Genre: Action-RPG • Editeur: SquareEnix • Date de sortie: 28 mars 2017
Kingdom Hearts Final Mix
Par kwyxz • le 27/8/2024 • À la une, Nintendo Switch, PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Tests & previews, Xbox One, Xbox Series • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •Vingt-deux ans. C’est le temps qu’il m’aura fallu pour enfin m’attaquer à un titre qui a depuis connu moultes suites, préquelles, et oeuvres dérivées. Un scénario réputé complexe pour nombre de joueurs s’y étant frotté. Pourtant, l’idée de mêler les univers des légendes de l’animation Disney et ceux des mythiques Final Fantasy, si elle n’est pas forcément évidente, ne se prête pas de prime abord à une histoire farouchement confuse. Et pourtant.
Riku ou la belle vie
La vie est belle sur les petites îles de la Destinée. Trois amis d’enfance, Sora, Riku et Kairi s’y trouvent toutefois à l’étroit et rêvent de voyages et d’ailleurs. Pour tenter d’échapper à leur monotone quotidien, ils construisent un radeau en vue de voguer sur les océans mais la veille du départ prévu, tout bascule : des monstres nommés les Heartless (« Sans-coeur ») attaquent ce petit coin de paradis, les trois amis sont séparés, les îlots sont engloutis dans leur quasi totalité, et la population avec. Population dont il ne sera plus jamais question par la suite, ce qui inclut les parents de Sora, dont il n’a manifestement rien à secouer, tout occupé qu’il est à essayer de sauver sa petite copine et son connard de pote qui, lui, a sombré immédiatement du côté obscur. Faites des gosses. De leur côté, les hérauts Donald et Dingo se retrouvent fort dépourvus en raison de la disparition subite de leur Roi Mickey. La Reine Minnie ainsi que la courtisane Daisy les envoient prestement à sa recherche, plus précisément à la recherche du porteur de la Keyblade, une arme légendaire en forme de clé géante. Coup de théâtre, c’est Sora qui vient d’en hériter, ce qui va pousser ces trois à faire équipe pour la suite de l’aventure.
Nos compères se retrouvent à Traverse Town, sorte de hub pas vraiment central dans lequel se trouvent les seules et uniques boutiques non seulement d’équipement mais aussi d’objets, qu’il s’agisse de potions de soin, d’ethers ou autres accessoires. Traverse Town est elle aussi infestée par les Heartless et il conviendra d’en débarasser chaque quartier autant que faire se peut afin de voir les différents bâtiments déverrouiller leurs portes. C’est aussi à Traverse Town qu’est garé le Gummi Ship, vaisseau permettant à l’origine à Donald et Dingo de se déplacer de royaume en royaume, entièrement modifiable et reconstructible à coups de blocs à mi-chemin entre les Duplo et les Kapla. Notre fine équipe de héros va vite découvrir que chaque royaume est en proie à la corruption des Heartless et nombre d’entre eux ont vu leur princesse attitrée se faire enlever, comme le veut le tradition. L’objectif des protagonistes est dès lors de découvrir le trou de serrure caché dans chacun des mondes, et le fermer à l’aide de la Keyblade afin de faire cesser l’invasion des Heartless et trouver l’endroit où sont emprisonnées les princesses.
Roulade, parade, contre ? On s’en fout, appuie sur croix
Bien que mettant en scène une foultitude de personnages issus de Final Fantasy (mais uniquement à partir du septième épisode, soit le premier de la franchise sur lequel Tetsuya Nomura était lead designer) le système de combat n’est pas au tour par tour mais bien en temps réel : Kingdom Hearts est un A-RPG dans le genre de la série Seiken Densetsu dont il reprend également le caractère approximatif des collisions. C’est l’un de mes principaux griefs avec le titre d’ailleurs : les escarmouches ne sont vraiment pas plaisantes malgré les améliorations de cette version Final Mix, les contacts sont terriblement brouillons, les coups n’ont pas un feeling vraiment satisfaisant, et c’est parfois un tel bordel à l’écran qu’il est difficile de lire ce que prévoient les ennemis et d’utiliser efficacement la parade ou le contre. De fait il est la plupart du temps plus efficace de se contenter d’utiliser la roulade même si cela signifie prendre le risque de valdinguer n’importe où (et dans le Hollow Bastion, parfois, tomber dans le vide signifie devoir se retaper la quasi intégralité d’un donjon dans lequel les ennemis auront réapparu…). Les combats sont donc assez peu plaisants et se résument souvent à du simple bourrinage, on tabasse le bouton en espérant que ça passe. Pire, le ciblage des ennemis, quelque chose que l’on pensait maîtrisé depuis Ocarina of Time, est lui aussi quelque peu défaillant. Au lieu de passer sur un autre ennemi une fois celui visé par la cible défait, cette dernière disparaît purement et simplement, obligeant à une nouvelle pression sur le bouton. Des problèmes amplifiés par de fréquents soucis de visibilité : si les caméras ont bel et bien vu leur comportement amélioré avec cette version (permettant de les manipuler via le stick droit et le bouton R3 au lieu des gâchettes) elles demeurent bien trop souvent aux fraises, allant se planter derrière un élément de décor ou un ennemi un peu gros. Quoi qu’il arrive, il est systématiquement plus efficace de bourriner comme un demeuré que de tenter la moindre approche fine à base d’esquive, contre, parade, et autres galéjades. J’ai ainsi passé plus de quatre heures à suer sang et eau contre un boss en particulier en essayant d’invoquer mes meilleurs réflexes de Sekiro, finalement en désespoir de cause il a été bien plus radical de juste lui rentrer dedans sans tenter d’esquiver le moindre coup d’estoc.
En parlant de suer, difficile de ne pas parler d’un des principaux problèmes du jeu : un équilibrage à la zob comme je n’en avais pas vu depuis longtemps. Si la plupart des pérégrinations se font sans le moindre problème, il arrive parfois qu’un passage en particulier, et le plus souvent un boss, se trouve être abominablement difficile. Il est alors nécessaire de passer quelques heures à farmer des points d’expérience puisque, une fois de plus, l’approche subtile étant moins efficace que le bourrinage, et la survie au bourrinage dépendant de l’expérience puisque vos acolytes ont la fâcheuse habitude de ne jamais vous soigner au bon moment et foutent en l’air tous vos consommables, le farming est de fait la meilleure méthode possible. Un farming simple mais rébarbatif : il n’est pas rare de se retrouver submergé d’ennemis puisque le jeu prend un malin plaisir à faire apparaître deux, trois, quatre, parfois cinq vagues d’ennemis dans une même pièce. Cette version Final Mix ayant eu la riche idée de rendre les coups assénés par le protagoniste 33% moins efficaces que dans le jeu d’origine sur PS2, on trouve vite le temps long et on se fera parfois surprendre par ces combats interminables et approximatifs, plus par lassitude que par réel challenge. De réels pics de difficulté surviennent néammoins : le premier est en général la rencontre avec Cerbère dans le monde d’Hercule, mais il y en aura d’autres. À l’inverse, il n’est pas rare de complètement démolir un boss venant immédiatement après un de ces pics de difficulté. Les derniers donjons notamment ne manquent pas d’exemples de boss que j’ai littéralement pulvérisés dès ma première tentative et sans le moindre effort, le Behemoth et Chernobog en tête, alors qu’ils viennent après d’autres bien, bien plus compliqués à appréhender.
Qui qui qui sont les Gummies
Les problèmes ne s’arrêtent pas là. Certains passages de plate-forme donnent envie de balancer la manette dans le mur tellement les sauts flottants sont imprécis. L’interface, antédiluvienne et franchement mal fichue, auraît largement mérité un petit rafraîchissement pour ce portage HD. Transférer des objets depuis le Stock vers les personnages est long et fastidieux. Le lock déjà évoqué n’est pas en reste et n’aide pas lors des combats bordéliques, mais que dire des accès rapides aux potions : disposés sur la croix de direction, ils imposent soit de lacher le stick et donc de devenir une cible immobile, soit d’opérer une dangereuse gymnastique avec la main droite. De toute façons, même avec les sorts de soin un peu plus intelligemment accessibles d’une pression sur le bouton L1, je ne compte plus le nombre de fois où je me suis fait buter en plein milieu de l’animation tellement celle-ci est longue (et Sora arrête de bouger immédiatement lorsqu’elle démarre).
Gardons le meilleur du pire pour la fin : les séquences en Gummi Ship sont abominables. D’une mollesse absolue, sans aucun enjeu intéressant autre que récupérer des pièces détachées de Gummi Ship, elles sont d’un ennui mortel et fort heureusement au bout de quelques heures de jeu, on fait l’acquisition d’un Warp Drive qui permet de directement retourner dans un lieu déjà visité et de ne plus jamais avoir à les rejouer. Ce qui n’est pas du luxe puisque, on l’a dit plus haut, les seules boutiques du jeu sont à Traverse Town, donc on y retourne sans arrêt. La première introduction avec le Gummi Ship inclut un didacticiel expliquant comment personnaliser son vaisseau, tellement chiant qu’il m’a fermement convaincu de ne jamais m’y risquer. Histoire d’être exhaustif, je l’ai quand même réouvert durant ma partie, avant d’abandonner dix minutes plus tard tellement le truc est mal fichu et imbitable. De toute façon, ça ne sert strictement à rien sauf si vous essayez de remplir les Gummi Objectives optionnels. Personnellement j’avais juste envie d’en finir tellement le jeu tout entier était devenu une interminable corvée. Apparemment le Gummi Ship est toujours présent dans les épisodes suivants, autant dire que je n’ai vraiment pas hâte.
Cette accumulation de problèmes et de moments rageants est d’autant plus dommage que si le scénario est inintéressant au possible, la réalisation ne manque pas d’allure : les graphismes sont jolis et colorés, ils retranscrivent vraiment bien les différents mondes visités (mention spéciale à de petits détails sympathiques comme les portraits des protagonistes qui s’adaptent lors de certaines transformations), la musique de Yoko Shimomura vraiment soignée et là encore extrêmement fidèle aux orchestrations des univers d’origine, les animations sont chouettes et c’est un vrai plaisir d’entendre Dingo et Donald parler avec leurs voix officielles. Mais quelle tannée manette en main. Quelle tannée. On comprend mieux pourquoi la moitié des épisodes inclus dans le bundle The Story So Far… sont sous forme de cinématiques non-jouables.
Vendu comme un croisement improbable entre les univers de Disney et ceux de Final Fantasy, Kingdom Hearts ne manque pas d'allure, de charme ni de références mais pèche sérieusement par son game design. Combats brouillons et approximatifs, murs de difficulté récurrents suivis de passages d'une simplicité désarmante, l'aventure est une accumulation de moments frustrants et de détails pénibles qui ont fait de ce jeu une véritable épreuve pour le fan que je suis. Le conte de fées promis relevait en fait du roman de Bernard Henri-Lévy.