rencontrent non seulement sur Internet, mais aussi dans la vraie vie. Toutefois, les joueurs en ligne n'ont toujours pas obtenu l'intérêt médiatique et l'acceptation du grand public, et cela crée des préjugés.
Holger Scherff, 30 ans, journaliste et joueur en ligne
Extraits significatifs
Nous ne pensons pas que l'article présente une recherche défectueuse. Le fait que le déroulement du jeu diffère dans le détail (occupation de bâtiments ou véhicules) ne change rien à ce dont il s'agit dans le jeu. L'article original, publié dans l'édition du dimanche, était accompagné de nombreuses captures d'écran d'un jeu qui ne laisse aucun doute sur le fait que CS est un jeu qui consiste à tirer sur des êtres humains de façon réaliste. Que ces êtres humains soient grossièrement modélisés ou non n'y changer rien. Et le fait que des skins d'écolières, de célébrités, de groupes terroristes (Hezbollah) ou des groupes de forces spéciales (GSG 9) soient accessibles sur Internet montre quels besoins peuvent être également assouvis dans Counterstrike. Quand bien même ces skins n'existeraient pas, cela ne changerait rien au concept du jeu. Les explications des gamers, selon lesquelles ceux qui tuent les otages sont “punis” dans le jeu, et même bannis de certains serveurs, sont d'une ambiguïté quelque peu inquiétante, le problème étant que les otages ou célébrités puissent être tués tout court.
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Il n'a jamais été écrit que tous les joueurs étaient des tueurs de masse, des Amokläufers. Il est seulement écrit que le jeu simule quelque chose que Robert Steinhäuser a mis en pratique.
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Je pense que nous devons arrêter – et l'article cherchait à dire la même chose – de chercher des causes simples pour de tels phénomènes. Counterstrike n'est pas coupable du massacre. Et si le tueur a joué a un autre jeu, celui-ci n'est pas non plus coupable dans un sens classique de cause à effet. Mais il existe quelque chose comme une “conjonction de symptômes”. Si l'on trouve, comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans les années précédentes, que des lycéens tueurs possédaient églement des Killerspiele, alors il faut se demander pourquoi c'est le cas.
Extraits significatifs
Des caves voûtées, des tirs qui résonnent de loin, quelqu'un qui s'approche par la droite, des bruits de pas sourds. Vite, il faut échanger le fusil-mitrailleur contre le canon plasma, et s'approcher prudemment de l'adversaire. Peut-être qu'il s'agit d'un coéquipier. Il ne faut donc pas appuyer trop vite sur la gâchette. On envoie des grenades depuis la balustrade, on se met à couvert, et on renvoie les tirs. Deux salves de fusil de chasse et l'assaillant tombe par terre, couvert de sang. On avance rapidement, la vue toujours dirigée sur le viseur (cran et guidon). Chaque équipe compte douze joueurs. Ils habitent sur différents continents, ne se sont jamais rencontrés, ne parlent pas la même langue. La seule chose qu'ils ont en commun, c'est un ordinateur avec accès à internet, et le plaisir de tuer plus d'adversaires que les autres dans un labyrinthe en trois dimensions – tout en arrivant à s'en sortir vivant.
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“Dans ces jeux, il faut s'imposer en éliminant les autres”, d'après Maya Götz de “L'Institut central international de la télévision pour la jeunesse et l'éducation” [IZI] à Munich. Cependant, ce n'est pas si différent du jeu “T'en fais pas”, et cela ne transforme pas les joueurs en agresseurs potentiels.
Extraits significatifs
Hambourg (DPA) – L'arsenal virtuel est énorme, la mission du combattant est claire, et pour atteindre son objectif il doit être prêt à tuer père et mère : dans le jeu vidéo "Counterstrike", le combattant doit tirer sur des policiers, passants et écolières, avant qu'il ne se fasse tuer lui-même. Selon les témoignages de ses anciens amis, le tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser jouait souvent au jeu "Counterstrike", populaire et indexé en Allemagne. En toute légalité. Car en effet, avec ses 19 ans, il avait le droit de l'acheter en exhibant une pièce d'identité. Après l'Amoklauf perpétré par le garçon, qui a tué 16 élèves et adultes du lycée Gutenberg ainsi que lui-même, le débat sur la vente de jeux vidéo et films vidéo contenant de la violence a été ravivé. La classe politique exige un durcissement de la législation, tandis que l'industrie du jeu essaie d'arrondir les angles. Après le Ministre-Président de Nord-Westphalie Wolfgant Clement (SPD), c'est au tour du candidat à la chancellerie Edmund Stoiber (CSU) de demander une interdiction immédiate des vidéos dangereuses pour la jeunesse et des soi-disant Killerspiele. Les éditeurs et développeurs sont d'un autre avis. “Les réglementations en cours actuellement en Allemagne sont déjà suffisamment strictes”, affirme Hermann Achilles, le PDG de l'Association Allemande des Logiciels de Divertissement (VDU) située à Paderborn. “Tous les fabricants développent déjà pour le marché allemand des versions adaptées dans lesquelles la représentation de la violence est édulcorée.” Justement parce que la violence en Allemagne, contrairement aux Etats-Unis par exemple, est un sujet extrêmement sensible. Le soi-disant marché gris, le marché des jeux illégaux, est très réduit, selon les estimations des experts dans le domaine. “Dans les versions illégales, on ne change pas les actions violentes, mais uniquement les images de fond et le cadre général”, affirme Christian Bigge, rédacteur en chef du magazine de jeux “PC Action” situé à Fürth. Dans les “versions grises”, on trouve souvent des croix gammées, des calottes crâniennes qui éclatent après un tir mortel, et des bouts de cervelle qui jaillissent. “Celui qui souhaite avoir de tels jeux n'a qu'à faire une excursion dans un pays voisin, l'acheter sur le marché légal et le ramener en contrebande”, d'après Bigge. Toutefois, presque tous ces jeux sont accessibles légalement dans leur version édulcorée. C'est pour ça que l'incitation [à transgresser les règles] n'est pas très grande, et que le “marché gris” est réduit. Internet ne joue lui aussi qu'un petit rôle, selon Bigge. “Il n'y a pas de version complète sur le Net, et les marchands étrangers n'ont pas non plus le droit d'envoyer chez nous leurs produits interdits.” Dans le cas contraire, ils risquent de perdre leur licence. Le développement des soi-disant Ego-Shooters spécialement conçus pour le marché illégal n'est pas lucratif pour les producteurs, selon les estimations du PDG de la VDU, Achilles : “Le développement d'un bon jeu dure entre 18 et 30 mois et coûte entre 2.5 et 40 millions de dollars.” Le point faible dans la lutte contre les jeux glorifiant la violence est l'échange privé de copies pirates. Selon Bigge : “Nous ne pouvons pas contrôler ce que fait un adulte avec un produit indexé qu'il a acquis”. “Nous prenons nos décisions en fonction d'un catalogue d'exemples, en ayant toujours en tête les effets supposés”, affirme la Présidente du Bureau Fédéral chargé des oeuvres écrites dangereuses pour la jeunesse situé à Bonn, Elke Monssen-Engberding. Ce bureau est chargé de l'indexation des jeux violents. Comme aucune étude scientifique n'a réussi jusqu'alors à prouver que les jeux vidéo représentant la violence ont une influence sur le comportement des joueurs, chaque indexation se fait au cas par cas. “Conditionné par de nombreux autres facteurs sociaux agissant sur l'environnement du joueur, le seul d'inhibition peut évidemment baisser dans certains cas”, explique Monssen-Engberding. Le PDG du VDU partage cet avis : “Il faudrait d'abord clarifier la façon dont le jeune a pu accéder aux armes. Ce serait bien trop simple de réduire la recherche des causes aux jeux violents.”
Extraits significatifs
Hambourg (DPA) – Le débat autour du jeu vidéo “Counter-Strike” continue : les joueurs du soi-disant Ego-Shooter, auquel aurait également joué l'Amokläufer d'Erfurt Robert Steinhäuser, se défendent contre la critique massive des psychologues et de la classe politique. "Les jeux vidéo sont, si l'on peut dire, un exutoire pour décharger son agression, et pas un outil d'entraînement", écrit un fan sur le forum Internet www.counter-strike.de. Les psychologues sont d'un autre avis : “A travers la simulation de tuerie, on s'entraîne – à l'image d'un simulateur de vol – à acquérir et à renforcer une certaine compétence”, explique le psychologue Harald Ackerschott, de Bonn. Après l'Amoklauf de l'adolescent de 19 ans qui a tué 16 élèves et adultes ainsi que lui-même, de nombreuses personnalités politiques, dont le Ministre-Président de Nord-Westphalie Wolfgang Clement (SPD) et le candidat à la Chancellerie Edmund Stoiber (CSU), réclament une interdiction immédiate des soi-disant Killerspiele. La réaction des joueurs d'Ego-Shooters est l'incompréhension : "Les raisons profondes de cet acte ne se trouvent certainement pas dans les jeux vidéo ou d'autres choses du même genre. L'auteur de la tuerie était, une fois de plus, un de ces êtres esseulés, brimés, et complexés qui ne sont pas bien dans leur peau." écrit un joueur sous le pseudonyme de "Penta" sur le forum Internet. Les fans de "CS" reçoivent un soutien de la part des pédagogues de Cologne. Un groupe de chercheurs de l'IUT d'éducation spécialisée a étudié, à la demande du Ministère Fédéral de l'Education et de la Recherche, les effets des jeux vidéo sur les joueurs. Le résultat est le suivant : "Les jeux ne sont pas la cause de la violence", d'après la chef de projet Tanja Witting. "Il est clair que Robert Steinhauser n'est pas devenu un Amokläufer à cause des jeux vidéo. Toutefois, certains aspects du jeu l'ont séduit. Pour cela, par contre, il fallait qu'il ait un certain nombre de prédispositions", souligne l'experte. "La violence du jeu a fait de lui un héros, et il semble qu'il ait transposé cette forme de résolution de problème dans la réalité." Les joueurs sur Internet – 500 000 participants se connectent tous les jours, partout dans le monde, aux serveurs de Counter-Strike – ne voient pas de rapport entre l'Amoklauf et leur jeu préféré. "Le seul fait de jouer à un jeu Ego-Shooter ne fait pas de vous un tireur d'élite qui arrive à enchaîner les tirs en pleine tête", selon "Nick". Un autre joueur, dénommé "Gunman", écrit : "Dans ce jeu, j'adore massacrer des gens avec des flingues, mais jamais je ne pourrais faire ce genre de choses dans la vraie vie. C'est complètement absurde." Le jeu développerait plutôt l'esprit d'équipe, parce qu'on joue toujours collectivement, autour de "Clans". Cependant, selon l'opinion des psychologues, les personnes mentalement instables comme le tueur d'Erfurt ont justement recours à ces représentations pour enrichir leurs fantasmes. Le psychologue Ackerschott affirme que les films ou jeux glorifiant la violence contribuent inconsciemment à l'entraînement à la violence et à la tuerie. Pour beaucoup de joueurs, les avis des experts ne sont pas importants : "Ces soi-disant spécialistes n'ont certainement jamais eu ce jeu entre leurs mains", lit-on sur le forum Internet. La communauté s'agace du fait que "les jeux vidéo doivent, une fois de plus, prendre le rôle du bouc émissaire." Elle s'est insurgée contre les reportages des médias selon lesquels dans "Counter-Strike", on tirait sur des policiers, des passants et des écolières. Ce qui a été également démenti par l'entreprise Vivendi Universal Interactive Publishing, dont le siège social est situé près de Francfort, et qui distribue le jeu en Allemagne. Il s'agirait de versions dont les actions étaient modifiées individuellement par certains joueurs. “A ce jour, nous ne connaissons pas d'étude sérieuse qui démontre un lien direct entre la violence dans les jeux vidéo et le passage à l'acte violent dans la réalité”, d'après un communiqué publié par l'entreprise sur Internet. Afin de se garder de telles influences, on a tout de même introduit à côté des réglementations légales un système graduel d'auto-régulation qui a fait ses preuves dans l'industrie du cinéma, qui régule la vente de jeux vidéo aux enfants et adolescents. “Tous les produits que nous vendons traversent ce processus de classification.”
Extraits significatifs
Le tueur d'Erfurt s'est entraîné devant l'ordinateur à tuer en visant la tête grâce à un programme d'entraînement spécial. En toute légalité. Les exercices de tir “ludiques” sont librement accessibles sur le marché. Même les petits enfants peuvent, déjà à leur âge, aller à la chasse aux êtres humains (entre autres) sur leur “Playstation”. La console interactive est souvent, pour des raisons pratiques, déjà modélisée comme un pistolet. Tirer sur des êtres humains fait partie du “jeu”. Les tirs réussis sur la tête et le torse, en particulier, rapportent beaucoup de points. Et celui qui a “tué” un certain nombre de gens est récompensé par la mise à disposition d'un arme encore plus efficace – allant du pistolet au fusil-mitrailleur, et les sensations fortes vont croissant jusqu'à l'obtention d'une bombe.
Extraits significatifs
“Logiciel pour un massacre” - tel était l'intitulé d'un article de la “Frankfurter Allgemeine Zeitung” sur le jeu vidéo “CounterStrike” après l'Amoklauf d'Erfurt. On y voyait des photos tirées de ce jeu. Des motifs guerriers, qui sont très proches de ce que la plupart des gens imaginent quant ils pensent à l'acte dément du joueur de “Counterstrike” Robert Steinhäuser dans l'école d'Erfurt. Ce qui agace tout le monde. A présent, la discussion sur la nuisance de “Counterstrike” & cie bat son plein. La classe politique, le clergé, les joueurs, les éditeurs de jeux et les experts en psychologie débattent sur le sujet à différents niveaux, et avec des connaissances plus ou moins approfondies.
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“Dans “Counterstrike”, on trouve des scénarios de terrorisme, mais avant tout des libérations d'otages”, selon [Hartmut] Gieselmann. A cet égard, le jeu n'appelle aucunement à des actes violents comme celui d'Erfurt. Il estime tout de même problémtique et dangereux que “Counterstrike” fasse de la publicité pour des armes réelles. “Ces armes, qui peuvent effectivement être acquises dans la réalité, sont actuellement très en vogue dans les jeux vidéo”, affirme Gieselmann. Des jeux comme “Counterstrike” existent par dizaines sur Internet, et aux Etats-Unis, une partie d'entre eux est produite en collaboration avec l'industrie de l'armement. Un entraînement au tir devant l'ordinateur est quelque chose d'inhabituel, selon Gieselmann. “La plupart des joueurs désactivent le sang pixellisé parce que celui-ci les dérange quand ils jouent”. Il s'agit avant tout de mondes fantastiques artificiels, et pas de la réalité. Il pense qu'une interdiction des jeux violents n'est pas réalisable. “Dans ce cas, les fans prendraient des jeux plus inoffensifs, les modifieraient et les diffuseraient partout dans le monde via Internet.” Ce développement ne serait pas contrôlable.
Article complet
Jeux vidéo etc.
LA JOIE DE SE DONNER DE LA PUISSANCE
Sebastian Handke
[NdT : Le titre original est “Das Glücksgefühl des Selbstermächtigung”. Littéralement, “Glücksgefühl” signifie “béatitude”, “sentiment de boneur”, tandis que le terme de “Selbstermächtigung” correspond peu ou prou au concept anglo-saxon “d'empowerment”. Il s'agit du sentiment de puissance qu'on se donne à soi-même]
Le tueur n'était pas une victime
Le jeu vidéo est l'une des dernières cultures jeunes qui existent en grande partie à l'exclusion du public adulte. Le mépris du consensus est l'une des règles éprouvées de marketing utilisées par les fabricants, facilement réalisable à travers la représentation de la violence. Cependant, le malaise a des raisons plus profondes. Ici, les adolescents manipulent en toute insouciance des symboles d'un ordre décrié dans le discours des adultes, mais faisant partie intégrante de leur quotidien : l'idéologie de la toute-puissance, “Selbstermächtigung”. Les jeux sont ici plus inquiétants que les films, car ils organisent la participation active à la violence et s'exposent ainsi au soupçon de faire basculer l'agression fictive vers son penchant réel.
Les producteurs aiment bien jouer avec la frontière entre la réalité et la fiction. A titre d'exemple, les émeutes qui ont eu lieu en marge des réunions du G8 sont devenues la source d'inspiration de « State of Emergency ». A coups de gaz lacrymogènes, de lance-flammes et de membres arrachés, il est possible de déclencher une révolte contre une corporation surpuissante – et ceci, au choix, en mode chaos ou en mode révolution. Son pendant sombre est « Hooligans – Storm over Europe ». Ici, on peut organiser des ratonnades pendant la saison footballistique européenne. De nombreuses simulations militaires fonctionnent de la même manière quand elles permettent de revivre l'invasion du Kosovo sous son propre commandement. Ces jeux de stratégie ressemblent à ces dispositifs expérimentaux, dans lesquels les scientifiques simulent des scénarios climatiques ou des «artificial societies» (NdT : en anglais dans le texte). Ils procurent au joueur le plaisir, autrement inaccessible, de pouvoir influencer des évènements réels et complexes. L'ordinateur recalcule constamment les conséquences de chaque décision.
Toutefois, c'est le chemin inverse – la fiction violente qui s'invite en retour dans la réalité – qui attire l'attention sur tout un genre particulier de jeux. Les soi-disant Ego-Shooters, les trompe-l'oeil des jeux vidéo, mettent en scène le fait de courir et de tirer en caméra subjective sur une scène éclairée en perspective 3D. Ici aussi, il s'agit avant tout d'une expérience de pouvoir plutôt que d'une violence ouverte. Le sentiment d'ivresse, dans « Doom » ou « Quake », ne se trouve pas uniquement dans le fait de tuer, mais dans la conquête de l'espace. L'annihilation d'obstacles organiques favorise des sentiments d'omnipotence et d'omniprésence bien plus qu'un simple dépassement d'un concurrent sur une piste de course, bien que là encore, la vitesse soit tout autant une métaphore de la domination de l'espace.
De ce fait, la plupart des Ego-Shooters offrent aussi un « god mode », qui rend le joueur indestructible et qui lui permet de traverser les murs. Depuis qu'en 1992, en tant que V. J. Blazkowicz, on devait éliminer un maximum de nazis lors de l'évasion du château de Wolfenstein, un flot immense de ces simulations de tueries a émergé, « Doom » et « Quake » étant des classiques, pour finir par « Soldier of Fortune », sorti il y a 2 ans, d'une dureté extrême, qui ne laisse plus rien à désirer question réalisme. Partant de là, on n'est plus très loin du sous-genre particulièrement brutal dont le nom évocateur est « Hack and Slay ». Le réalisme du déplacement dans l'espace a engendré le réalisme de la violence.
Aujourd'hui, « Counter-Strike » est le jeu du moment. Le mode multijoueurs du jeu de tir populaire « Half-Life » a cette fois été modifié de sorte que deux équipes s'affrontent en réseau, comme terroristes ou anti-terroristes. Le jeu est pratiqué sous forme de soi-disant « sport », en groupe et dans le cadre de compétitions internationales. La police a trouvé ce jeu d'action dans la chambre du tueur d'Erfurt, et maintenant la communauté se défend contre tout reproche (www.gamergegenterror.tk). Sur ce point, les joueurs en ligne ne se distinguent nullement des clubs de tir réel. Personne ne veut être le coupable, pourtant les deux ont été catalyseurs de violence. Une lettre ouverte de « raal », le capitaine de l'équipe nationale allemande de Counter-Strike, a fait preuve d'une certaine capacité de réflexion. Les gamers ont quelque appréhension : les enjeux sont considérables, car nous sommes dans une année d'élections. En tout cas, le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a qualifié Counter-Strike, qui appartient à l'élite de ce genre délicat, du doux sobriquet de « logiciel pour un massacre ».
Mais comment cela pourrait-il marcher ? La soi-disant théorie de la simulation, qui croit à un encouragement des propensions à l'agressivité, est de plus en plus fréquemment validée par des études empiriques. Cependant, est-ce que cette «capacité d'encadrement » (Jürgen Fritz) qui permet de distinguer la réalité de la fiction, peut se perdre complètement ? Le tueur d'Erfurt n'était pas une victime. Il a consciemment repoussé les consignes d'encadrement, le masque de ninja n'était que l'un de ses outils. Si on n'arrive pas à à faire la médiation entre le sentiment supposé de puissance et les expériences quotidiennes où on est seul avec sa faiblesse, si on n'arrive pas à combler ce gouffre, on risque de s'acheminer vers une situation analogue de « désorientation sociale ». On laisse déborder sur la réalité son sentiment de toute-puissance, d'efficacité et de violence – ne serait-ce que pour le grand acte final, celui qui consiste à passer du statut de victime à celui de tueur. Si ce soupçon se laissait confirmer pour au moins un seul de ces cas, tous les Ministres-Présidents bavarois du monde auraient de bonnes raisons de demander des restrictions légales sur les jeux vidéo qui encouragent le meurtre d'êtres humains.
Article complet
LES EGO-SHOOTERS NE SONT PAS DES MEURTRIERS
Les fans du jeu vidéo “Counterstrike” pétitionnent pour manifester leur refus d'être mis dans le même sac que les Amokläufers : la chasse virtuelle aux terroristes encouragerait l'esprit d'équipe.
Robert Steinhäuser avait lui aussi installé le jeu “Counter Strike” sur son PC. Ceci ne le distinguait en rien de centaines de milliers de jeunes de son âge. La BPjM souhaite indexer ce jeu, et il pourrait même y avoir de bonnes raisons, corroborées par la science, pour le faire. Toutefois, ces raisons n'auront rien à voir avec la tuerie perpétrée par Steinhauser. Certes, le jeu appartient au genre des Ego-Shooters, toutefois il met en scène, non pas des orgies de sang individuelles, mais un combat contre des terroristes tout à fait correct sur le plan moral. Il existe deux sites Web germanophones qui donnent un aperçu de la communauté : www.plantecs.gamigo.de et www.counter-strike.de.
Le design fait tout : le monde virtuel artificiel, techniquement très développé, ne peut pas cacher le fait que le jeu même ne fait que répéter le rituel vieux comme le monde du combat du Bien contre le Mal, des Gentarmes contre les Voleurs. De même, le fait que le terrain de jeu soit situé, dans ce cas, sur Internet, là où les groupes que l'on nomme “Clans” se font la guerre comme les garçons d'autrefois dans l'arrière-cour, ne peut pas justifier l'alerte générale au sein du monde politique.Bien sûr, la violence ne vient pas du Web, et la communauté des Ego-Shooters se sent stigmatisée sans aucune raison.
C'est ainsi que les auteurs de “planetcs” ont lancé une pétition en ligne, avant tout pour représenter publiquement leur point de vue, du moins sur ce média [Internet], plus que dans l'espoir peu plausible de réussir à empêcher l'interdiction aux jeunes de leur jeu préféré, laquelle est prévue de toute façon. La thèse centrale de leur déclaration est qu'on ne joue absolument pas à “Counterstrike” “pour se délecter de la représentation de la violence”. Le jeu serait plutôt une “partie importante de l'organisation de leur temps libre”, encouragerait la “formation de communautés” ainsi que “la compréhension de différentes mentalités”.
Sur les forums de ces deux sites Web, on discute effectivement pour la première fois, non seulement au sujet des dernières versions du logiciel, mais aussi de la violence, dans le jeu comme dans la réalité. Bien que certaines contributions soient maladroites face à cette question inhabituellement abstraite, il serait insensé d'étouffer la discussion qui y a lieu avec une interdiction.
NIKLAUS HABLÜTZEL
niklaus@taz.de
Extraits significatifs
De cette manière, on réduirait les inhibitions à tuer. “D'abord, la compassion meurt, de sorte que le jeu peut devenir une réalité sanglante”, déclare la thérapeute [Elke] Ostbomk-Fischer. L'experte a critiqué la recherche actuelle sur les effets de ces jeux vidéo qu'elle estime dédramatisante et trompeuse. Elle sert pour la plupart les intérêts de l'industrie productrice [de ces jeux] et fournit de la recherche biaisée et complaisante. Ostbomk-Fischer conseille à tous les parents et pédagogues d'inspecter eux -mêmes le contenu de ces jeux avant l'achat.
[...]
En outre, les écoles devraient être enfin organisées de sorte que l'on donne autant de place à l'éducation de la personne qu'à la transmission du savoir, selon le communiqué de la fédération [de psychothérapeutes]. Ceci demanderait, en particulier chez les enfants à problème, une aide personnalisée et ancitipée plutôt que des mesures disciplinaires.
Extraits significatifs
Il n'empêche: lui aussi était joueur de jeux vidéo. Un adepte de “Counterstrike”, un jeu dans lequel deux équipes s'affrontent en endossant le rôle d'unités terroristes ou anti-terroristes. Les uns posent une bombe, les autres doivent la désamorcer. Et bien sûr, on fait feu, car pour atteindre le but, les membres de l'équipe adverse doivent être éliminés. Un Killerspiel ? Ou bien une version moderne du Gendarme et du Voleur ? Après Erfurt il n'existe plus, apparement, qu'une seule réponse possible. Le Chancelier Gerhard Schröder et son concurrent Edmund Stoiber sont d'accord, pour une fois, quand ils réclament l'interdiction des “Killerspiele” et des “vidéos violentes” et qu'ils fournissent aux médias la matière qui permet de fabriquer des campagnes.
[...]
Cette information venait de la part de ses camarades, et ceux-ci le savent probablement bien mieux que les gens qui écrivent actuellement sur le sujet. Par exemple, le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a écrit que dans le jeu dont on parle, il faut tuer tous types de personnes, allant des policiers jusqu'aux écolières, sans oublier les simples passants, avant que l'on soit touché soi-même, et le Bild-Zeitung a montré à ce sujet la capture d'écran d'un homme ensanglanté auquel un tir a arraché un bras. Dans “Counterstrike” il n'existe évidemment, ni passant, ni écolière. La scène du bras arraché n'apparaît pas non plus. Les personnages touchés disparaissent tout simplement. La capture d'écran qui a été prise provenaitt d'un autre jeu; le véritable “Counterstrike” n'étant visiblement pas assez gore.
[...]
C'est aussi pour cela que Wolfgang Sofsky, sociologue à Göttingen, ne voit pas dans l'Amoklauf d'Erfurt l'oeuvre d'un joueur de jeux vidéo qui aurait pété les plombs. “Le tueur avait besoin d'éprouver un sentiment de triomphe. Il voulait enfin, pour une fois, avoir le dessus. Les explications que l'on donne à présent n'ont pas de substance. Chacun y pioche ce qui l'a toujours dérangé jusque-là : vidéos violentes, jeux vidéo...” Les Amoklaufs existaient bien avant les vidéos gore. L'homme est par essence dangereux.
Extraits significatifs
[NdT : le lien d'origine (une photo d'un article imprimé) n'était pas accessible jusqu'à une certaine date. La traduction arrivera sous peu)]
Remarques du site conter-strike.de
Pile au moment où on pensait enfin être à l'abri de reportages aussi ratés – cet article tombe complètement à côté de la plaque. Manifestement, l'auteur n'a toujours pas compris que chez CS il ne s'agit absolument pas de tuer des professeurs ou des écolières, et encore moins de tuer quiconque de façon particulièrement brutale, comme l'a déjà constaté le BpjM. Les réactions de la direction scolaire [NdT : probablement à Munich, où officiaient Werner Hopf et Rudolf Hänsel que les lecteurs de Gaming Since 198X connaissent bien] permettent de conclure qu'elle non plus n'a aucune idée de ce qu'est CS, et qu'elle a été intoxiquée par les fausses informations des médias. C'est fort regrettable pour des pédagogues diplômés. Le terme “irruption” ["aufgetaucht"] utilisé dans ce contexte fait croire que ce jeu immonde serait stigmatisé, interdit et indésirable – ce qui donne une impression fatalement fausse, car le BpjM, qui n'est pourtant pas un modèle de libéralisme, a considéré que CS ne nécessitait pas une indexation. Au final, un article polémique et totalement inexact.
Extraits significatifs (article complet disponible ici en version originale)
Par ailleurs, les fournisseurs d'accès Internet tels que AOL ou T-Online doivent être invités – ainsi que les producteurs de jeux vidéo. Gerhard Schröder a laissé entendre aux participants qu'on organiserait éventuellement une rencontre à part pour les producteurs de jeux vidéo. Il n'y a pas eu de consensus. L'un des participants a même affirmé qu'il ne souhaiterait pas s'asseoir à la même table que “de tels criminels”, d'après ce qu'a rapporté Jürgen Doets, le Président de l'Association des Diffuseurs Privés de Radio et de Télévision, à SPIEGEL ONLINE. Toutefois, Doetz lui-même ne partage pas cette opinion.
Texte intégral (version originale disponible ici)
Comme “Counter-Strike” en temps réel
A propos du déroulement et du contexte du massacre scolaire d'Erfurt
Cent mille personnes sont venues le 3 mai à Erfurt en guise de commémoration. Une telle manifestation de consternation signifie également que nos concitoyens attendent et exigent, de la part des représentants du peuple, des mesures qui aident à empêcher des catastrophes similaires de se produire à l'avenir. Notre reportage montre pourquoi une interdiction rigoureuse des Killerspiele tels que “Counterstrike” va être nécessaire, même si elle ne sera certainement pas suffisante.
Le 26 avril, Robert Steinhäuser, âgé de 19 ans, a tué, dans les murs de son ancienne école, le Lycée Gutenberg d'Erfurt, une douzaine de professeurs (hommes et femmes) ainsi qu'une secrétaire, deux écolières, et un policier, pour finir par lui-même. Il paraît qu'une dizaine d'autres professeurs sont à l'hôpital pour des blessures causées par des coups de feu. Comme des témoins oculaires racontent que deux personnes masquées auraient fait irruption dans l'école , la Police a d'abord songé à deux auteurs, puis à un seul.
L'acte a été plusieurs fois appelé “Amoklauf” dans les médias, ce qui est inapproprié. Un Amokläufer tire sauvagement autour de lui, sous le coup de l'émotion. En revanche, Steinhäuser tirait avec précision et selon un plan établi au préalable. Il semble que le jeu “Counterstrike”, auquel Robert aurait joué de manière répétée pendant des heures selon les dires de ses camarades, ait eu un rôle majeur dans ses prépraratifs.
Dans ce jeu, le terrorisme et l'antiterrorisme sont “simulés en temps réel”. Selon les producteurs, l'entreprise Sierra Entertainement, il s'agit du jeu vidéo en ligne le plus joué au monde; à tout moment, 500 000 joueurs seraient connectés. Les joueurs adoptent, soit le rôle d'un combattant antiterroriste en libérant des otages, soit le rôle d'un terroriste preneur d'otages. Dans ce jeu, au cours du combat, on occupe également des bâtiments et on fait exploser des véhicules. L'arsenal et l'approvisionnement en munitions sont énormes, et doivent constamment être renouvelés pendant le jeu.
Apparemment, “Counterstrike” fournissait idées et entraînement pour l'acte de Steinhäuser. Dans ce jeu, un policier, un passant et une écolière sont tués, avant que l'auteur de l'attentat se tue lui-même. Le tueur conserve les munitions – la police a trouvé dans l'appartement de Steinhäuser une centaine de cartouches de munitions. Il va faire sa sortie meutrière équipé d'armes primaires et secondaires – tout comme Steinhäuser qui, armé d'un fusil à pompe et d'un pistolet, et masqué comme les personnages du jeu “Counterstrike”, a fait irruption dans son ancienne école.
Dans le guide stratégique de “Counterstrike”, le vendeur du jeu amazon.com recommande, lorsqu'on tue des VIP (en anglais, Very Important Persons, c'est-à-dire des célébrités) de penser à des personnes qu'on n'aime pas. Il semble que pour Robert Steinhäuser, ces personnes étaient ses professeurs.
Malgré tout le professeur d'art et d'histoire [Rainer] Heise réussit à arrêter cette sortie meurtrière en s'adressant au tueur. Quand celui-ci se trouve sans masque face à lui, il l'appelle avec son nom, “Robert !” et dit : “Voilà, maintenant tu peux me tuer aussi, mais regarde-moi dans les yeux !”. Mais tout à coup, Robert n'en avait plus envie : “ça suffit pour aujourd'hui, Monsieur Heise”, dit-il, comme un enfant quand il veut terminer le jeu et éteindre l'ordinateur. Heise invite Robert à une conversation dans la salle de dessin vide, il lui cède le passage, toutefois il ne le suit pas dans la pièce, mais l'enferme à clé. Robert se donne la mort.
Le parallèle avec le massacre scolaire de Littleton (Colorado) en avril 1999, pendant lequel 12 élèves et un professeur ont été tués, est saisissant. A l'époque, les deux tueurs s'étaient préparés pour leur forfait, entre autres, à l'aide du jeu “Doom”, dans lequel ils avaient programmé et reconstitué leur école. “Doom” est un soi-disant “Ego-Shooter”, tout comme Counterstrike, et a été utilisé dans sa version originale comme simulateur de meurtre servant à entraîner les militaires et policiers américains, avant qu'il n'arrive sur le marché. Les soldats et policiers s'y entraînaient à tirer avec précision et du premier coup, dans un état de situation critique, afin que l'adversaire ne puisse pas prendre les devants. Sur le plan psychologique, cet entraînement réduit le seuil d'inhibition à tuer ses semblables qui est innée chez l'être humain. Cet effet augmente en parallèle avec le perfectionnement technologique, à tel point que le pratiquant ou le joueur a l'impression qu'il tire pour de vrai. Le 29 avril, le Président de l'Association des Psychologues Allemands Uwe Wetter a lui aussi signalé cet effet fondamental des jeux vidéo. Les massacres scolaires de Littleton et Erfurt montrent, parmi tant d'autres, à quel point on peut apprendre à tuer de cette façon, et il faut ajouter que pour Erfurt le tueur s'était entraîné dans un club de tir.
Rien que cet effet psychologique produit par de tels Killerspiele, la réduction de l'inhibition naturelle à tuer, est une raison suffisante pour interdire rigoureusement ce genre de jeux, et pour demander des comptes à leurs producteurs. Comme de tels jeux n'ont circulé que durant ces 20 dernières années, à cause du développement de la technologie informatique, il faut réfléchir à des mesures juridiques efficaces et appropriées, et les mettre en route de toute urgence.
Les possibilités d'indexation et de confiscation de la part du BPjS sont malheureusement, complètement insuffisantes, comme le montre justement le cas de “Counterstrike”. Ce jeu vidéo est sur le marché depuis l'an dernier. Cependant ce ne sera que lors d'une réunion au milieu du mois de mai qu'on statuera sur une requête d'indexation (qui était rédigée longtemps avant le massacre d'Erfurt).
Il paraît que la version américaine de “Counterstrike” est indexée depuis longtemps. Cependant, l'indexation signifie seulement ceci : interdiction pour les jeunes en-dessous de 18 ans. Qui garantit que cette interdiction est respectée ? Les médias indexés possèdent eux aussi le soi-disant privilège éducatif. A savoir que si des adultes consomment des médias indexés au côté de leurs enfants, ils ne peuvent pas – sauf dans des cas extrêmes – être poursuivis en justice (voir Jugendmedienschutz und Internet [NdT: Littéralement : “Protection des jeunes face aux médias et à Internet], publié par la Förderverein für Jugend- und Sozialarbeit, 1998). Il n'y a pas d'autre choix que de créer de nouvelles mesures juridiques contre les Killerspiele les plus connus et leurs producteurs.
Autres facteurs
Les mauvaises influences auxquelles le jeune tueur d'Erfurt Robert Steinhäuser était exposé volontairement ou non sont multiples. Ainsi, la Police a trouvé dans sa chambre, aux côtés de divers jeux vidéo violents, un CD contenant ce qui semblait être la chanson préférée de Robert, titrée “Shoot down your naughty teachers with a pumpgun” ("Descends tes sales professeurs avec un fusil à pompe"). On pense qu'il a fréquenté des groupes sataniques. Il semble également qu'il était fan du groupe Hardcore Slipknot. Slipknot est un groupe de Death-Metal brutal qui chante la tuerie et le meurtre prémédités, et selon leurs propres informations (voir sur Internet : Slipknotnews), ils sont en bons termes avec le monde du Porno. Sur scène, les membres du groupe se produisent masqués et habillés à la manière de films d'horreur. Le groupe peut également être vu sur la chaîne musicale MTV et il a produit entre autre une vidéo musicale contenant des extraits du film d'horreur Resident Evil. “Le Mal véritable ne meurt jamais”, telle est la devise du membre du groupe Paul Gray, dans une interview du 3 avril. Le caractère satanique de ce groupe n'est donc en aucun cas une usurpation.
Afin de prévenir tout malentendu : les influences “culturelles” présentées ici ne sont certainement pas les seules responsables de la tragédie scolaire d'Erfurt. Il y a d'autres facteurs à prendre en compte. Le foyer de Robert était-il aussi “intègre” qu'on l'a dit dans la plupart des médias ? On ne peut pas en juger sur la seule base de reportages journalistiques. Il semble pour le moins assez clair que son échec scolaire a été un déclencheur essentiel dans l'acte de Robert Steinhäuser. La non-réussite à un diplôme scolaire, en temps de crise économique et de chômage élevé, représente certainement un motif de désespoir pour beaucoup de gens, car l'avenir personnel semble être barré de façon définitive.
Mais tout ceci ne nous dispense pas de changer quelque chose dans la culture, les médias et les jeux, avec lesquels nous laissons grandir nos enfants, et qui causent chez eux des dégâts psychiques (potentiellement irréparables) jour après jour.
Angelika Steinschulte
Extraits significatifs (texte intégral en français disponible ici)
Comment les jeux vidéos apprennent à nos enfants à tuer
(Interview de l’officier américain Dave A. Grossman)
Dave Grossman: Prenons le cas d’Erfurt. Le jeune homme jouait constamment au counterstrike qui consiste à tuer quelqu’un d’une manière particulière: plus on s’approche de la personne, mieux on l’atteint. C’est ce que le meurtrier d’Erfurt a appris à faire. Il fréquentait certes un club de tir mais ne passait pas beaucoup de temps au stand de tir. Cependant, grâce au jeu, il s’entraînait par l’imagination à aller droit vers quelqu’un, à lui braquer un pistolet en plein visage et à appuyer plusieurs fois sur la gâchette. La police d’Erfurt a rapporté que certaines victimes n’étaient plus identifiables tellement elles étaient défigurées. Cela prouve bien que le jeune homme s’était entraîné.
On reconnaît là l’entraînement militaire au combat rapproché. Il faut savoir que l’armée américaine utilise ces jeux (classés dans la catégorie P13, qui signifie: à partir de 13 ans et en compagnie d’un adulte) pour entraîner les jeunes gens à tuer virtuellement des personnes. Or maintenant, on s’aperçoit que des jeux de ce genre, mais beaucoup plus réalistes, plus violents et plus destructeurs sont offerts sans discernement aux enfants! Imaginez la dureté de coeur et la brutalité qu’il faut avoir pour tirer plusieurs fois dans le visage de quelqu’un.
[...]
Même les nazis ne pouvaient être amenés à tirer dans le visage des humains. Les tueurs de la Mafia non plus: ils les tournent et leur tirent sur l’occiput pour ne pas avoir à les regarder. Dans les jeux vidéos, le tueur doit regarder ses victimes dans les yeux. Le seul moyen d’y arriver est de s’entraîner et de se rendre insensible à la souffrance d’autrui. Le meurtrier d’Erfurt l’avait fait déjà des milliers de fois: la tête des victimes éclate, elles gémissent, sont prises de convulsions, elles saignent et le joueur est récompensé!
[...]
En Allemagne, en Autriche, pendant toute la Première Guerre mondiale, dans l’entre-deux-guerres et pendant la Seconde Guerre mondiale, il y avait des centaines de jeunes gens qui possédaient des armes de poing, des Mauser, des Luger, des Walther – mais aucun n’a commis de massacre comme celui d’Erfurt. Il doit y avoir un nouvel «ingrédient». Les armes ne sont qu’une variable de l’équation. Nous savons bien que si les enfants veulent avoir accès à des armes, ils y arriveront! Si un criminel veut se procurer des drogues, il y parviendra, ce qui ne veut pas dire que les drogues ne doivent pas être illégales. On a besoin de trois choses pour tuer quelqu’un: une arme, un savoir-faire et la volonté de tuer. Les jeux vidéos en fournissent deux.
Remarques additionnelles (Shane_Fenton):
La revue de presse d'origine proposait, pour chaque article de presse, la publication d'extraits significatifs, ainsi que des remarques du site counter-strike.de. Le plus souvent, il s'agissait pour eux de réfuter les pires énormités, comme par exemple la possibilité de tuer des écolières dans Counter-Strike (ou dans des cas plus rares, de féliciter l'article pour ne pas avoir raconté n'importe quoi). Comme je m'adresse à un public qui sait ce qu'on peut faire ou pas dans Counter-Strike, et qui sait également que ce jeu n'a pas provoqué la fin du monde, j'ai préféré ignorer ces remarques et réfutations pour me concentrer sur la traduction des extraits d'articles de presse, qui à mon sens, parlent d'eux-mêmes. J'ai également rajouté trois traduction "bonus" d'articles qui n'étaient pas présents dans la revue de presse, mais qui néanmoins sont en rapport avec le sujet. A savoir : la mise en cause de Counter-Strike et des jeux "violents dans la tuerie d'Erfurt.
En ce qui concerne les détails de la traduction, comme à mon habitude, c'est mon ami allemand Stefan qui s'est occupé de traduire l'essentiel de la phrase, et je me suis débrouillé pour la reformuler, le cas échéant, en "bon français" en gardant bien sûr les mots et le sens d'origine (et comme à mon habitude, j'ai laissé tels quels les termes typiquement allemands comme "Ego-Shooter", "Killerspiele" et "Amoklauf", voire "Amokläufer" (littéralement, "auteur d'Amoklauf") sauf dans quelques cas précis). Le travail demandé pour traduire cette grosse archive, même amputée des remarques de counter-strike.de, a été colossal : 27 pages au format Word, plusieurs séances nocturnes pour un total d'une vingtaine d'heures environ, afin d'en venir à bout. Et à l'arrivée, un document de première main sur les origines du "Killerspieldebatte" en Allemagne, le lynchage médiatique de Counter-Strike, et le traitement du jeu vidéo par la presse généraliste d'il y a 15 ans.
Cette revue de presse a l'avantage de l'exhaustivité : on y trouve pêle-mêle des dépêches d'agence, des grands quotidiens nationaux, des tabloïds, des newsmagazines, des quotidiens régionaux, et des magazines purement online (qui en général contenaient moins d'énormités que la presse papier, en tout cas à l'époque). Sur le contenu, que peut-on dire ? Plutôt que d'insister à nouveau sur les insanités qui ont tourné en boucle pendant des semaines (encore une fois, les extraits d'articles parlent d'eux-mêmes), je me contenterai de deux remarques.
La première concerne le fait que le tueur d'Erfurt ne jouait pas à Counter-Strike. En 2004, la Commission Gutenberg, chargée d'enquêter sur le massacre, a rendu son rapport. Celui-ci indique qu'on a retrouvé parmi les affaires du tueur un certain nombre de jeux vidéo, dont beaucoup de FPS (Return to Castle Wolfenstein, Half-Life, Quake III : Arena, Medal of Honor et Soldier of Fortune)... mais pas Counter-Strike. Il indique également que selon les témoignages de ses quelques amis, Robert Steinhäuser ne jouait pas effectivement pas à ce jeu parce qu'il ne l'intéressait pas, et qu'il lui préférait de loin Soldier of Fortune.
Cela signifie, en d'autres termes, que le déclencheur de toute cette hystérie politico-médiatique qu'on a appelée "Killerspieldebatte" et qui a duré des années, était basée non seulement sur de fausses informations à propos du contenu du jeu, mais aussi sur de fausses informations à propos de l'implication du jeu, ou plutôt de la non-implication du jeu puisqu'elle s'est avérée être nulle. Cela signifie également que Counter-Strike est devenu le symbole de la violence vidéoludique, le "Killerspiel" par excellence, le jeu qui a été le premier (en Allemagne en tout cas) à devoir subir l'amalgame avec les tueries de masse de type "Amoklauf"... tout ça à cause d'une association infondée avec un Amokläufer qui n'y jouait même pas.
Le plus ironique dans cette affaire, c'est que pendant qu'on a déclenché contreCounter-Strike une campagne de calomnie sans précédent, on a laissé tranquille Soldier of Fortune, alors qu'il aurait été beaucoup plus compliqué d'aller défendre un tel jeu. La violence y était plus bien plus réaliste et plus glauque, au point qu'elle mettait mal à l'aise y compris certains membres de la presse vidéoludique elle-même (voir ce qu'en disait Joystick à l'époque). Le jeu était indexé en Allemagne précisément pour cette raison. Et surtout, le tueur d'Erfurt y jouait précisément pour cette raison. Mais non ! Pas assez connu, sans doute. Alors on a préféré raconter n'importe quoi sur le plus populaire Counter-Strike. Et comme on peut s'en douter, quand le rapport de la Commission Gutenberg a établi qu'il n'était pas dans la liste des jeux de prédilection de Robert Steinhäuser, il n'y a pas eu grand-monde pour faire son mea culpa. Au contraire, l'hystérie anti-CS a repris de plus belle avec les fusillades d'Emsdetten (2006), de Winnenden (2009), et dans une moindre mesure, de Munich (2016).
La deuxième remarque concerne ce lynchage médiatique en tant que point de départ du "Killerspieldebatte". On conviendra qu'on ne pouvait pas trouver pire fondation pour un "débat. Et pourtant, il est vrai qu'on a eu droit, par moments, à quelque chose qui y ressemblait puisque comme le montre la revue de presse, la parole des joueurs a été prise en compte. Parfois avec condescendance ou avec hostilité. Souvent pour en faire les antagonistes d'une espèce de match de catch avec les politiciens ou psychologues qui réclamaient l'interdiction des jeux violents. Mais ils ont tout de même eu droit à la parole. Et cela a probablement pesé sur la décision du BPjM de ne pas indexer Counter-Strike, au grand dam de nombreuses personnalités politiques. Mais si les instances de régulation ont gardé la tête froide,le mal était fait, et il a empiré à chaque Amoklauf. D'un côté, pendant des années, le jeu vidéo n'a été abordé par les médias généralistes que sous le prisme du scandale et du sensationnel (il n'y a qu'à voir les reportages télévisés de Frontal 21 et de Panorama pour s'en rendre compte). De l'autre, il n'a été abordé par la classe politique que sous l'angle de la violence et de son interdiction (voir le projet d'interdiction de production et de distribution des "Killerspiele" sous peine de prison).
Toutefois, si l'image du jeu vidéo auprès du grand public a été désastreuse pendant toutes ces années, dans le même temps, l'image de la classe politique et des médias généralistes auprès des joueurs a été tout aussi désastreuse. Les répercussions sont multiples, et elles se font sentir encore aujourd'hui. Pour ma part je n'en retiendrai qu'une : quand on lit cette revue de presse, on voit sur quelles bases vérolées le "Killerspieldebatte" a commencé en Allemagne. Et à présent qu'il est à l'agonie, on devine pourquoi presque personne n'a envie de le voir ressurgir. On comprend également, dût-on le déplorer, pourquoi une bonne partie des joueurs n'a plus envie d'entendre parler de "débat" sur la violence vidéoludique, ou sur n'importe quel sujet un tantinet controversé concernant le jeu vidéo.
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