On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

PC-FX (NEC): der Untergang

Par • le 29/5/2013 • Entre nous, Les consoles que tu ne connais pas (ou très mal)

Alors que le grand public n’avait d’yeux que pour la baston Sega / Nintendo, tandis qu’Atari et Amiga trustaient les discussions des joueurs sur micro, une petite machine commença à faire son trou et se tailler une belle réputation : la PC Engine de NEC, sortie au Japon dès 1987. Recarrossée en CoreGrafx, elle se verra adjoindre un lecteur de CD-ROM, de multiples redesigns, et une petite sœur mal-aimée mais rétrocompatible, la SuperGrafx. Suite à ce succès, dès 1990 une console de nouvelle génération est à l’étude…

Des débuts pleins d’espoir

Tetsujin, le monstre

Inventeur du format HuCard, développeur de gigantesque hits de la PC Engine (les séries Bomberman, Neutopia, Star Soldier et enfin PC Kid, excusez du peu), l’éditeur Hudson est étroitement lié au succès de la PC-Engine et lorsque les premières ébauches d’une nouvelle machine nommée « Tetsujin » (homme de fer) apparaissent, c’est tout naturellement NEC qui est invité à collaborer. En 1992, l’idée d’une console 32 bits vend du rêve à n’importe quel joueur : la Megadrive peine à convaincre au Japon et la Super Famicom vient de sortir, mais l’idée d’un hardware encore bien plus puissant suffit à faire saliver. À ce titre, les specs données par Hudson et NEC font le boulot. À l’époque la bête ne ressemble qu’à une grosse carte mère (équipée du processeur HuC62320 qui donne son nom au projet) sur laquelle est branchée une manette de CoreGrafx mais les premières démo techniques sont prometteuses et en mettent plein la vue : morphing de visages, vidéos plein écran bien plus fluides que sur Super CD-ROM², et surtout une sorte de shoot’em up en 3D faces pleines rappelant StarFox. L’avenir s’annonce donc radieux même si d’autres consoles annoncées comme surpuissantes pointent le bout de leur nez : la 3DO et la Jaguar d’Atari…

Un retour sur Terre nécessaire

Début 1994, patatras ! Voilà que l’architecture de la machine avait changé du tout au tout. Le HuC62320 de Hudson est remplacé par un chip de NEC, le V810. Celui-ci est non seulement incontestablement meilleur en gestion 2D mais également moins cher à produire, sauf qu’il a un contrecoup important : il est complètement nul en 3D. Quelles sont les raisons de ce revirement, alors que les dernières présentations avaient mis l’accent sur les capacités de la machine à ce sujet ?

Lords of Thunder FX Star Soldier FX
Lords of Thunder FX et Star Soldier FX, des jeux vantés pour leur 3D et qui ne sortiront jamais

Le développement de la machine prend du retard, la Saturn et la PlayStation pointent le bout de leur nez, leurs caractéristiques sont impressionanntes et il est impératif pour NEC de pouvoir sortir leur nouvelle console au plus vite. De plus, les onéreuses Jaguar et 3DO s’étant rétamées, le constructeur japonais comprend rapidement qu’une console trop chère serait synonyme d’échec. Il fait donc le choix d’employer des composants moins onéreux, laissant la PC-FX abordable, quitte à en faire une console d’appoint que les joueurs posséderaient en plus de la Playstation, Saturn ou la future Ultra-64 de Nintendo. En virant la 3D et en se repositionnant sur la FMV (Full Motion Video), NEC espère réduire ses coûts, ses délais, et surtout occuper un marché « séparé » de celui des autres mastodontes, lui permettant de subsister comme il l’avait fait par le passé. La PC-Engine et son CD-ROM avaient déjà un pied dans l’univers du « Multimédia », terme très en vogue à l’époque, et viser ce marché directement n’est pas aberrant. NEC ne cherche pas à directement affronter les autres constructeurs, une position de niche lui convenant très bien, et ce en se concentrant uniquement sur le marché Japonais depuis l’échec cuisant de la PC Engine (rebaptisée Turbographx) aux USA.

Y’a PC dans le nom, cette fois-ci c’est pas pour rien

Lorsque les premiers designs de la machine sont dévoilés, surprise : pour la première fois de l’histoire, une console adopte un format « tour » à la verticale, lui offrant un look très proche des ordinateurs personnels. Comme promis, la PC-FX cartonne en 2D, permettant d’utiliser une résolution jusqu’au 640×480 et une palette de seize millions de couleurs, permettant en hard des scrollings parallaxes sur 9 plans, offrant à l’instar de la Super Famicom des effets de rotation hard, zoom hard, distorsion, etc. Malheureusement, les développeurs n’utiliseront jamais la console à son plein potentiel, se contentant de modes graphiques plus restreints du genre 256×240 ou 341×240 (il n’y a pas de faute de frappe). Si pour des jeux dotés de sprites en 2D c’est tout juste supérieur au niveau d’une Super Famicom (dont la plupart des titres tournent en 256×224), la PC-FX excelle toutefois en matière de rendu de vidéos précalculées. L’un des titres les plus impressionnants, Battle Heat, est fait intégralement de séquences animées réagissant au doigt et à l’oeil aux sollicitations du joueur.

Bien évidemment, si visuellement le jeu en remontre aux quelques titres de baston de l’époque, Virtua Fighter et sa 3D faces pleines en tête, du point de vue du gameplay c’est une toute autre histoire… L’arnaque est encore plus totale avec la présentation de FX Fighter, un prototype de jeu de combat aux graphismes 3D plutôt bien fichus mais se révélant en fait intégralement fait de vidéos, exactement comme Battle Heat

…qui finalement ne sortira jamais. Les éditeurs japonais, très frileux à s’investir sur la machine, attendent de voir les chiffres de vente avant de planifier quoi que ce soit. Ils ne seront pas déçus.

Circulez, y’a rien à voir

La console, initialement présentée à la presse dès début 1992 rappellons-le, ne sortira finalement que le 23 décembre 1994. Évidemment, un redesign complet ne se fait pas en deux coups de cuiller à pot… mais la principale conséquence de ce retard est que la PC-FX sort finalement après la Saturn et la Playstation. Les bébés de Sega et Sony trustent dès lors les charts et les ventes de PC-FX sont tout simplement catastrophiques.

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Un beau design, une jolie manette. Ça ne suffira pas.

Le résultat ne se fait pas attendre : les éditeurs tiers continuent de bouder la machine, et les nouveaux jeux sortent au compte-goutte. La plupart des prototypes dévoilés jusqu’ici (FX Fighter donc, mais aussi un RPG dont le nom n’aura jamais été révélé) sont annulés. Sans surprise, NEC et Hudson se chargeront eux-mêmes de garnir la ludothèque dans un maximum de genres afin d’apporter une certaine variété.

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Team Innocent, un titre aventure / RPG
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Super God Trooper Zeroigar, un shoot sympa… pour de la PC Engine
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La série Dragon Knight, un classique Hentai-RPG des machines de NEC

Certains éditeurs déjà présents sur PC-Engine (Naxat, Pack In Video…) joueront, une fois de plus, la carte de la niche afin de tenter de profiter du manque de concurrence sur cette plateforme, mais les ventes ne décolleront jamais, la faute à un marketing quasi absent et probablement des ordres de la maison-mère de NEC de limiter les frais. Les capacités 2D de la machine lui offriront finalement un destin à la Marty, et ce seront de nombreux RPG Hentai et autres Photo CD érotiques qui finiront par constituer l’essentiel des dernières sorties de la console. NEC Home Entertainment, la division jeux vidéo de NEC, sera fermée, laissant Hudson Soft seul continuer son petit bonhomme de chemin et développer sur les hardwares des autres constructeurs. La PC-FX, quant à elle, sombrera lentement dans l’oubli.

est joueur depuis 1985. Multiplateformes, multigenres, souvent exigeant, parfois tatillon, mais jamais blasé.
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Un commentaire »

  1. Merci de m’avoir fait découvrir Battle Heat : j’ai l’impression que c’est ce qui se rapproche le plus d’un gameplay « fluide » pour un jeu utilisant la technologie de Dragon’s Lair et autres Road Blaster

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