On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Genre: Action RPG • Editeur: Lionhead / Microsoft Game Studios • Date de sortie: Octobre 2008

Fable II

Par • le 5/2/2010 • Tests & previews, Xbox 360 • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •

Suite d’une licence (un temps) exclusive à la Xbox et créée par les studios Lionhead, Fable II reprend les bases posées par son prédécesseur en tentant de les sublimer. Mission accomplie ?

Fabulateur, II

Quand on écoute Peter Molyneux parler d’une de ses futures créations, on a toujours un peu envie d’y croire. Forcément, le bonhomme promet monts et merveilles, le jeu à venir est présenté comme la neuvième merveille du Monde (la huitième, c’était son précédent titre), et si ne serait-ce que la moitié de ce qu’il dit se retrouve dans le produit final ça laisse augurer du meilleur. « Fable II should be everything you expect, then 10 times more that you don’t expect. » Après des déclarations pareilles, difficile de ne pas en attendre beaucoup.


Donne la papatte !

Les premières minutes de jeu sont enchanteresses: les graphismes sont magnifiques, la petite citée enneigée de Bowerstone est pleine de vie et d’animations, les quètes proposées semblent nombreuses et sont bien mises en évidence par un énorme point d’exclamation jaune qu’on jurerait avoir déjà vu ailleurs. Bien vite on comprend que chaque quète permet de laisser libre court à sa générosité ou bien d’explorer sa part d’ombre… Des choix assez manichéens qui vont façonner non seulement le personnage que l’on incarne (et dont on choisit le sexe lors de sa création) mais également l’Univers autour de lui et particulièrement la ville de Bowerstone. Très dirigiste, cette première partie permet néammoins de découvrir l’interface, les diverses manipulations possibles et met en place le scénario impliquant le lord des lieux, le sombre et mystérieux Lucien.

Bienvenue chez les lemmings

Après cette séquence introductive, bienvenue dans l’âge adulte. Démarrant dans un camp de gitans, l’équipement proposé au héros est de qualité médiocre et il faudra bien évidemment améliorer tout ça. Libre cette fois d’aller n’importe où, l’occasion est belle de s’essayer aux différentes interactions proposées avec les autochtones: amusantes, agressives, amicales, elles provoquent chez les interlocuteurs des réactions variées et l’on découvre assez vite la première problématique: il est extrêmement difficile de cibler la personne à qui on s’adresse. Draguer une jeune fille signifie charmer dans le même temps la totalité des personnes autour. Rendre une femme amoureuse à force de gestes suggestifs provoquera dans la majorité des cas des sentiments du même panneau chez TOUS les humains aux alentours, personnages du même sexe compris. Le résultat ? On se balade ensuite avec une sorte de basse-cour qui suit le héros à chacun de ses pas. Un peu pénible lorsque l’on a juste envie de déclamer une sérénade amoureuse à sa belle ou bien de faire l’amour avec, ce qui est beaucoup plus difficile à faire que ce que la notice semble vouloir indiquer quand on a pas compris qu’il fallait abuser du « thumb up » pour la convaincre.


Le HUB, parfois un peu bordélique

Albion est donc composée d’une population profondément débile, du genre à s’indigner lorsque l’on se défend d’une agression sauvage en pleine rue mais à tout pardonner en échange d’une imitation de poulet. Pour ce qui est des interactions avec les PNJ, on ne peut donc pas dire que ce soit raté (mais une fois encore, très très manichéen et presque simpliste) mais ce n’est pas folichon. C’est d’autant plus triste que pas mal de ces PNJ ont une vie propre, mais qu’on ne s’amusera pas des masses à l’observer puisqu’à partir du moment où ils apprécient un peu le joueur ils se massent en rang d’oignons autour de lui et attendent passivement qu’il se passe quelque chose.

Ouaf, ouaf

La vie au sein de cette communauté d’abrutis poussant rapidement à vouloir tous les trucider, le personnage d’alignement bon cherchera naturellement à gagner la tranquillité des plaines. Heureusement il ne sera jamais seul et un fidèle compagnon canin l’accompagne: obéissant au doigt et à l’oeil, le brave toutou va chercher la baballe quand on la lui lance, débusque les bandits cachés dans les fourrés, trouve les trésors enterrés et indique l’emplacement des coffres. Le chien peut apprendre de nouvelles techniques et de nouveaux tours suite à la lecture de manuels, tandis que son maître lui gagne de l’expérience à chaque combat remporté sous forme de petites gélules de couleur. Les combats se déroulent en temps réel à la manière d’un classique Ocarina of Time et s’ils proposent d’utiliser non seulement l’épée mais aussi une arme à feu ainsi qu’une ribambelle de sortilèges, ils se révèlent curieusement moins accessibles que dans le jeu de Nintendo déjà vieux d’une dizaine d’années: le système de ciblage est mal fichu, le mécanisme de parade est mal fichu, le système d’esquive n’esquive pas grand chose, en bref les combats seront souvent source de crise de nerfs tant ils sont brouillons et ne deviennent agréables qu’après avoir acquis pas mal de talents.

Quête du sens

Parcourir Albion ne sera pas de tout repos: monstres et brigands infestent les petites routes et diverses sidequests demanderont fréquemment d’aller défaire telle ou telle terreur locale, ou bien d’aller libérer des otages lorsque l’on oeuvre pour le bien. Pour les adeptes du côté obscur il est plus fréquent d’être amené à kidnapper des gens et à exécuter des innocents, toutefois même un personnage d’alignement bon peut accepter une telle quète, ce qui pose l’une des principales incongruités du jeu: une fois une quète acceptée, il est rigoureusement impossible de l’abandonner. On se retrouve ainsi à se faire attaquer par des paysans pensant devoir se défendre, et à moins de tous consciencieusement les massacrer la quète restera à jamais dans la liste du journal des quètes comme non effectuée. Bien évidemment de tels exploits nuisent à la réputation et les menestrels vantant les exploits du « héros » n’oublieront jamais de narrer ce passage qui fait un peu tache sur son CV. Dans le même genre, et ce ne sera une surprise pour personne: faire le bien est plus complexe que se comporter en génie du mal, ne serait-ce que pour des raisons pratiques au moins au début. Il arrive ainsi fréquemment qu’une mauvaise manipulation pousse à dégainer son arme devant un villageois ou bien carrément envoyer un sort de feu en plein sur la porte de sa maison. Fort heureusement quelques clowneries plus tard le tort est réparé.


Avec de l’expérience, on apprend quelques coups sympa

Autre problème: certaines quètes souffrent de bugs en rendant la résolution impossible. Devant acheter un anneau pour épouser une jeune fille éplorée, je me vis dans l’obligation de devoir lui briser le coeur après lui avoir acheté et offert une bonne vingtaine d’anneaux différents sans que ma quète soit validée. Fait cocasse, ceci l’amena à se suicider et ma surprise fut grande quand, quelques minutes plus tard, je la recroisais (toujours amoureuse de moi) dans une ville située de l’autre côté de la map, toujours vivante. Au chapitre des détails énervants, notons le menu extrêmement fastidieux à utiliser, l’UI des « quick actions » largement perfectible et les loadings très longs dès que l’on quitte une zone alors qu’on se balade la majorité du temps dans des couloirs. Le jeu a beau être joli, même sur le disque dur des loadings aussi long frôlent le foutage de gueule quand on voit qu’il n’y en a qu’un en début de partie et ensuite plus aucun dans un titre immense comme Grand Theft Auto IV, pour ne citer que lui (mais je pourrais prendre World of Warcraft en exemple si j’étais mesquin).

Faible II

Alors, un échec que ce Fable II ? Eh bien, oui et non. Si j’admets avoir pris beaucoup de plaisir lors de mes premières parties, je fus le premier étonné par le sentiment général de vide et de lassitude qui m’étreint par la suite. Les trop rares quètes annexes se ressemblent un peu toutes et sont super répétitives (on est vraiment extrêmement loin de ce qu’on était en droit d’espérer), les métiers à effectuer sont d’un intérêt proche du néant absolu, et la quète principale se termine en cinq heures chrono si l’on occulte intégralement la dimension sociale du titre. Bien sûr, c’est cette dimension qui donne toute sa saveur à l’aventure et si l’on n’y attache pas d’importance Fable II n’est qu’un action-RPG joli mais au scénario hyper convenu et à l’intérêt mitigé.


Allez cherche le toutou, cherche !

Si par contre on prend le temps de s’intéresser au background des différents personnages et aux conséquences des intéractions du personnage avec eux, on découvrira un intéressant laboratoire d’expérimentation sociale qui souffre néammoins assez vite de ses propres limites du fait du caractère benêt des PNJ. Mais l’idée de choix, centrale et fondamentale dans Fable II, est sublimée par l’ultime décision prise lors du déroulement de la quète principale et qui influera sur l’ensemble du gameplay une fois celle-ci bouclée parce que oui, Fable II est probablement l’un de ces rares jeux à ne montrer son vrai intérêt qu’une fois le générique de fin terminé. Qu’attendons-nous au final d’un jeu vidéo ? De pouvoir y sauver le monde et devenir un héros merveilleux, dont le courage n’a d’égal que la renommée aux quatre coins d’Albion ? Ou bien de pouvoir laisser libre court à nos pulsions vindicatives et de foutre un joyeux boxon en massacrant allègrement tout ce qui bouge ? Déroutant et bien pensé.

Difficile de juger Fable II, projet aux ambitions immenses et aux promesses finalement à demi tenues. Le joueur cherchant une quète principale épique et dépaysante risque fort d'être déçu, l'amateur d'interactions sociales s'amusera des différents liens qu'il pourra tisser. Mais il est difficile de nier un réel effort et une vraie réflexion sur la question de la moralité dans un jeu vidéo, symbolisée par cette possibilité permanente de choix: pourquoi faire le bien ou le mal ?

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est joueur depuis 1985. Multiplateformes, multigenres, souvent exigeant, parfois tatillon, mais jamais blasé.
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8 commentaires »

  1. Full Agree

    (bon mon précédent message a disparu dans le vide intersidéral du web, donc je vais faire plus court)

    J’ai quand même bien prit mon pied sur Fable II (j’ai pas connu le premier du nom) notamment en repensant au chien que [Spoiler] j’ai sauvé, alors que j’aurais put me faire un max de blé . . . moi qui suis radin à bloc [End of Spoiler]

    Mais malheureusement quand on quitte la liberté (qui n’a rien de transcendante) d’un Fallout 3 ou d’un Oblivion pour tomber sur le « tout balisé » de Fable c’est dur . . . trop dur pour moi
    Où est l’immersion quand il n’y a qu’un seul chemin à emprunter ? (un comble pour un RPG moderne)

    Bref : J’attends Fallout New Vegas comme le messie du RPG (et conseille vivement Fallout 3 aux autres ^^)

  2. Ce qui m’a le plus saoulé dans ce (quand même pas mal) jeu, c’est ce con de chien qui me trouvait des capotes ou des colliers en bois tous les 10 mètres.
    Et certaines animations, comme la marche, qui sont calées à la zob.

  3. Full Metal Plussoyage avec tous les messages précédents.

  4. Je me rends compte que j’ai oublié de rapporter quelque chose qui m’a également prodigieusement saoulé: au fur et à mesure de la progression dans le jeu on s’aperçoit que le héros grossit. On a beau le faire crapahuter dans tous les coins, lui filer le moins de bouffe possible, rien à faire, ça devient un espèce de gros pataud obèse à qui Air France réclamerait de payer double. Le seul moyen de maigrir que j’aie trouvé a donc consisté à le gaver de céleri, et uniquement de céleri. Si ce n’est pas le truc le plus débile jamais vu dans un jeu de ce genre…

  5. A ca, bah y avait GTA:SA aussi qui pardonnait pas les égarements au Mac Do

  6. Je crois que ça dépend surtout du rapport Corruption/Pureté…
    Un personnage qui se gave de femmes, d’alcool et de fric engraissera à vu d’oeil… ça doit être le cas de la plupart.

  7. j’avoue que javais un gros bidon moi xD

  8. @Joe : Exact, il n’y a pas que la bouffe qui influe sur l’embonpoint. Le céléri fait gagner en pureté, comme baisser les loyers de ses maisons (radical). J’ai pu ainsi jouer une héroïne très très méchante mais toujours svelte en tuant des innocents puis en louant leur maison à bas prix.

    Ha ha ha.

    Dans le sens inverse, j’ai commencé à jouer un héros super gentil, mais complètement corrompu. Ben ça fait un peu peur.

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