No comment (enfin presque)
Par Shane Fenton • le 1/4/2008 • Entre nous •J’ai pourtant l’habitude d’écrire des tartines sur tout et n’importe quoi. Mais là, désolé, je ne peux pas, je suis à court.
Il s’agit d’une annonce parue sur le site britannique StarNow qui ne pouvait qu’être reprise par les sites de jeux vidéo tellement elle est énorme. Pour les non anglophones, voici une traduction maison :
« Les jeux vidéo vous ont-ils poussé à embrasser le crime ?
Un journal national veut entendre votre histoire et paiera des centaines de livres Sterling à la bonne personne.
Ecrivez quelques lignes sur la façon dont les jeux vidéo vous ont poussé au crime et si c’est quelque chose qui nous plait, nous vous rappellerons immédiatement.
Critères : hommes et femmes âgés de 0 à 60 ans. »
Effectivement, ce texte se passe de commentaires…
Post-Scripum : Bon, je vais quand même écrire quelques lignes sur le contexte : jeudi dernier, la psychologue britannique Tanya Byron a publié un rapport qui est censé faire le point sur les jeux vidéo et internet : effets positifs et négatifs, état de la recherche, de la législation et des pratiques de l’industrie, recommandations, etc. Ce rapport, commandité en octobre dernier par le Premier Ministre Gordon Brown, était attendu depuis longtemps par tous les acteurs concernés : hommes politiques, industriels, journalistes généralistes ou spécialisés, joueurs… Il y a d’abord eu un appel à contributions ouvert à tout le monde jusqu’en décembre (j’en ai été, soit dit en passant), suivi par des mois de rumeurs et de spéculations. Et maintenant, ça y est, il est publié, et il fait la une.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce rapport de plus de 200 pages, mais ce n’est pas le sujet de ce post. Je me bornerai à dire que pour ce que j’en ai lu, je l’ai trouvé tout à fait « objectif » et honnête : la voix de chacun a été prise en compte, et le Docteur s’est gardé de tout alarmisme. D’ailleurs, le rapport est plutôt bien accueilli par les éditeurs comme par les joueurs qui l’ont lu. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est son « interprétation » par la presse généraliste, en particulier britannique. En témoigne deux articles ultra-racoleurs du Times (mais fallait-il en attendre davantage d’un quotidien possédé par Rupert Murdoch qui est coutumier du fait ? Pour la bonne bouche, allez également ici et là, ou encore là). Le premier article parle pour les boîtiers de jeux d’avertissments comparables à ceux des paquets de cigarettes, alors que le Docteur Byron n’a jamais proposé ni suggéré une chose pareille. Le deuxième article aurait pu être un peu mieux, mais vers la fin, il mentionne quelques chiffres de l’industrie britannique du jeu vidéo avec comme sous-titre « argent sale », et il propose quelques « tests de jeux » avec comme par hasard des scènes les plus glauques hors de tout contexte (à supposer qu’elles existent vraiment).
Bref, il est fort possible que l’annonce dont je parle plus haut soit en rapport avec la médiatisation très tendancieuse (pour ne pas dire mensongère) du rapport Byron.
Cela dit, il est aussi possible que ce soit un poisson d’avril. Mais j’en doute.
Tags: jeux violents, presse de caniveau, racolage, sensationnalisme, tabloid, violenceShane Fenton est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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Mise à jour : l’annonce de StarNow (qui est valable jusqu’au 1er mai) contient la mention suivante :
« Important: pour être retenue, votre histoire ne doit pas vous incriminer, ni vous, ni qui que ce soit d’autre ».
De plus, le critère de sélection est dorénavant le suivant : l’auteur(e) de l’histoire doit être un(e) personne résidant en Grande-Bretagne, âgé(e) de 18 à 60 ans (et non plus de 0 à 60 ans).
Pour le reste, l’annonce ne change pas : il s’agit toujours de payer grassement la « meilleure » histoire sur une personne « poussée au crime par les jeux vidéo ».
Une histoire de crime qui n’incrimine personne ?
Je suis plongé dans des abîmes de perplexité.
Personne ne doit être incriminé, effectivement. Seuls « les jeux vidéo » doivent l’être, parce que c’est tout ce qui intéresse le journal. En tout cas, c’est ce que je comprends du texte original : « To take part, your story must not incriminate yourself or any other person. »