Genre: Jeu de rôles • Editeur: Bethesda Softworks • Date de sortie: 1996
The Elder Scrolls 2 : Daggerfall
Par Shane Fenton • le 28/2/2009 • PC, Tests & previews • Exemplaire du jeu payé avec nos sous •Ah, 1998, l’année de mes 20 ans… L’année de mes grandes découvertes, de Twin Peaks à Francky Vincent (ouah, ça rime, en plus !). Franky Vincent dont l’inoubliable tube Fruit de la Passion va me servir de fil conducteur pour ce test, car 1998 est également l’année où je découvre mon tout premier jeu de rôles informatique. J’ai nommé Daggerfall, le deuxième épisode de la série des Elder Scrolls.
Chérie tu me donnes ta passion / Et je trouve ça fabuleux
Le premier épisode de la saga, Arena, était sorti en 1994. Ce qui devait être au départ un jeu de combats de gladiateurs (d’où le titre) est devenu un jeu de rôles. Personne ne l’attendait, surtout pas de la part de Bethesda Softworks, habitué des jeux de sport et des FPS du type Terminator 2029 (Ted Peterson, futur game designer en chef de Daggerfall, se souvient même « en avoir parlé aux gars de SirTech qui faisaient Wizardry: Crusaders of the Dark Savant à l’époque, et ils se foutaient carrément de notre gueule »). Et pourtant, ils ont sorti un jeu de rôles particulièrement novateur pour l’époque.
L’histoire elle-même était un peu bateau : un mage félon ayant emprisonné l’Empereur du Monde Imaginaire de Tamriel dans une autre dimension, votre mission était de le délivrer en retrouvant les 8 morceaux cachés d’un bâton magique surpuissant. Pour cela, vous deviez d’abord vous échapper de la geôle où vous étiez retenu, puis explorer Tamriel dans toutes les directions à la recherche des différents morceaux de bâton, guidé en cela par un sosie de Mariah Carey apparaissant dans vos rêves. Cette quête était en fait un prétexte pour explorer les différentes provinces de Tamriel.
C’était justement là que résidait l’innovation : au lieu de se contenter d’une poignée de donjons ou d’une zone de jeu restreinte, on pouvait réellement explorer toutes ces provinces de fond en comble, ce qui représentait une taille de jeu gigantesque de 8 millions de kilomètres carrés ! Le tout en 3D texturée, technologie naissante et pas encore très répandue à l’époque (de nombreux jeux de rôle privilégiaient encore le déplacement « case par case » à la Dungeon Master, plutôt que le « véritable » déplacement en vue subjective inauguré par Ultima Underworld). Et surtout, on pouvait explorer ce vaste monde comme on le voulait, au lieu de suivre un plan imposé par les concepteurs (une non-linéarité déjà présente à l’époque dans une poignée de jeux comme Ultima VII).
Alors certes, les donjons étaient générés aléatoirement, et les extérieurs étaient extra-moches. En particulier, les bâtiments des villes étaient presque tous rectangulaires, et d’une province à l’autre seules les couleurs des textures changeaient. Mais c’était un sacré exploit. Comme le rappelle Ted Peterson : « nous n’avons pas fait grand-chose de nouveau. Nous l’avons juste fait plus grand. Beaucoup, beaucoup plus grand ».
Je n’suis pas branché sentiments / J’suis plutôt super amant
Le deuxième tome de la saga, Daggerfall, reprend le principe de son prédécesseur : un monde vaste, qu’on peut explorer comme on le souhaite. Cela dit, les concepteurs ont choisi de se restreindre sur la première partie afin d’améliorer la seconde. Ainsi, le jeu ne se déroule plus sur le territoire entier de Tamriel, mais sur la Baie d’Iliac, frontière maritime entre les provinces de High Rock et de Hammerfell, ce qui fait tout de même 161 000 kilomètres carrés, ainsi que 15 000 villes, villages et donjons à explorer.
Pour vous donner une idée de ce que cela représente, considérez l’aire de jeu totale telle qu’elle est représentée sur la carte précédente, et zoomons sur une région, par exemple celle de Daggerfall :
Chaque point représente une ville, ou un village, ou un donjon. Et si vous voulez savoir à quoi ressemble un de ces points en détail, voici la carte « locale » d’une ville importante, celle de la Cité de Daggerfall :
Chaque polygone représente un bâtiment. Sur cette carte, votre personnage ne représente pas plus qu’un petit pixel. Ça calme, hein ?
Et ça, c’est ce qui se passe sur l’écran de jeu. Mais on va y venir.
Aujourd’hui tu vas oublier / Tous les tocards qui n’ont pas assuré
Quand le jeu commence, il faut tout d’abord choisir sa province d’origine parmi celles qui composent Tamriel, chacune d’entre elle correspondant à une race particulière : l’Archipel de Summerset pour les Hauts Elfes, High Rock pour les Bretons, la désertique Hammerfell pour les Redguards à la peau noire, Valenwood pour les Elfes des Bois, les terres enneigées de Skyrim pour les Nordiques, le Marais Noir pour les hommes-lézards Argoniens, etc… Naturellement, les caractéristiques de ces différentes races obéissent à certains clichés : les Hauts Elfes sont maîtres de la magie, les Nordiques sont d’excellents guerriers résistants au froid, les Elfes des Bois se débtrouillent mieux au tir à l’arc, les Argoniens sont capables de respirer sous l’eau, etc…
Il faut ensuite choisir la classe de son personnage, soit en répondant à un questionnaire qui vous orientera parmi l’une ou l’autre des classes prédéfinies (guerrier, mage, barbare…), soit en piochant directement parmi ces dernières, soit en en créant une de toutes pièces. Il faut dans ce cas répartir les différentes compétences de son personnage entre 3 « primaires » (30 à 40 % de maîtrise de la compétence), 3 « majeures » (20 à 30 %), et 6 « mineures » (10 à 20 %). Les autres seront classées comme « diverses ». Les compétences présentes dans Daggerfall, au nombre de 35, peuvent être martiales (épée longue, épée courte, hache, tir à l’arc…), magiques (écoles de la destruction, de la guérison, de l’illusion…), athlétiques (courir, grimper, nager, sauter…), furtives (pickpocket, crochetage, esquive…), ou diplomatiques (marchandage, maîtrise de l’étiquette, maîtrise de la langue orc…). On notera que dans Daggerfall la diplomatie s’applique également aux créatures humanoïdes monstrueuses : orcs, centaures, géants, harpies… Si vous maîtrisez suffisamment la langue d’une de ces espèces, les monstres qui en font partie ne vous attaqueront pas et vous laisseront passer.
Une fois les différentes compétences bien ajustées, il faut également allouer ou retrancher des points aux différentes caractéristiques qui les gouvernent. Par exemple, la force influe à la fois sur le nombre de dommages qu’on peut infliger, le poids total d’objets qu’on peut porter sur soi, et la plupart des compétences martiales. L’intelligence influe sur le nombre de points de magie disponibles (la « magicka ») pour lancer les sorts, ainsi que sur les compétences qui permettent de « dialoguer » avec les créatures monstrueuses. L’agilité, quant à elle, gouverne les compétences furtives telles que le pickpocket et le crochetage de serrures, ainsi que la capacité à toucher sa cible à un point critique. L’endurance détermine le nombre de points de fatique, ainsi que la résistance aux poisons et à la maladie. Et ainsi de suite… Cerise sur le gâteau, on peut également allouer à son personnage un certain nombre d’avantages et de désavantages qui lui permettront de progresser plus ou moins vite dans le jeu. Par exemple, il peut être immunisé, ou au contraire affaibli, contre une école de magie, contre un élément particulier (feu, froid…), ou encore contre le poison ou la paralysie. Il peut également se voir interdire les armes et les armures d’un certain type de matériau (fer, acier, argent…), se voir attribuer plus ou moins de points de magie, ou une guérison des blessures accrues, ou encore une expertise dans une compétence donnée, etc… En ajoutant ces avantages et désavantages aux capacités propres à chaque race, on peut obtenir des combinaisons très intéressantes. On peut également augmenter ou diminuer considérablement le temps et le nombre de points d’expérience nécessaires à l’augmentation de niveau.
Nous avons donc un système de création de personnages complet, qui bien qu’il soit relativement classique, est plutôt impressionnant pour un jeu de rôles informatique de l’époque. Cependant, la première véritable originalité de Daggerfall par rapport à ses concurrents réside ailleurs. Comme le dit le manuel (pages 54-55), « l’une des grandes différences entre Daggerfall et les autres jeux de rôle (dont Arena) est la méthode utilisée pour calculer l’expérience. Nous n’avions jamais trouvé convaincante l’explication qui voulait qu’un Voleur monte de niveau après avoir tué un Troll, mais qu’il ne deviendrait jamais plus efficace au crochetage des serrures, même avec de l’entraînement, tant qu’il n’aurait pas tué un autre Troll. Nous avons donc décidé que l’avancement de niveau devait correspondre à une amélioration des compétences liées à la classe. Si un Voleur s’entraîne et utilise ses compétences de voleur, il deviendra un meilleur Voleur ». En d’autre termes, on monte de niveau (et ce faisant, on augmente ses caractéristiques), non pas en tuant des monstres, mais en utilisant ses compétences le plus possible, de préférence celles qu’on a choisi comme étant « primaires » et « majeures » (on peut aussi progresser en utilisant uniquement ses compétences « mineures » et « diverses », mais cela prendra plus de temps).
Y’a pas que la fesse dans la vie / Y’a le sexe aussi
Bref, une fois que le personnage est créé, le jeu peut réellement commencer. Comme cela est expliqué lors d’une vidéo d’introduction, l’Empereur de Tamriel a besoin de vous, son « champion », pour enquêter sur l’apparition, dans les rues de Daggerfall (capitale de la province bretonne de High Rock), du fantôme d’un ancien roi Breton qui crie vengeance. Il vous demande également de retrouver une lettre qu’il avait envoyée il y a fort longtemps. Les choses ne se passent pas comme prévu et votre bâteau fait naufrage. Vous vous réveillez dans les geôles d’un donjon infesté de rats, de chauves-souris et de brigands. Votre premier objectif est donc d’en sortir, ce qui vous permet de vous familiariser avec les mécanismes du jeu : interface (avec notamment les trois barres à surveiller absolument : barre de vie, barre de fatique, et barre de magie), inventaire, système de combat et de magie, carte… En accédant à l’inventaire, vous pouvez d’ailleurs commencer à jouer à la poupée avec votre personnage et ses premiers vêtements, armes et armures.
Il y a des jeux qui marquent à vie, au point que chaque détail a son petit côté « madeleine de Proust ». Daggerfall est de ceux-là, en tout cas pour moi. Il n’était certes déjà pas très beau à l’époque, avec sa fausse 3D pixellisée, ses textures archi-répétitives et ses donjons générés aléatoirement (la musique, par contre, je ne peux pas vous en parler : c’est Francky Vincent qui me trottait dans la tête pendant que je jouais). Et pourtant, dès le début, je me suis senti immergé dans ce donjon, en grande partie grâce à l’ambiance sonore. Dans Daggerfall, chaque monstre, chaque créature, chaque objet (dalle, porte, chandelle…) possède un bruitage caractéristique qui peut s’entendre de loin et qui permet de reconnaître à quoi ou à qui on s’expose. Ces bruitages, ces détails en apparence insignifiants, donnent également vie à l’environnement qui nous entoure. Et en 1996, c’était tout, sauf banal !
Ainsi, j’étais dans la peau de mon personnage nouveau-né, si fragile face au danger, à l’affût du moindre bruit, qu’il provienne de l’intérieur ou de l’extérieur (il n’était pas rare, en effet, qu’on entende un ululement rappelant que le danger est aussi présent à la sortie du donjon). Quand une porte grinçait sans que je n’aie touché à rien, je savais que c’était parce qu’une créature hostile avait senti ma présence et venait me chercher. Soit je reconnaissait son hurlement et je m’apprêtais à le combattre ou à le fuir (certains monstres étant capables de jeter des sorts meurtriers), soit je n’entendais rien, et dans ce cas il s’agissait d’un humain, beaucoup plus rapide et faisant plus de dégâts. Il m’a fallu m’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir sortir de là ! Et hors du donjon, point de repos : en pleine nuit, au milieu d’une nature hostile (parfois peuplée d’araignées et de scorpions géants), il fallait encore se frayer un chemin avant de trouver l’habitation la plus proche. D’ailleurs, quand votre personnage augmente de niveau, le donjon se repeuple de créatures adaptées à ce niveau : on commence avec de frêles guerriers squelettes pour finir avec des seigneurs liches ! Heureusement, la carte permet de se repérer et de se téléporter vers l’une des innombrables villes du jeu. Et quand on progresse, les choses s’améliorent grâce à deux éléments qui deviennent rapidement indispensables : le chariot et le cheval. Le chariot permet de stocker et d’emmener avec soi un grand nombre d’objets, ce qui et fort appréciable à long terme quand on en accumule après avoir battu la campagne des mois durant. Le cheval, quant à lui permet évidemment de se déplacer beaucoup plus vite, aussi bien sur l’écran de jeu que sur la carte. Mais il permet surtout de « s’y croire » et de se lancer dans des chevauchées épiques à travers la Baie d’Iliac… y compris dans les villes.
Pour caresser tes p’tits seins / Pas besoin de me faire un dessin
Justement, puisqu’on en parle, plus encore que les donjons, ce sont les villes de Daggerfall qui vous font rapidement comprendre ce que le mot « immerson » veut dire. Pour commencer, l’ambiance sonore est toujours là, qui s’adapte au climat et à l’heure qu’il fait. Le jour, on entend les chiens, les chevaux et le bruit de la neige sous les pas (quand il y en a, bien sûr). La nuit, ce sont les grillons qui entrent en scène. Ensuite, chaque province possède son architecture particulière : maisons en pans de bois pour les régions bretonnes de High Rock, déserts et architecture de casbah pour Hammerfell. En ce qui concerne les bâtiments communs aux villes de Daggerfall, on trouve bien sûr l’incontournable taverne, où l’on peut dormir et rencontrer du monde (on peut interroger toutes les personnes présentes, et les commerçants et taverniers peuvent même vous donner des missions à remplir). Ainsi que les boutiques de qualité diverse, où l’on peut acheter et vendre : forge, armurerie, bibliothèque, magasin de vêtements, bijouterie, et autres (ces boutiques sont d’ailleurs ouvertes de 8 à 18 heures, et au-delà on ne peut plus entrer que par effraction). Mais on trouve aussi les banques, qui permettent, soit d’emprunter de l’argent, soit de déposer ses pièces d’or, qui pèsent lourd à la longue, afin de les remplacer par des « lettres de crédit ». Ces banques font également office d’agences immobilières puisqu’elles permettent d’être propriétaire de son propre bâteau, voire de sa propre maison, dans n’importe quelle région de la Baie d’Iliac. Certes, il faut accumuler beaucoup d’argent pour en arriver là, mais quel bonheur d’avoir sa maison à soi, où stocker toutes ses affaires ! On trouve également des bâtiments particuliers dans les capitales des régions de la Baie d’Iliac : les palais, où se trouve la noblesse locale, ainsi que les missions importantes qui font avancer la quête principale du jeu. Les villes les plus importantes, telles que Daggerfall, Sentinel (capitale de Hammerfell) et Wayrest (ville Bretonne rivale de Daggerfall), sont dotées d’authentiques palais, possédant chacun une architecture originale, ainsi qu’un élégant jardin. Quand on utilise un sort de lévitation pour voler au-dessus de ces palais, la vue est saisissante.
D’autres bâtiments sont reliés à un élément essentiel de Daggerfall : les guildes, dont les chapitres sont représentés en bleu sur la carte de la ville dans laquelle on se trouve. Le propre des guildes est d’offrir des services spécifiques à ses membres, choisis parmi les aventuriers qui ont développé un certain type de compétences. Elles proposent également des quêtes spécifiques, et quand un membre en accomplit suffisamment, il monte en grade et on lui donne accès à d’autres services. La guilde des guerriers, par exemple, regroupe les mercenaires dont les compétences martiales sont suffisamment élevées. Ses missions consistent généralement à aller tuer une créature « normale » (souris, tigre, ours…) qui terrorise une habitation, ou une créature magique qui a élu domicile dans un donjon proche. Parmi les avantages offerts aux membres, on trouve l’accès gratuit à un lit, la possibilité de faire réparer ses armes et armures, et la possibilité de s’entraîner à certaines compétences martiales. La guilde des mages, de son côté, regroupe ceux qui se sentent davantage une âme de lanceur de sorts. Ses missions consistent généralement à tuer des créatures magiques, ramener des ingrédients divers, jeter un sort sur quelqu’un, protéger le chapitre local d’une incursion, ou réduire au silence un ancien membre renégat. Quand on possède un rang suffisant, on peut, entre autre choses identifier un objet inconnu, consulter la bibliothèque, acheter ou créer soi-même ses sorts et objets magiques, invoquer des Daedras (les divinités de Tamriel), et utiliser gratuitement le téléporteur de la guilde (qui permet de se retrouver instantanément à n’importe quel point de la carte). Le créateur de sorts et d’objets magiques est une originalité supplémentaire de Daggerfall par rapport aux autres jeux de rôle, qui généralement propose une liste de sorts figée.
A pleines mains je prends tes hanches / Et tu cesses de faire la planche
D’autres guildes existent, telles que les ordres de chevalerie, qui proposent des quêtes plus en rapport avec leurs principes (délivrer une princesse ou chasser des barbares, par exemple). Mais ce sont des quêtes plus complexes, où il faut souvent arpenter des donjons labyrinthiques, pour une récompense médiocre (chambre gratuite à la taverne par exemple). Mais les membres de plus haut rang peuvent malgré tout être propriétaires. Les temples, une fois que l’on « s’inscrit » à l’un d’entre eux, peut faire office de guilde, leur avantage principal étant la guérison automatique des blessures et des maladies quand on leur rend visite. Il s’agit toutefois de services « légaux » provenant de guildes « officielles ». Or, dans Daggerfall, on peut enfreindre la loi, soit en volant des objets ou en entrant par effraction dans un bâtiment, soit en commettant des meurtres. Quand on se fait pincer, on passe au tribunal, où l’on risque la prison (et la confiscation de ses biens). Mais si l’on résiste et qu’on ne se fait pas tuer par les gardes, on est rapidement contacté par la guilde des voleurs ou celle des assassins, aussi appelée la « confrérie noire ». Leurs missions consistent, est-ce une surprise, à voler ou à tuer des gens. Mais on se rend compte que la morale est une chose fluctuante quand certains assassinats sont commandités par d’autres guildes plus « respectables » contre des membres renégats. Les choses se compliquent encore davantage s’il vous est demandé de tuer des membres d’une guilde dont vous faites déjà partie. En contrepartie, les membres de ces guildes peuvent avoir accès à des objets, des sorts et des informations difficilement accessibles dans d’autres guildes. Et leur réputation dans les milieux occultes les précèdera au fur et à mesure qu’il prendront du galon. C’est sans doute cette plongée dans le côté obscur qui a valu à Daggerfall les ennuis qu’on sait lors de sa sortie (et dont j’ai déjà parlé en ces lieux).
Quand on arrive dans une ville après moult péripéties dans un donjon, on est heureux de retrouver dans un environnement non-hostile, et de souffler un peu. Cela dit, à la longue, on se surprend à vouloir plus, on finit par se lasser de croiser de « simples passants ». Et c’est là que les guildes renforcent le sentiment d’immersion, car ils offrent en supplément la chaleur d’un foyer. Plus particulièrement dans la guilde des guerriers, où il y a toujours un lit qui vous attend, et un portier pour vous accueillir (le portier, le maître local de guilde, la maîtresse d’armes et le forgeron). Et quand on est devenu un paria de la société, quand même les villes deviennent hostile, les guildes occultes (voleurs et assassins) sont toujours là pour vous garder un peu de chaleur.
Tiens voilà ton étalon / Qui enlève son pantalon
A force de blablater, je me rends compte que je ne vous ai pas beaucoup parlés de la grande quête principale, donc de l’intrigue du jeu. Pourquoi le fantôme de cet ancien roi Breton hante-t-il les rues de Daggerfall la nuit ? Pourquoi crie-t-il vengeance ? Que contient la lettre que l’Empereur Uriel Septim a perdue ? Je confesse ne pas être assez loin dans le jeu pour répondre à toutes ces questions. D’ailleurs, les possibilités de Daggerfall sont tellement grandes que je n’ai pas dû en faire le tiers, entre la possibilité d’être un vampire, celle d’être un loup-garou, les fêtes qui ponctuent la vie des habitants de Tamriel (et qui permettent, en invoquant les bons Daedras au bon moment, d’avoir accès à des objets magiques précieux), et j’en passe. En vérité, je suis apssé à côté de tout ça, et à part deux ou trois sous-quêtes, je n’ai pratiquement pas touché à la quête principale, trop occupé que j’étais à vivre au sein des guildes des guerriers et des magiciens. A remplir des missions, monter en grade, et optimiser l’entraînement de mon personnage au maximum.
Il y a cependant une autre « originalité » de Daggerfall par rapport aux autres jeux de l’époque, une autre « marque de fabrique » de la série des Elder Scrolls : les bugs ! Déjà, Arena avait fait fort en son temps en plantant « sauvagement » au beau milieu d’une partie, mais son successeur s’est vu attribuer le sobriquet de Buggerfall, non sans raison. Certains bugs, il est vrai, sont agréables, comme celui qui consiste à rentrer dans un magasin 5 minutes avant la fermeture, puis à attendre l’heure fatidique, et à se servir sur les étagères car après 18 heures les objets ne sont plus considérés comme « à vendre ». Ensuite, il suffit d’aller voir le vendeur et de lui revendre son propre matériel. En peu de temps, on se retrouve riche comme Crésus, avec un excellent équipement entièrement gratuit. D’autres bugs sont plus cocasses, comme celui qui concerne l’escalade. Il est en effet possible de grimper (et d’augmenter la compétence correspondante) sur les murs plats, comme ceux des maisons, ce qui est parfois pratique. Curieusement, on peut aussi « escalader » les parois des donjons à l’intérieur même de ces donjons. Mais ce faisant, on risque de traverser le mur et de chuter dans une espèce de trou noir, à cause de la collision mal fichue. Cela dit, c’est ce bug qui m’a permis de me retrouver dans une des salles inférieures d’un donjon important, et ainsi de résoudre une sous-quête importante de la quête principale ! Enfin, d’autres bugs, du genre de ceux qui font planter le jeu abruptement, sont carrément moins agréables, surtout quand ils surviennent au moment de la sauvegarde, et qu’ils font partir en fumée des heures et des heures de jeu ! (j’avais presque oublié de vous dire que le nombre de sauvegardes est limité à 6)
Et c’est avec émotion / Que je touche au fruit de la passion
Que dire pour conclure ? Un graphisme déjà moche à l’époque, devenu atroce aujourd’hui. Un moteur « à la Doom » ou plutôt « à la Ultima Underworld » (personnages 2D, décors 3D) complètement dépassé. Une telle profusion de bugs que Joystick a dit de Bethesda (à l’époque) qu’ils confondaient programmeurs et joueurs de didjeridoo. Des textures, des campagnes, des villes et des situations archi-répétitives. Des donjons labyrinthiques, générés aléatoirement, sans queue ni tête. Certaines quêtes (dont beaucoup faisant partie de la grande quête principale) qui consistent à chercher une aiguille dans une meule de foin. D’autres, générées aléatoirement (surtout les quêtes de guilde) qui sont d’une simplicité décourageante. Et pourtant, malgré tout, quel jeu ! L’effort consenti pour créer un monde complet, vivant, cohérent, et surtout à échelle humaine, reste aujourd’hui encore un exploit. Pour peu qu’on veuille bien faire l’effort de « rentrer » dans ce monde, on est largement récompensés. Entre toutes les possibilités de création de personnage (nombre important de compétences, d’avantages et de désavantages), l’ambiance sonore unique, les balades à cheval, les différentes guildes, la possibilité de créer ses sorts et ses objets magiques, le principe (de bon sens ?) qui consiste à augmenter son niveau en utilisant ses compétences principales, la possibilité de passer du côté obscur, et plus généralement toutes les choses à faire, à voir, et à vivre… Que peuvent bien peser, en comparaison, de vulgaires défauts graphiques ou techniques ? Vous aurez largement de pester contre ces défauts une fois que vous aurez fait le tour du jeu… ou plutôt, que vous aurez l’impression d’avoir fait le tour du jeu, alors qu’en fait vous n’en aurez même pas vu un tiers. Laissez donc ces trivialités de côté, et venez profiter d’un des rares jeux vidéo pour lesquels l’appellation de « jeu de rôles » n’est pas usurpée !
Vas-y Francky, c'est bon / Vas-y Francky, c'est bon, bon, bon / Vas-y Francky, c'est bon / Vas-y Francky, c'est bon, bon, bon...
Shane Fenton est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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Dingue de noter tout ce qui existait déjà dans Daggerfall et qui a été repris dans The Elder Scroll III : Morrowind !
Mais sinon, les bugs, les bugs, les bugs, et malgré tout je n’ai jamais vraiment entendu de joueur dire que Daggerfall était nul comme jeu.
Deux anecdotes:
– la première fois que j’y ai joué (je devais avoir oh, 11-13 ans) et que je suis sorti du premier donjon (vite, parce que je meure vite), je me suis dit « Chouette ! De l’air ! …. mais comment je rejoins la civilisation ? ». Et me voilà parti pour une heure (de vie réele) de marche dans la neige, avec rien qui ne se passe, quelques repos – occasionnellement interrompu par des brigands. Plus tard, j’ai appris qu’on pouvait utiliser *la carte*.
– J’étais petit, et la voix du fantôme de Daggerfall me foutait une peur bleue. Je baissais toujours le son au maximum avant d’entrer à Daggerfall, sauvant avant et priant pour que j’arrive de jour (ce qui n’arrive jamais, bien sûr), et rechargeant si ce n’était pas le cas.
Grande nouvelle : Daggerfall devient gratuit ! Il est disponible en téléchargement sur le site de Bethesda, tout comme Arena. Ruez-vous sur ce jeu, il vaut vraiment le coup !