Genre: Flou cinétique : le jeu • Editeur: Frictional Games • Date de sortie: 8 septembre 2010
Amnesia : The Dark Descent
Par Ragny • le 6/11/2010 • À la une, PC, Tests & previews • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •Il fut dit quelque part, j’ai la flemme de retrouver où et quand, que la peur est le sentiment le plus puissant de tous. La peur a cette drôle d’habitude de verser une bonne grosse dose d’adrénaline dans notre cerveau et a tendance à bloquer notre sens commun, ce qui explique sans doute pourquoi les jeunes blanc-becs ne peuvent pas s’empêcher de jouer au docteur dans la forêt hantée ou d’explorer la maison abandonnée du quartier ou de regarder des mauvais films avec des effets spéciaux tenus par trois ficelles de cuisine. Comme tout le monde, j’adore les films et les jeux d’horreur mais surtout j’adore à quel point ils veulent absolument être pris au sérieux avec leur sirop de maïs, leurs maquillages au concombre, leurs monstres en papier mâché et leurs actrices blondes. La dernière fois que j’ai été effrayé par une succession d’électrons dans un tube de verre, je devais avoir 4 ou 5 ans et ce fut en jouant le tout premier Prince of Persia, lorsqu’il fallait passer au travers de ces satanés bouches d’acier qui, à travers la puce sonore pourrie du premier ordinateur de mon père, semblaient me narguer.
Brrr… J’en tremble encore.
Mais depuis je ne me suis plus jamais paralysé devant un écran. Et pourtant c’est pas faute d’essayer. Doom 3, Bioshock, les Silent Hill, les Resident Evil, Dead Space, Project Zero, tous reposent sur mes étagères et pas un seul ne m’a cloué à mon siège (Silent Hill 2 a tout de même droit à une mention « assez bien » pour m’avoir fait légèrement frissonner). Donc quand j’ai entendu parler d’Amnesia : The Dark Descent, un jeu créé par le studio indépendant Frictional Games, qui serait le jeu le plus terrifiant qui soit, j’étais intrigué. C’est courant pour un gros blockbuster d’être surestimé, mais pour qu’un jeu indépendant captive la presse à ce point, il doit forcément être intéressant.
C’est exactement ce qui est marqué sur la boite
Le titre « Amnesia : The Dark Descent » encapsule tout ce dont vous avez besoin de savoir sur le scénario : vous êtes amnésique et vous devez vous enfoncer dans les ruines d’un vieux château prussien. Votre avatar a eu la bonne idée de vous laisser un mot vous ordonnant de tuer un individu mais n’a manifestement pas pensé à se vider la tête juste à côté de la cible. On doit donc traverser le château puis une suite de sous-terrains pour enfin trouver un vieillard et lui enfoncer un coussin sur la gueule. Sur le chemin, on trouve des pages du journal de notre avatar qui racontent son aventure et révèlent les sombres événements qu’il voulait oublier et qui le tourmentaient bla bla bla bla bla… Le scénario est sans intérêt et la conclusion décevante.
(Petite parenthèse : Vous avez remarqué à quel point les pages de journaux s’éparpillent facilement dans l’ordre dans les jeux vidéo ces dernières années ? C’est comme-ci les auteurs connaissaient l’itinéraire exact du plouc armé d’un tuyau qui passerait par là. C’est encore plus étrange lorsque ce sont des journaux audio. Vous vous êtes jamais demandé dans Dead Space pourquoi chaque entrée du journal du même ingénieur est enregistrée sur 6 ou 7 enregistreurs différents ? L’économie du futur va-t-elle si bien que tout le monde peut quotidiennement s’acheter plusieurs ipaudes ?)
Bref, en commençant à jouer, j’ai très vite constaté que le jeu était péniblement scripté. Le jeu ouvre ou ferme des portes sous nos yeux, des couloirs s’écroulent, on entend souvent des bruits parasites sans savoir d’où ils viennent. Tous ces procédés en eux même sont efficaces et plutôt bien maîtrisés, le côté pénible vient du fait que chaque fois qu’il se passe quelque chose, la caméra se floute et le personnage gémit en sursaut. C’est pénible parce que, d’une part ils pourraient écrire dans les sous-titres « Ok, là tu as peur » à la place de cet horripilant effet de caméra et ça serait tout aussi subtil, d’autre part l’effet en lui même empêche souvent de voir clairement ce qui est censé nous faire peur, du coup on attend que la caméra revienne à la normal et on constate qu’on a été effrayé par une porte ouverte par une légère brise.
Pour un jeu sensé être terrifiant, ça démarre mal.
BOUH !
J’ai donc commencé à déambuler dans le château en m’amusant à casser tous les pots de fleur et les verres et en abusant le plus possible le moteur physique. Amnesia se joue à la première personne et consiste avant tout à explorer et résoudre des puzzles. Enfin ce que le jeu appelle des puzzles. Ne vous attendez pas à des énigmes cryptiques à la Silent Hill qui testeront vos connaissances Shakespeariennes, ou des puzzles mécaniques complexes à la Myst qui testeront votre facultés à vous taper la tête contre un mur. Ce qu’Amnesia appelle un puzzle, moi j’appelle ça ouvrir diverses interprétations de portes avec diverses interprétations de clés.
L’exploration quand à elle est un peu différente de ce qu’on a l’habitude. La nuit est tombée et les couloirs du château sont complètement plongés dans l’obscurité. Malheureusement, notre avatar a six ans d’âge mental et a peur du noir. Lorsqu’on reste trop longtemps dans l’obscurité, la santé mentale du personnage diminue ce qui a pour effet de flouter l’écran (comme si la première chose que les malades mentaux font lorsqu’ils craquent est de perdre leurs lentilles de contact). Pour rester sain d’esprit, on peut soit allumer des torches et des bougies en utilisant des boites d’amadou (il n’y a pas beaucoup d’électricité au XIXe siècle en Prusse) soit brandir une lampe à pétrole qui se vide rapidement. C’est ici que la logique vidéoludique vient perturber l’immersion : pourquoi notre personnage a-t-il besoin d’une boite d’amadou pour chaque torche et chaque bougie ? Pourquoi ne peut-il pas les emporter avec lui et les utiliser pour allumer d’autres torches et d’autres bougies ? Pourquoi ne peut-il pas utiliser ces chaises ou ces tapisseries ou tous ces livres qui remplissent le château comme combustible ? J’ai bien essayé de maintenir un bouquin au dessus d’un feu de bois mais celui-ci n’a pas montré le moindre signe de carbonisation. Les raisons sont purement une question challenge. Si on pouvait faire tout ça, il n’y aurait plus de jeu et plus de tension.
Fais-moi peur !
Jusque là, je dois probablement donner l’impression qu’Amnesia est un jeu de merde mais c’est faux. Même si Amnesia est loin d’être excellent, s’il y a quelque chose qu’il réussit avec panache, c’est blanchir mes cheveux en une nuit. Oui l’effet de caméra à chaque fois qu’il se passe quelque chose est agaçant, mais j’ai fini par l’ignorer. Amnesia maîtrise très bien son ambiance et surtout l’apparition des monstres.
Il y a plusieurs méthodes pour faire apparaître un monstre dans un jeu vidéo.
La méthode Doom 3 :
Le monstre apparaît quand on ouvre une porte ou un placard et fait « BOUH ! »
La méthode Silent Hill 2 :
Le monstre se balade tranquillement et ignore le joueur jusqu’à ce que ce dernier décide de le réduire à l’état de pulpe avec une planche de bois.
La méthode Dead Space :
Le monstre allume la lumière, joue un accord de violon et avance lentement vers le joueur dans l’espoir de lui faire un câlin.
Toutes ces jeux ont un point commun, ils exhibent leurs monstres beaucoup trop, si bien qu’on finit par s’y habituer très rapidement et à ne plus les craindre. De toute façon, c’est difficile d’être effrayé par une bébette à grosses dents quand on a une tronçonneuse sous le bras. Amnesia comprend que la meilleure manière de nous effrayer n’est pas de nous montrer des images terrifiantes, mais de stimuler notre imagination. Il se passe bien souvent plusieurs heures entre chaque rencontre avec un monstre, et même lorsqu’on en rencontre un, si on essaye de le regarder de plus près, notre avatar est rapidement transformé en fromage de tête servi sur la table de Cthulhu. Le simple fait de regarder un monstre, même de dos, l’informe de notre présence et comme on n’a aucun moyen de se défendre, la seule manière de survivre est de fuir et de se cacher. L’ennui, c’est que se cacher dans l’obscurité diminue notre santé mentale, mais rester à la lumière permet au monstre de nous repérer facilement. On a donc le dilemme de choisir entre avoir une migraine à cause des effets de flou de la caméra et devenir une soupe.
Crafted with love
Graphiquement, Amnesia n’est pas très impressionnant mais je doute que vous prendrez le temps de regarder les textures de près quand vous serez poursuivit par une monstruosité Lovecraftienne. Rappelons que c’est un titre fait par un studio indépendant avec un budget misérable quand on compare ce qu’Electronic Arts verse dans un projet comme Dead Space (dans lequel ils se permettent encore de modéliser les longs cheveux d’un personnage féminin comme du carton). Mis à part ses effets de caméra douteux, le jeu maîtrise très bien son ambiance visuelle et sonore. Jouez-y avec un casque dans le noir complet et votre constipation chronique devrait être rapidement guérie. Amnesia durera moins d’une dizaine d’heures si vous êtes une fillette parano, et comme l’aventure est presque intégralement scriptée il n’y a pas vraiment de raison d’y rejouer une fois finie. Vous pourriez à la rigueur refaire le jeu en entier avec les commentaires des créateurs, mais ceux-ci parlent en anglais avec un épais accent européen de l’Est sans sous-titres, donc bonne chance pour comprendre ce qu’ils racontent…
Le jeu est téléchargeable pour 20$ sur son site (ou sur Steam, mais si vous souhaitez soutenir le studio, achetez-le sur leur site pour que la totalité des 20$ leur revienne) et fonctionne sur Windows, Mac et Linux.
Au final, Amnesia : The Dark Descent est loin d'être un excellent jeu. Les puzzles sont simples, le design des niveaux est relativement linéaire et le scénario m'a endormi. Mais Amnesia a au moins le mérite de m'avoir cloué dans ma chaise. Ce qui est un exploit comparé aux efforts misérables de tous ces jeux d'actions qui prétendent être effrayant. Il est court mais si vous souhaitez frissonner un peu, il vaut le coup d'œil, et c'est jamais une mauvaise idée de soutenir les studio indépendant.
« Cthulhu » bordel ! :)
Doom³ ne m’a pas fait peur parce que je me le suis tapé en mode speedrun en jouant à la Quake. Par contre, j’ai jamais réussi à terminer Resident Evil premier du nom sur Gamecube parce qu’il me fait flipper comme jamais. J’suis pas sûr de tester Amnesia un jour, du coup.
Doom 3 ne fait pas peur de toute façon. Il peut faire sursauter la première fois qu’on ouvre un placard mais c’est tout.
Sinon, oui en effet, si Resident Evil te fait peur (ha ha ha), je doute que tu tiennes quelques minutes sur Amnesia… X)
Tu peux toujours regarder le trailer sur le site pour te faire une idée.
Et qu’as-tu pensé de F.E.A.R, Ragny ? Pour moi c’est un jeu qui fait peur sans être incohérent juste pour satisfaire le plaisir vidéoludique (comme les pages de journal trouvées dans l’ordre, etc…).
J’ai pas encore joué à F.E.A.R.
En lisant le test, je me dis que j’aurais mieux fait de jouer à Amnesia qu’à Alan Wake… Y’a pas à dire, les services marketing font bien leur boulot.
Moi, je flippe à chaque fois que je croise un Metroid, alors vous pensez bien que RE & co, j’évite à mort… :-)
J’ai une question: à partir de quel moment le jeu est-il censé commencer à faire peur?
J’ai essayé la démo dans les meilleurs conditions possibles, noir complet, gamma bas comme conseillé, casque sur les oreilles… rien. Mais rien de rien. Une porte s’ouvre, mon personnage souffle comme un boeuf, regarde les murs en tremblant, c’est super… Comment s’immerger correctement dans un jeu quand le personnage que l’on incarne passe son temps à prendre des « initiatives »? Je veux dire, c’est un jeu à la première personne, le personnage c’est moi, si il commence à faire des trucs tout seul comme avoir peur, frissonner, faire du bruit, s’écrouler par terre, comment je peux rester dans l’ambiance et me dire que je suis effectivement dans un château miteux et hanté? C’est impossible !
En plus au début, je n’allumais rien pour économiser mes boîtes d’amadou et mon huile, mais ça n’a pas vraiment fait plaisir à mon bonhomme qui développe rapidement une vision façon lendemain de cuite. Alors bon, j’ai commencé à allumer des trucs, et quand je me suis retrouvé à court d’huile et d’allumettes j’ai voulu attraper un chandelier posé là sur une table pour continuer pépère, mais – ahah – c’est impossible bien entendu. Et je me suis arrêté alors qu’un monstre invisible me forçait a progresser de caisse en caisse ce qui n’est ni effrayant, ni intéressant. D’ailleurs, en parlant des monstres, le choix de ne pas avoir d’arme s’apparente à du sabotage d’ambiance. Logiquement, si je n’ai pas d’arme et sachant que c’est un jeu (ce que je peux difficilement oublier), je ne suis pas censé combattre mais progresser quand même, ce qui implique que les monstres sont 1) rares, 2) évitables – et le jeu insiste bien sur ce point, dès le lancement – donc que paradoxalement… je n’ai rien à craindre. Je peux courir partout, balancer des chaises à travers les pièces, personne ne viendra ma lacérer la tronche puisque, n’ayant pas d’arme, le jeu n’a pas prévu de m’opposer des monstres non plus.
Alors bon, je veux pas être médisant, mais je me questionne sur le potentiel terrifiant du jeu. Quand je pense que RE Rebirth me stressait à mort (et j’y jouais avec la lumière), je suis dubitatif…