Le débat fait rage : Christian Pfeiffer contre Vince « Postal » Desi
Par Shane Fenton • le 28/2/2012 • Entre nous •Quoi de mieux pour inaugurer cette nouvelle série de traductions qu’une discussion en tête-à-tête et en direct, entre d’un côté, l’un des détracteurs les plus célèbres de la violence vidéoludique, et de l’autre, le développeur en chef d’un des jeux les plus controversés ? C’est ce que j’ai pensé immédiatement après avoir pris connaissance d’un débat de 2007 opposant Christian Pfeiffer et Vince Desiderio, a.k.a. Vince Desi (à qui l’on doit les trois Postal), qui a été organisé et arbitré par le site vidéoludique allemand Krawall.de en pleine Games Convention, à Leipzig. En fait, ce débat est la principale raison pour laquelle j’ai créé cette nouvelle série de traductions. C’était avant que le travail de traduction ne commence. Quand il fut terminé, j’avoue que j’ai un peu déchanté, mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant, concentrons-nous sur cette rencontre au sommet.
Le 17 août 2007, Krawall.de annonçait à ses lecteurs que lors de la Games Convention (qui devait se tenir du 23 au 26 août), dans le cadre d’un colloque sur la violence, un débat allait avoir lieu entre Christian Pfeiffer et Vince Desi, ouvert au public et filmé par Game-TV. C’était probablement la première fois qu’un développeur de jeux controversés allait défendre ses « créations » devant le public allemand, et face à un de leurs plus virulents détracteurs. A l’inverse, il n’était pas courant qu’un opposant aux « killerspiele » puisse faire valoir son point de vue devant un public de joueurs, en plein coeur d’un de leurs évènements fétiches. Comment s’en sont-ils sortis l’un et l’autre, l’un face à l’autre ? Réponse dans cette transcription, qui a été fournié par Krawall.de quelques mois plus tard (les images sont celles du site, ainsi que les « notes de l’éditeur », différentes de nos propres « notes du traducteur »), ainsi que dans les commentaires post-débat recueillis le jour même. Comme d’habidute, j’ajouterai mes propres impressions en bas de page.
Débat en direct à Leipzig
(Organisé par Krawall.de et Game-TV, 25 août 2007)
Depuis des années, les belles âmes allemandes s’excitent autour d’une série de jeux du nom de Postal que l’on doit à la petite équipe de développement américaine Running with Schissors : des manifestants s’y font immoler par le feu, des innocents s’y font tabasser, et ceux qui le désirent peuvent même uriner sur les cadavres de leurs victimes. « Je me réjouis du fait que la série Postal ne puisse plus être vendue sur le marché allemand », déclare à ce sujet le Professeur en criminologie Christian Pfeiffer, l’un des critiques des médias parmi les plus reconnus en Allemagne. A l’opposé, Vince Desi, le patron de Running with Scissors, affirme que l’objectif principal de Postal est d’être un jeu amusant qui donne du plaisir rien qu’en le regardant.
Or, lors de la Games Convention 2007, Pfeiffer et Desi se sont rencontrés pour la première fois pour un débat en direct de 45 minutes, sur l’invitation de Krawall.de. En raison de la limite de temps impartie pour ce sujet, et vu que les affirmations du Professeur Pfeiffer devaient être traduites en temps réel pour Vince Desi, une discussion directe entre les deux participants était quelque peu difficile. Néanmoins, nous ne voudrions pas vous priver de cet échange d’opinions. Malheureusement, des problèmes techniques chez les collègues de Game-TV ont fait que contrairement à ce qui était prévu, nous ne pouvons pas vous proposer de vidéo de cet événement. Au lieu de cela, nous publions ici la retranscription intégrale de la discussion. Certes, il y a de quoi lire. Mais lire, ça cultive !
André Peschke (Krawall.de) : J’ai le plaisir de vous accueillir cordialement à notre débat en direct organisé conjointement par Krawall.de et Game-TV. Nous proposons un panel qui est certes petit, mais très intéressant, et dont je voudrais vous présenter brièvement les participants.
A ma droite se trouve Monsieur le Professeur Christian Pfeiffer, de l’Institut de Recherche en Criminologie de Basse-Saxe. Ici en Allemagne, Monsieur Pfeiffer est à l’heure actuelle l’un des critiques les plus sévères contre les jeux contenant de la violence. De l’autre côté, à ma gauche, se trouve Vince Desi, du studio de développement Running with Scissors, situé à Tucson, en Arizona, aux USA.
L’équipe de Desi développe une série de jeux, Postal, qui contient beaucoup de violence, et offre beaucoup de contenu controversé. Nous allons donc entrer directement dans le vif du sujet. Je voudrais commencer par vous, Monsieur Pfeiffer. Pourriez-vous nous expliquer, à nous et surtout à Vince Desi, pourquoi vous considérez ces jeux comme problématiques, et pourquoi vous pensez qu’ils devraient être strictement réglementés, voire interdits ?
Christian Pfeiffer : Je me réjouis du fait que la série Postal ne puisse pas être vendue sur le marché allemand, et qu’elle soit indexée. Pourquoi ?
Depuis 3 ans, nous menons des recherches sur l’impact des jeux vidéo, et nous constatons 4 effets, dont l’intensité augmente avec la brutalité des jeux. Tout d’abord, afin de ne pas créer de malentendus : nous ne considérons pas que la violence est générée de manière mono-causale par la violence des jeux vidéo. Ce serait un non-sens, et il n’y a aucun scientifique sérieux dans le monde entier qui affirme une chose pareille. Cependant – je me permets de faire une comparaison avec la cigarette – tout comme fumer augmente de 14% le risque de mourir d’un cancer du poumon, jouer à des jeux vidéo extrêmement violents augmente le risque de devenir soi-même violent, et ceci avec un pourcentage légèrement plus grand [que pour le tabac] si l’on en croit les connaissances actuelles. Et pourquoi ? Aujourd’hui, la science offre plusieurs explications.
Premièrement : jouer de façon intensive réduit l’empathie, et abrutit. Deuxièmement : on se charge d’agressivité. L’hypothèse selon laquelle jouer permet de décharger son agressivité n’a été confirmée nulle part – mais ce qui a été confirmé en revanche, c’est qu’il est d’autant plus dangereux de jouer à ces jeux quand on vient d’une famille à problèmes qui connaît la violence, quand on a peu de perspectives d’avenir, quand on se sent impuissant et qu’on a l’impression qu’on n’arrive à rien. Avec tous ces facteurs, il est d’autant plus probable qu’ils [ces jeux] augmentent le risque d’être violent. Autre gros problème, dont la connaissance est établie dans de nombreuses études internationales : plus les enfants et adolescents passent du temps avec ce genre de jeux, et plus le contenu est brutal, plus les résultats scolaires sont mauvais. Troisièmement : une proportion considérable de jeunes deviennent accros. Ce qui veut dire : jouer prend une grande part de leur temps libre – 5-6 heures ou plus par jour – avec comme conséquence évidente un appauvrissement social. Et le dernier point : une étude suisse vient de prouver sans surprise que plus les enfants jouent à l’ordinateur, plus ils risquent d’être en surpoids, ce qui peut faire apparaître des maladies. En résumé : 4 problèmes dont, selon moi, le plus intéressant est celui de l’échec scolaire, parce qu’il concerne une grande majorité [de jeunes]. Laissez-moi faire une petite remarque supplémentaire : depuis 1990, nous constatons, en Allemagne mais aussi dans tous les autres pays européens, une baisse de la performance scolaire des garçons. L’écart par rapport aux filles s’accroît d’année en année. Exemple : sur 100 personnes qui sortent de la High School – ce qui équivaut chez nous à l’obtention de l’Abitur [NDT : le baccalauréat allemand] – 58 sont aujourd’hui des filles, et 42 seulement sont des garçons. Prenons d’autres exemples : parmi ceux qui quittent l’école sans diplôme, on trouve 64% de garçons. En 1990, tout était plus ou moins équilibré. Ce qui veut dire la chose suivante : nous sommes convaincus que jouer aux jeux vidéo de façon intensive constitue un facteur de risque qui empêche notamment les garçons de développer leur potentiel scolaire jusqu’au bout.
André Peschke : Vince, ce sont là beaucoup d’arguments d’un coup. Combien d’entre eux peux-tu accepter ? Ou alors, est-ce que tu dis quelque chose comme : « je ne comprends pas ce qu’ils ont tous contre mon jeu » ?
Vince Desi : Tout d’abord, je trouve important que nous parlions de l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble, et que nous ne nous limitions pas à mon jeu Postal. En ce qui concerne les commentaires spécifiques de Monsieur Pfeiffer – et il y en avait effectivement un paquet – il se trouve que je suis d’accord avec lui sur certains points. Je veux bien essayer de répondre dans l’ordre. Commençons par le fait que les enfants jouent toute la journée, et ont ensuite de mauvais résultats, ou bien par le fait qu’ils soient assis sur leur canapé et qu’ils se goinfrent jusqu’à en devenir obèses. Mais la réalité est la suivante : quand Monsieur Pfeiffer étions enfants, nous n’avions pas autant de possibilités de jouer à la maison.
Il faut prendre acte de cette réalité. Pour ce qui est du regard qu’on porte sur le contenu violent par rapport aux contenus non-violents, ce qui pour moi sera le sujet-clé pour aujourd’hui : je pense, et ceci n’est pas basé sur une étude scientifique, mais ça fait quand même 27 ans que je travaille pour cette industrie : des millions et des millions de personnes du monde entier jouent aux jeux vidéo et cela depuis un bon moment. La bonne nouvelle est la suivante : il n’y a que très peu d’entre eux qui ont commis des actes de violence extrême, et pour lesquels on peut considérer que ces actes ont été causés directement par un jeu. Mon hypothèse, si l’on peut dire, est la suivante : s’il existait réellement un lien de corrélation entre le fait de jouer à des jeux vidéo violents et le fait de se livrer à des excès dans la vie réelle, alors les statistiques seraient nettement plus élevées. Je dois aussi avouer que je ne connais pas les études qui sont apparues dans le monde et particulièrement en Allemagne. Toutefois, j’ai lu pas mal de ce qui a été publié aux USA et en Angleterre. Par exemple, le FBI a mené sa première étude sur l’adolescence en l’an 1936, et l’édition la plus récente date de l’an 2000. On y constate que la violence des jeunes pendant cette période a réellement diminué. Et même sans prendre en considération ce que je viens de dire, il faut admettre qu’il y a énormément de facteurs divers et variés qui ont une influence sur ce problème : l’augmentation de la consommation de drogues, les enfants qui boivent de l’alcool plus tôt, le taux de divorces. Regardons les USA : parfois, les enfants ne sont même pas élevés par leurs parents, mais par leurs grands-parents. Je pense donc que la pression qui s’exerce sur les jeunes est aujourd’hui bien plus grande que nous l’imaginons, peut-être même plus grande que jamais avant dans l’histoire de l’humanité. Je pense donc, tout simplement, qu’il y a une foultitude de causes. Monsieur Pfeiffer en a évoqué quelques unes, mais je pense qu’il y en a beaucoup d’autres dont on pourrait convenir. Laissez-moi ajouter que moi et mon équipe Running with Scissors sommes contre la violence dans la vraie vie. L’un de nos leitmotivs a toujours été : « la violence dans les jeux et non pas dans la rue. » Nous recevons tellement d’emails de soutien, et même – c’est une anecdote amusante – d’un psychologue qui nous a demandés : « je voudrais acheter 12 jeux d’un coup pour les distribuer parmi mes patients, est-ce que je peux avoir une réduction ? » Naturellement, j’ai dit : « Bien entendu, tu auras ta réduction, et tant qu’à faire, n’oublie pas d’acheter un T-Shirt. » Mais revenons au sujet : je pense que l’industrie du jeu vidéo et que les effets des jeux vidéo sur la société représentent une sujet plus large, un thème bien plus complexe, que la seule « violence des jeux ».
Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est autre chose, que Monsieur Pfeiffer a mentionné : [c’est ce qui se passe] quand on a un enfant entre 6 et 10 ans, et que l’enfant est obsédé à l’idée de jouer avec sa console Nintendo. Le jeu peut être le plus non-violent du monde. Seulement voilà : si l’enfant se lève à 6 heures du matin pour y jouer toute la journée, en oubliant de se nourrir jusqu’au soir, alors nous avons un problème. Cet enfant ne développe pas les capacités nécessaires pour interagir socialement avec d’autres personnes. Mais c’est là que les parents doivent intervenir et dire : « non, pas ça ! » Quand on était jeunes, on appelait la télé le « babysitter électronique ». Aujourd’hui, beaucoup de parents se servent des jeux vidéo dans ce but.
André Peschke : C’est un bon point, sur lequel je voudrais intervenir. Monsieur Pfeiffer : Ceux qui vous critiquent pour vos propos disent assez souvent que vous simplifiez trop les choses, et que vous devriez mettre davantage les parents à contribution. En effet, aucun enfant ne pourrait jouer à un jeu qui n’est pas adapté à son âge si les parents fournissaient l’attention nécessaire.
Christian Pfeiffer : Tout d’abord, je voudrais rebondir sur ce qu’a dit Vince Desi. Il a argumenté comme un fabricant de cigarettes il y a 20 ans. Bien sûr, il est vrai qu’il existe une multitude de facteurs qui causent le cancer du poumon. Et les cigarettes ne représentent que 14% des facteurs qui entraînent la mort suite au cancer : néanmoins, aujourd’hui, 20 ans plus tard, nous avons obtenu qu’ici, en Europe, par respect pour la santé, il soit quasiment interdit de fumer dans les restaurants, et aux USA, on cherche également à atteindre cet objectif. Mon pronostic est donc le suivant : la même chose arrivera aux jeux vidéo qui se focalisent sur la violence, parce qu’il existe déjà 35 études dans le monde qui démontrent [ce qui a été dit sur les jeux violents] de manière indépendante. Certes, tout ce qu’il [Vince Desi] a dit est correct. Le divorce des parents, la violence familiale, la pauvreté, le manque de perspectives – ce sont tous des facteurs centraux, qui augmentent la violence. Mais il existe un facteur supplémentaire, qui vient de s’ajouter, et il s’agit de la violence qui est expérimentée dans les jeux. Pourquoi est-ce le cas ?
Nous savons maintenant, grâce à la recherche, que le fait de regarder passivement un film violent a moins d’impact que le fait de jouer activement. Pourquoi ? D’une part, jouer activement récompense la violence. D’autre part, il y a un effet de répétition, on refait le même geste encore et encore, et ainsi on l’apprend plus facilement. Troisièmement, on s’identifie de manière bien plus profonde quand on joue soi-même le rôle : après tout, on est soi-même l’acteur, on ne regarde pas passivement, comme c’est le cas avec un film. D’ailleurs, je vais aborder brièvement un autre point. Lors d’une expérience, nous avons donné à 268 personnes des activités différentes. Certains d’entre eux ont joué au Baby-foot ou aux cartes. D’autres ont regardé un film brutal. Et d’autres encore ont joué à un jeu vidéo extrêmement brutal. Le résultat était fascinant : le groupe qui n’avait pas regardé de films, ni joué à des jeux vidéo, avait en moyenne le meilleur résultat avec 15 points. Ceux qui aimaient jouer aux jeux vidéo, particulièrement ceux qui étaient brutaux, n’atteignaient que 10 points. Ceux qui regardaient les films, par contre, étaient au milieu, autour de 12.5 points. Quant à la violence : l’effet est similaire, plus on joue, plus la violence est brutale et plus on passe du temps avec, plus il est probable que la violence jouée soit transférée à son comportement et à son attitude face à la violence. Bien entendu, tout cela n’est pas monocausal, mais l’effet est le plus important quand s’ajoutent d’autres facteurs qui pèsent lourd.
Parlons maintenant de la famille : bien sûr, c’est le rôle des parents de veiller à ce que les enfants ne rentrent pas trop tôt en contact avec de tels jeux. Mais quelle est la réalité ? Si en Allemagne, les deux parents ont l’Abitur, seulement 11% des enfants possèdent leur propre PlayStation. Si les deux parents sont diplômés d’une Hauptschule [NDT : l’équivalent allemand des filières techniques de type BEP et CAP], c’est-à-dire un niveau d’éducation très bas, alors le pourcentage atteint 44%. En conséquence, les enfants qui se trouvent dans les zones marginales de la société allemande passent malheureusement 3 fois plus de temps devant des jeux vidéo brutaux que ceux dont les familles sont issues des classes moyennes supérieures – il en résulte que leur comportement à l’école, mais aussi pendant leur temps libre, est marqué de façon très différente. En Allemagne, tout ceci est renforcé par le fait que nous laissons les enfants livrés à eux-mêmes l’après-midi, alors qu’aux USA, en France ou bien en Nouvelle-Zélande, les enfants vont à l’école toute la journée.
Notons bien qu’il faut des écoles à plein temps [NDT : où on a cours le matin et l’après-midi], non pas une simple garderie avec cantine, mais une école qui a pour objectif de « réveiller l’envie de vivre », avec un maximum de sport, de musique, de théâtre, d’apprentissage social – une école où on se sent bien. Les écoles à plein temps seraient un secours devant ce que nous appelons la « négligence médiatique », devant le fait ce que les enfants ont trop souvent accès à ces contenus interdits. Car une chose est sûre : les enfants qui ont très tôt leur propre console dans la chambre ont une probabilité 3 à 4 fois plus élevée de jouer à des jeux interdits qui ne sont pas conseillés pour leur âge.
André Peschke : Vince, peut-être que tu souhaites répondre à ce que Monsieur Pfeiffer vient de dire ?
Vince Desi : Je ne suis pas un grand fan des études scientifiques. Aux États-Unis, quasiment tout le monde fait une étude pour ceci ou pour cela. Au début de sa réponse, Monsieur Pfeiffer a parlé du tabac et des probabilités scientifiques d’avoir un cancer. Bon, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de monde à la Games Convention qui n’a pas quelqu’un dans la famille qui est mort d’un cancer à cause du tabac. Toutefois, je pense qu’il y a une grande différence entre le fait de fumer (ce faisant, on se suicide assurément) et le fait de jouer à un jeu vidéo au contenu violent. Je voudrais rebondir rapidement sur un autre point important. Monsieur Pfeiffer a parlé des adolescents qui sont obsédés par les jeux vidéo. Je pense que toute personne qui poursuit quelque chose avec obsession a un problème. Aux États-Unis, nous avons un problème avec l’obésité. Chez nous, ces enfants s’empiffrent toute la journée. Et je pense que ce n’est pas bien. Je pense que se gaver de jeux n’est pas bien. De plus en plus d’enfants ne pratiquent plus aucun sport à composante physique. Qu’en est-il du baseball, de votre football, ou du hockey ? Quelques-uns des gosses d’aujourd’hui arrivent en High School sans avoir jamais pratiqué une seule activité physique de toute leur vie. C’est horrible. Mais nous sommes ici pour parler de la violence dans les jeux, de la manière dont elle peut influencer l’utilisateur, et des conséquences potentielles dans la vie réelle. Et encore une fois, je ne peux que parler pour moi-même et mon entourage. Oui, je lis ces études, mais la raison pour laquelle je suis toujours un peu sceptique, c’est que la plupart du temps, ces études ont une approche très unidimensionnelle. Dans la plupart des cas, les études ont été commanditées ou financées par quelqu’un, et le plus souvent avec un certain objectif. De même, en ce qui concerne toute la méthodologie propre aux sondages – que ce soient des groupes-témoins, des examinateurs indépendants, etc… -, qui pose de nombreux problèmes.
Pour ce qui est des études que Monsieur Pfeiffer a menées : supposons qu’il ait rempli toutes les exigences de ce qu’on pourrait appeler les « standards scientifiques ». Même dans ce cas, son travail se base uniquement sur un petit groupe. Même si ce groupe a été choisi aléatoirement, cela reste un petit échantillon. Il faudrait catégoriser ces gens de manière extrêmement précise, afin de saisir toutes leurs facettes, ainsi que les différences entre vous, moi, et les gens dehors. Car après tout, que savons-nous ? Ce jeune homme, au premier rang, pourrait avoir été maltraité par son père quand il était enfant. En ce qui concerne la jeune demoiselle à côté de lui, c’était peut-être son oncle, etc. Quant au suivant, peut-être que les parents n’étaient jamais à la maison. Est-ce que vous comprenez mon argumentation ? Je suis content d’être ici aujourd’hui, non seulement parce que c’est intéressant pour le public, mais aussi, et surtout, parce que nous pouvons commencer à parler, non seulement de la violence dans les jeux, mais aussi de la responsabilité. Vous voyez, je pense qu’en tant que développeur, aux côtés des éditeurs, des distributeurs, des revendeurs, nous tous dans l’industrie du jeu vidéo, nous avons non seulement une responsabilité concernant les contenus que nous réalisons pour nos jeux, mais plus important encore, une obligation face à la société. Vous êtes ici en Allemagne, et moi aux États-Unis. Mais dès que mon jeu Postal dépasse les frontières du pays, je dois bien sûr me poser la question suivante : comment mon jeu influence-il les enfants en Allemagne, aux USA, au Japon, en Russie, etc. Et la clé pour être à la hauteur de cette responsabilité n’est pas de démolir ce jeu à coups de marteau. Il est bien trop tôt pour ça. Regardez l’industrie du cinéma : elle a autour de 100 ans. La branche des jeux vidéo, par contre, n’a que 30 ans. Nous sommes donc quasiment en enfance. Nous venons d’arrêter de marcher à 4 pattes, et tentons de faire nos premiers pas. Je suis plus que prêt à regarder vers l’avant et à accepter les choses que nous allons apprendre dans le futur grâce à de nouvelles études. Mais – et maintenant, je reviens à mon point initial – je pense qu’il vaut mieux donner aux gens la possibilité de prendre leurs propres décisions au lieu de leur imposer une censure et de laisser l’État penser à la place des citoyens.
Ayant dit tout cela, je dois ajouter que je n’approuve pas le fait que les jeux comme mon propre Postal soient accessibles aux enfants. Je n’ai pas conçu Postal pour les enfants, et je ne commercialise pas Postal pour les enfants. En tant que père, je pense que Postal ne devrait pas être joué par les enfants. Je connais également des adultes complètement irresponsables. Ceux-ci ne devraient jouer à rien du tout. Ils devraient sortir et chercher un job. Mais à partir d’un certain point, il faut admettre, en tant que société, que nous ne pouvons pas être responsables de chaque individu.
Ce que je trouve bien plus important dans ce contexte, c’est l’éducation. En tant que société, en tant que culture démocratique, nous devrions veiller à ce que les enfants reçoivent une formation. Au fond, je reviens à un point que Monsieur Pfeiffer a déjà abordé : comment devrions-nous éduquer nos enfants alors que certains d’entre eux ne vont même pas à l’école ? Et quelles sont les raisons pour lesquelles ils ne vont pas à l’école ? L’une d’entre elles peut être le fait qu’ils jouent aux jeux vidéo, et il faudra remédier à cela. Mais pas en disant : « interdisez ce jeu ! ». L’éducation est tellement importante – et je ne pense pas seulement à l’école, mais aussi à ce que les enfants apprennent de leurs parents, et entre eux – nous tous, moi faisant partie de l’industrie du jeu vidéo, tout comme ceux qui travaillent dans l’industrie du cinéma, devrions prendre position à ce sujet.
Andre Peschke: Merci de terminer cette réflexion. Mais ensuite, il faudrait rendre la parole à Monsieur Pfeiffer. Je demanderai également à Monsieur Pfeiffer de répondre plus brièvement.
Vince Desi: Ce que je veux dire par là, c’est qu’il est temps que nous tous – y compris dans l’industrie du jeu vidéo – nous prenions un peu nos responsabilités.
Christian Pfeiffer : Je suis heureux que nous ayons en Allemagne la Bundesprüfstelle [NDT : il s’agit de la Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien ou BPjM, littéralement le « bureau de surveillance des médias dangereux pour la jeunesse », chargé de mettre certaines œuvres à l’index – livres, films et jeux compris–], qui a indexé Postal. Pourquoi ? Nous pouvons prouver que l’activité de l’USK, l’institution qui chez nous est responsable de la classification par tranches d’âge, est plutôt inefficace. Exemple : 50% des garçons de 10 ans jouent, ne serait-ce qu’occasionnellement, à des jeux qui sont réservés aux plus de 16 ans.
Vince Desi : C’est pour cela que nous avons besoin d’une meilleure éducation, si cette classification d’âge ne fonctionne pas.
Christian Pfeiffer : Oui. 82% des garçons de 14 à 16 ans jouent au moins occasionnellement – un tiers d’entre eux régulièrement – à des jeux qui sont réservés aux 18 ans et plus. Mais, et c’est ça qui est fascinant : seulement 0.1% des enfants, et seulement 2.5% des adolescents, jouent à des jeux tels que Postal. Pourquoi l’indexation a-t-elle un impact aussi fort ? Parce qu’il n’existe pas de publicité pour les jeux indexés, parce qu’on ne les fait pas connaître par le biais d’annonces. Ainsi, ils ne deviennent pas un objet de prestige dans la cour de récréation, et en plus il est difficile d’y accéder. Et c’est comme ça qu’on peut expliquer pourquoi l’indexation est un instrument de protection de la jeunesse très efficace, alors que ce que fait l’USK n’est rien d’autre qu’un adoubement pour les jeux. Ce qui fait que les jeunes discutent dans la cour de récré, et disent : « Tu as entendu ? Le Parrain – Edition du Don vient de sortir, encore plus brutal que Le Parrain de base, et il est accessible librement en magasin à partir de 18 ans. Il doit y avoir un moyen de l’obtenir » Nous avons effectué des tests, et d’autres ont fait de même : un adolescent de 14 ans sur deux – ou sur trois, selon la ville – réussit à acheter en magasin un jeu réservé aux 18 ans et plus quand il le désire, parce que les vendeurs pensent au chiffe d’affaires et pas à la protection de la jeunesse. C’est pour ça que la classification d’âge ne constitue pas une protection de l’enfance, contrairement à l’indexation. Et c’est pour ça que je me réjouis que notre État compte étendre le modèle d’indexation à l’avenir. Il existe un projet de loi qui laisse espérer que le pouvoir de la BpjM augmente, et que l’USK change de cap en imposant des limites plus fortes. Nous trouvons ça juste, car nous sommes convaincus que l’augmentation de la crise de performance des jeunes est fortement liée à un facteur, celui du temps que les jeux vidéo prennent dans leur vie, et à ce sujet, Vince Desi ne peut pas simplement nier toute part de responsabilité. En effet, les jeux sont faits pour captiver, pour fasciner, pour qu’on reste assis sur son fauteuil. Avant la partie, on se promet à soi-même : « je veux jouer une heure » – et finalement, on joue 3 heures, parce que c’est conçu pour être captivant. Comme cet effet de séduction accroche notamment les jeunes, c’est la responsabilité des parents, là-dessus je lui donne raison [à Vince Desi], mais aussi celle de l’État, de veiller à ce que les jeux soient consommés avec modération. Et afin de ne pas créer de malentendu : je pense qu’il existe bel et bien des jeux vidéo qui permettent d’apprendre, qui constituent une « gymnastique mentale ». Je n’ai rien contre les jeux vidéo, si ils sont joués avec mesure, en tant que divertissement. Ce n’est rien d’autre que quand je joue à un jeu de Sudoku ou n’importe quelle autre activité de loisirs. On peut effectivement le faire devant un ordinateur. Je suis contre les jeux violents – pas contre les jeux en général.
Vince Desi : En ce qui concerne le système de classification d’âge, et la question de savoir comment certains jeux peuvent être réservé à certains groupes et pas à d’autres, avec toutes les imprécisions qui vont avec – mon commentaire à ce sujet est le suivant : il est fort probable qu’il [ce système] soit lié à l’argent, à la publicité et à l’influence des grandes entreprises. C’est définitivement le cas, du moins chez nous aux États-Unis. Laissez-moi vous raconter quelque chose : en 1997 nous avons mis sur le marché le premier Postal. Si j’avais eu à l’époque un budget publicitaire important, j’aurais pu aller beaucoup plus loin. Mais nous étions une petite boîte indépendante. Le Sénateur Lieberman, qui est dans le fond un type sympa, nous a cloués au pilori. En même temps, je devrais témoigner beaucoup de respect à cette personne, car il a fait avancer la branche [des jeux vidéo] grâce à ses critiques. Nous avons beaucoup appris sur la manière dont les jeux fonctionnent, et sur la manière de collaborer avec l’ESRB – qui est l’institution responsable de la classification aux USA. Finalement, tout nous ramène au point suivant : les jeux vidéo sont maintenant un Big Business, et partout où une grosse somme d’argent est en jeu, la morale n’arrive qu’en deuxième place. En ce qui me concerne : dans ma propre série de jeux Postal, je suis ouvert à tout, mais il existe également certaines choses que je ne ferai jamais. On m’a accusé à tort de faire certaines choses, et malheureusement, le fait est que les choses que racontent la presse reste généralement dans la tête des gens [Note du rédacteur : à l’époque, on avait reproché à Desi d’avoir fait en sorte qu’on puisse tuer des écoliers dans Postal. En réalité, l’arme, quel que soit son type, se met à s’enrayer dès que l’utilisateur essaie de le faire] Dans certains cas, ça peut être vrai aussi pour Monsieur Pfeiffer, qui a peut-être été, lui aussi, mal cité par les médias.
Pour en revenir au sujet – la classification d’âge et ses défaillances possibles – je pense qu’ici aussi, la réponse est, au moins en partie, la suivante : l’éducation et la responsabilité. Je pense qu’aujourd’hui, à travers cette discussion, nous allons faire prendre conscience aux gens que dans cette affaire, beaucoup d’autres choses risquent de jouer un rôle, ne serait-ce que de façon marginale. Que dans cette branche, tout n’est pas possible. Créer un jeu est une chose, mais vendre un jeu en est une autre. Un jeu qui permet de tirer marche tout simplement mieux qu’un jeu éducatif. Il y a une chose que beaucoup d’entre vous ne savent peut-être pas : avant de fonder Running with Scissors en 1997, j’étais un développeur de logiciels éducatifs pour enfants, et j’ai été primé pour ça.
La majeure partie de mon travail a été faite pour Children’s Television Workshop, CTW, j’ai réalisé plus de 25 jeux pour Rue Sésame [NDT : en anglais Sesame Street, c’est la plus célèbre des émissions éducatives pour enfants], pour Hanna-Barbera, pour Disney. Ironiquement, beaucoup de ces jeux contenaient de la violence, mais seulement sous une forme allégée. Au lieu de tuer quelqu’un avec un pistolet, Bert et Ernie et Big Bird le faisaient peut-être avec quelque chose d’autre, quelque chose d’inoffensif, mais qui était dans le fond l’image d’une arme. C’était il y a 20 ans, et nous avons tous beaucoup appris depuis. Il s’agissait des jeux appelés « Edutainment », des titres qui étaient censés à la fois divertir et transmettre des connaissances. Une histoire bien vaseuse. A l’opposé, il existe des jeux de pur divertissement, que ce soient des jeux de course, des jeux de rôle, d’action-aventure ou je ne sais quoi. Postal est souvent classé à tort comme un Shooter. Mais ce n’en est pas un, c’est plutôt un jeu d’action-aventure. Je pense que beaucoup de ce que dit Monsieur Pfeiffer aujourd’hui n’est pas si éloigné de ce que je dis moi-même, et j’espère, en participant à des discussions comme celle-ci, que nous pouvons apprendre l’un de l’autre, et provoquer des changements positifs.
André Peschke : Nous sommes arrivés à court de temps. Je dois donc vous demander à tous les deux de bien vouloir être brefs dans vos réponses. Pour finir, j’aimerais bien savoir auprès de vous deux quelles solutions on peut essayer. Quand vous réfléchissez au problème dont nous discutons ici – la violence dans les jeux, et leur effet potentiel sur les enfants -, quelles sont vos propositions de solution, Monsieur Pfeiffer.
Christian Pfeiffer : Je pense que nous avons besoin d’un catalogue de mesures, afin d’atténuer le danger pour les garçons – les filles sont de toute façon très peu concernées. Premièrement, je l’ai déjà évoqué, mais je voudrais le redire rapidement : nous avons besoin d’une USK avec plus d’autorité, avec des règles plus claires, et une bien meilleure collaboration avec la BPjM. Car seule cette dernière a prouvé par le passé qu’elle protégeait efficacement la jeunesse. On aurait dû indexer bien plus de jeux qui présentent une violence excessive – pour n’en citer qu’un : Le Parrain – Édition du Don. Ils n’auraient jamais dû être jugés comme ayant le même contenu [NdT : le même que quoi ? Que Le Parrain de base ? Que d’autres jeux réservés aux 18 ans et plus ? Il ne le dit pas]. L’USK a commis des erreurs, et les politiques ont pour responsabilité de changer ça. Deuxièmement : nous avons besoin d’une grande campagne d’éducation des parents sur les dangers des jeux vidéo, ainsi que sur l’importance de la classification d’âge.
Troisièmement : nous avons besoin de plus de recherche sur le facteur d’addiction, parce que nous ne pouvons pas permettre que 5 à 10 % des adolescents masculins deviennent accros aux jeux vidéo. Ce sont les chiffres constatés par la recherche actuelle. Et nous avons besoin d’attirer la jeunesse vers d’autres activités, à savoir : des écoles à temps plein, dont le programme consisterait à « réveiller l’envie de vivre ». Si tout cela se réunissait, je serais « obsolète ». Mais tout cela coûte de l’argent. C’est pour cela que j’ai une cinquième proposition : après tout, l’industrie du jeu vidéo fait en Allemagne un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros, en mettant sur le marché des logiciels dont certains sont dangereux pour la jeunesse. Je plaiderais donc pour que l’argent destiné à la recherche et à de meilleurs programmes pour les adolescents vienne aussi de ceux qui gagnent cet argent. Ainsi, je plaiderais pour qu’on instaure, pour chaque jeu vidéo vendu, une taxe-redevance de 50 centimes, à destination d’un fonds qui servirait tous ces besoins. Ceux qui créent les dangers doivent aussi contribuer à ce qu’on puisse mieux les maîtriser.
André Peschke : OK, Vince. Après que Monsieur Pfeiffer a commencé la discussion, tu as l’honneur de conclure. Même question pour toi : où vois-tu des possibilités de solution pour les problèmes qui ont été soulevés ici, et où es-tu en désaccord sur l’existence de ces problèmes ?
Vince Desi : Nous devons nous attaquer à ces problèmes essentiellement en nous comportant comme des adultes responsables. J’aurais quelques suggestions de solutions qui se basent en partie sur mes expériences aux États-Unis. J’espère qu’elles sont aussi appropriées ici. D’abord : je simplifierais le système de classification d’âge. Chez nous, tout ça est bien confus, parce qu’il y a encore et toujours des décisions qui sont simplement incohérentes. Avec moi, ce serait juste « au-dessus de 18 ans » et « en-dessous de 18 ans » – c’est tout. Essayons cette approche nouvelle et simple. Deuxièmement : je n’impliquerai en aucun cas le gouvernement, quelle que soit sa forme. Je pense que nous n’avons pas besoin de nouvelles lois, ni sur le plan régional, ni sur le plan national. La raison pour laquelle je pense ça est simple. C’est comme ça au moins chez nous en Amérique : dès que l’État s’en mêle, il fout tout en l’air. Quel que soit le sujet.
Voici mon expérience en Amérique : tu veux que quelque chose parte en sucette ? Laisse le gouvernement décider. Donc la dernière chose que je veux, c’est que le gouvernement intervienne dans l’industrie du jeu. Quant aux autres problèmes, comme par exemple la responsabilité des parents, au bout du compte il me reste à proposer ceci : quelle que soit la manière, tu dois apprendre à tes enfants à distinguer le vrai du faux. Quand j’étais petit, les jeux vidéo n’existaient pas. Je faisais un tas de bêtises dans les rues de Brooklyn. Est-ce que ça fait de moi une mauvaise personne ? Je ne pense pas. Maintenant, j’ai grandi. Aujourd’hui, je suis ici avec Monsieur Pfeiffer, nous avons tous deux un vécu complètement différent, et nous discutons. Voilà où je veux en venir : les dingos font des choses dingues. Certains sont tout simplement nés dingos, ils sont complètement à côté de la plaque, OK ?
Christian Pfeiffer : Ils sont rendus dingues, ils ne sont pas nés dingues !
Vince Desi : OK, je vais être plus précis : certains sont nés dingues, d’autres peuvent être nés normaux. Et ils se retrouvent ensuite dans une situation, que ce soit à cause d’une famille en dysfonctionnement, à cause de drogues ou d’autres choses, où il n’y a personne qui s’occupe d’eux dans les premières années de leur vie, qui sont si importantes. Ces enfants sont ensuite livrés à eux-mêmes pratiquement tout le temps, et ils apprennent simplement à tout faire pour rester en vie. En 2007, nous devrions vivre dans une société civilisée. Mais tout ce que tu dois faire, c’est allumer la télé, et 5 minutes de CNN te le prouvent : il y a un tas de merde qui n’a rien à voir avec la civilisation. Il y a des jours où je ne regarde que des dessins animés, parce que j’ai besoin d’une pause mentale devant toute cette folie. Le monde souffre tellement d’une overdose de BS – je ne veux pas le prononcer, mais j’espère que tout le monde sait ce que cela signifie. [Note de l’éditeur : c’est l’abréviation de Bullshit] Mon propos n’est pas de dire : « cachez-vous devant la réalité » , il y a déjà trop de monde qui fait ça. Mais chacun d’entre nous doit avoir l’occasion de marquer un temps d’arrêt et de respirer profondément, tout simplement. Et j’ajouterais une chose : créez de l’éducation ! Si nous dispensons une éducation, nous aurons bien progressé.
Et encore autre chose : Postal est surtout basé sur le plaisir. Ma philosophie de conception est de créer des jeux qui amusent non seulement quand on y joue, mais aussi quand on les regarde.
Tout le monde parmi vous ne partage peut-être pas mon humour, mais il y a un tas de gens qui possèdent eux-mêmes des animaux – y compris moi, je milite activement au sein d’Animal Rescue et d’autres organismes du même genre – mais je dois vous dire une chose : dans Postal, quand on se sert d’un chat comme amortisseur devant une mitraillette, je me tape le cul par terre. Que dire de plus ? Pour certaines choses nous sommes du même avis, pour d’autres, non. En tout cas, je vous remercie beaucoup pour cette chance [Note du rédacteur : ces derniers mots étaient en direction du Professeur Pfeiffer]
André Peschke: Oui, merci aussi de ma part aux deux participants pour cette discussion, merci en particulier à Monsieur de Professeur Pfeiffer, qui ne s’attendait pas ici, à la Games Convention, à trouver les conditions idéales pour sa prestation. Je suis désolé de ne pas avoir pu mener une discussion correcte, à cause du temps imparti et de la traduction simultanée. J’espère malgré tout que l’échange d’arguments a été intéressant pour vous. En tout cas, je me réjouis que cette discussion ait pu avoir lieu pour de vrai. Merci beaucoup à vous deux, et je vous souhaite une bonne fin de journée.
Le débat fut très constructif
(Commentaires de Krawall.de peu de temps après, 25 août 2007) :
Pas de coups de feu, pas de hurlements : le débat en direct entre Vince Desi et le Professeur Christian Pfeiffer qui a eu lieu ce matin était tellement calme et raisonnable que le public était presque déçu. De la part d’une rencontre entre Pfeiffer, actuellement l’opposant le plus remarqué des jeux violents, et Desi, le développeur d’une des séries de jeux les plus controversées de tous les temps, on se serait attendu à un combat de catch dans la boue. C’est le contraire qui est arrivé. Desi, d’habitude si fort en gueule, est apparu en costume, et s’est adressé à Pfeiffer avec un ton amical. Certes, les deux participants se sont parfois échangés des piques, mais la conversation est toujours restée calme et objective.
Selon Vince Desi, c’était même une « expérience très constructive. Le simple fait que nous nous soyons recontrés est un grand pas en avant. Le problème dans ce débat n’est pas que nous ayons des opinions différentes, mais que nous ne nous parlions pas. Il y avait tellement de malentendus et de demi-vérités – ne serait-ce qu’à mon sujet. Si vous n’avez jamais l’occasion de vous exprimer, alors vous allez au devant de gros problèmes ».
Le Professeur Pfeiffer, qui avec cette discussion à la Games Convention, s’est infiltré au plus profond du territoire ennemi, a pu engager la conversation, malgré un scepticisme initial. Comme on pouvait s’y attendre, les arguments de Desi n’ont pas pu le convaincre, mais selon lui, le fait que la conversation ait eu lieu avec un développeur des jeux qu’il attaque est quelque chose de positif. Pour Pfeiffer, c’était également la première visite à la Games Convention, et il a pu récolter quelques brèves impressions.
Le directeur de Krawall.de, André Peschke – organisateur et modérateur du débat – voit dans cet évènement un petit succès : « Nous avons dû traduire en direct les réponses de Monsieur Pfeiffer pour Vince Desi, c’était difficile d’avoir une véritable discussion. A chaque fois, Vince Desi prenait note des choses qui avaient été dites quelques secondes après qu’elles aient été dites. Le résultat tient plus d’un échange de points de vue que d’une réelle discussion. Le temps alloué pour eux deux, qui était de 40 minutes, était bien sûr très limité, parce qu’aussi bien le Professeur Pfeiffer que Vince Desi ont dit beaucoup de choses. Je suis ravi que la discussion ait eu lieu, et sans hostilité de part et d’autre. Pour le spectateur, il est possible de comparer directement les deux points de vue et peser les arguments de l’un et de l’autre. La seule chose que je regrette vraiment, c’est qu’on voit ma tête sur les photos du débat. J’ai l’air encore plus horrible que sur les autres photos de l’évènement.
Remarques additionnelles (Shane_Fenton) :
Le travail de traduction a été conséquent : compilée dans un fichier Word, la transcription complète du débat faisait 10 pages pleines, sans les images. Et même si l’ensemble était relativement facile à traduire (étant donné que c’était de l’oral, sans tournure de phrase compliquée), il s’agissait quand même d’une succession de gros paragraphes, où les protagonistes se mélangeaient parfois les pinceaux, et passaient du coq à l’âne. Malgré tout, mon fidèle ami Stefan n’a pas ménagé ses efforts, et au bout de 3 sessions nocturnes, nous en sommes finalement venus à bout. Reste à savoir si ça en valait la peine…
Comme je l’ai dit plus haut, j’attendais beaucoup de ce débat. Certes, je n’attendais pas grand-chose de Vince Desi, vu le peu d’estime que j’ai pour la série des Postal (il est vrai que je n’ai joué qu’au 2, mais il m’a vite fatigué). En tout cas, j’étais perplexe à l’idée qu’il allait représenter « l’industrie du jeu vidéo » face à un Christian Pfeiffer plus remonté que jamais. Mais j’étais quand même curieux de savoir ce qu’il trouverait à répondre aux arguments de Pfeiffer. Inversement, j’étais également curieux de savoir comment ce dernier réagirait en étant confronté pour la première fois à un homme qui représente tout ce qu’il exècre. Après avoir relu le débat dans sa traduction française, j’ai ressenti un curieux mélange de déception et de consternation, avant de conclure par un fou rire.
La déception, tout d’abord, vient du fait que ce n’était pas un véritable débat. Certes, les organisateurs nous ont prévenus que ça allait être difficile, à cause de la barrière de la langue et de la traduction en temps réel. Mais les contraintes linguistiques et techniques n’excusent pas tout, et l’attitude de Christian Pfeiffer me pose problème. L’impression que j’en ai, c’est qu’à part une pique ou deux, il n’a jamais vraiment cherché à discuter avec Vince Desi. Il n’a même pas eu un mot sur le contenu de Postal, alors qu’il y avait pourtant de quoi faire. En fait, on aurait pu mettre quelqu’un d’autre à la place, et il aurait tenu à peu près le même discours. D’ailleurs, c’est un discours pas très éloigné de celui qu’il aurait eu dans les conférences où il a l’habitude d’intervenir, à ceci près qu’il a fait un ou deux appels du pied au jeu vidéo, Games Convention oblige. En gros, il a fait son show habituel, devant une personne qui se trouvait être Vince Desi, développeur de Postal, mais qui aurait pu être Tartempion, développeur de Tartempion, le jeu. Et les multiples perches tendues par Vince Desi n’y ont absolument rien changé… il est vrai, toutefois, que ces « perches » elles-mêmes sont problématiques.
En effet, la consternation, puis le fou rire, viennent de l’attitude de Vince Desi. Trop poli pour être honnête ? Tout d’abord, il n’a jamais vraiment répondu sur le fond aux arguments de Christian Pfeiffer : il a juste noyé le poisson, et ça s’est vu. Peut-être qu’on ne pouvait pas attendre autre chose de lui. Et puis en apparence, il s’est comporté comme un véritable gentleman, en s’adressant à son interlocuteur, en lui donnant parfois raison, en rebondissant sur ses arguments aussi souvent qu’il le pouvait… Trop souvent, justement. Beaucoup trop souvent. A tel point que ça en devenait suspect, puis carrément indécent. A cette occasion, l’ami Stefan m’a appris qu’en allemand, « faux-cul » se dit « Falsche fuffziger », et « lèche-cul » se dit Arschkriecher. On notera que le terme « kriecher » désigne déjà un lèche-bottes, mais qu’avec le préfixe « arsch », on sait non seulement ce qu’il lèche, mais aussi à quelle profondeur, et avec quel zèle.
Passe encore que Vince Desi s’inquiète du fait que les gosses soient des couch potatoes, ou qu’il interdise à ses propres enfants de jouer aux jeux qu’il développe. Mais quand il rajoute des tartines sur « l’éducation » et la « responsabilité », il est très difficile de croire à sa sincérité, surtout quand on voit ce qu’il a fait du troisième opus de Postal 5 ans plus tard. Et le pire de tout, c’est qu’au lieu de répondre frontalement aux accusations de son contradicteur, il en redemande : et vas-y que je te donne raison, et vas-y que je te remercie de me chier à la gueule, ça va me permettre d’avancer sur le chemin de la responsabilité, d’ailleurs on est pratiquement d’accord sur tout, et en effet, l’éducation, c’est très important. Là, il ratiboise tellement que je comprends que Christian Pfeiffer soit gêné de s’adresser à lui. Et encore une fois, on parle de Postal, bordel !
Malgré tout, je rejoins les protagonistes sur un point : le simple fait que le débat ait eu lieu était une bonne nouvelle. Je dis « était », parce que même si je peux me tromper, mais ça m’étonnerait qu’une telle discussion puisse se produire en Allemagne de nos jours. En 5 ans, beaucoup de choses ont changé : « l’Appel de Cologne » (signé par Christian Pfeiffer) est passé par là, ainsi que la tuerie de Winnenden. Les dernières confrontations entre joueurs et opposants aux « killerspiele » ont tourné, soit au dialogue de sourds, soit à la guerre de tranchées. Il n’y a qu’à comparer le nombre de fois où les détracteurs de la violence des jeux vidéo étaient invités à s’expliquer dans la presse spécialisée, avant la tuerie, et après. Le dialogue semble rompu.
Tags: Allemagne, Christian Pfeiffer, jeux violents, killerspiele, Le débat fait rage, Postal, Traduction, violenceShane Fenton est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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Merci pour cet énorme travail de traduction !
Je partage tes conclusions : à force de vouloir se « corriger » (Pfeiffer sans doute parce qu’il voulait convaincre un auditoire déjà acquis à la cause des jeux vidéos, et Desi pour se donner une image de gars respectable), ils ont été plutôt consensuels.
Mais je pense que c’est préférable à un débat trop animé où chacun camperait sur ses positions. Là, même si ce sont pour les mauvaises raisons, chacun a fait un pas vers l’autre. Dommage que ça n’aie pas abouti à quelque chose.
Hé hé,
cela me rappelle un peu la foire d’empoigne qui a eu lieu entre moi et la vieille « dame de fer » de chez Familles de France par mails interposés. Dommage que je ne puisse pas rendre public cette fameuse empoignade sans me prendre un procès sur-le-champ, car je l’aurais bien fait pour prouver à quel point il est dur de dialoguer avec quelqu’un qui ne connait rien au jeu vidéo et qui se sert de toute la mauvaise foi dont elle est capable (elle m’a soutenu que Familles de France n’avait rien à voir ni avec le FN ni avec les ligues ultra catholiques style Civitas, que les jeux vidéo rendaient violent systématiquement, ou que dans le premier Resident Evil, on croisait un homme pendu… que je cherche encore, mais il doit sans doute se trouver nulle part ailleurs que dans son imagination tordue !). Ha, cela aurait fait une magnifique annexe dans mon livre, parce que des perles comme celle-là, elle m’en a sorti pas mal ! Vraiment dommage pour la postérité…
Mais je m’égare, je tenais avant tout à te féliciter pour ton travail, toujours aussi éclairant et rigoureux.
Je ne sais pour toi Shane mais après quelques années universitaires, le discours de Pfeiffer me parait vraiment claire et ma foi assez intéressant.
Ce que Pfeiffer dit, hurle, répète, et qu’il n’est pas assez répété par nous les joueurs, c’est que oui, les études scientifiques alarment sur les effets de nos JV. Mais parce que beaucoup sont des non-scientifistes ou juste veulent être sceptiques, ils ne veulent pas admettre que cela montre qu’il y a un problème.
Le JV, il faut voir ça comme un média dont on ne maitrise pas tous les effets.
Pfeiffer ne fait aucune concession et reste sur un point de vue très fermé, c’est ce qui lui vaudra toujours ses baffes je pense.
Cependant, les gamers ne sont pas prêt a accepter des modifications, des règles sur le support du JV.
Les gens ne veulent pas admettre que la science n’est non pas une vérité vraie, mais juste une fausse vérité. Tel étude est vraie jusqu’a ce qu’on la réfute. Rien n’est jamais exact en science, c’est juste qu’on a pas encore montré que c’était faux.
Mais Pfeiffer l’a dit, et c’est vrai, c’est intolérable de rien foutre quand 5 a 10% des jeunes peuvent être touchés et en souffrance a cause de cela. Il est temps de grandir un peu, non, ce n’est pas un petit chiffre, que 100 000 personnes souffrent sur 1 millions est déjà trop!
Quelque chose de minime, c’est en dessous de 1%, c’est l’exceptionnel!
Les mesures de Pfeiffer sont assez folles envers la responsabilité des éditeurs, il ne sait pas que l’industrie du JV est instable, qu’elle est très dépendante de beaucoup de facteur.
Cependant, il a raison, il faut juste stopper l’idée du jeu vidéo comme échappatoire de la réalité.
Le vrai problème du JV se juge envers sa responsabilité sur les jeunes enfants, qui sont vulnérables, assez fragile, totalement dépendant de la socialisation. Si le JV participe à la violence, à l’obésité ou à l’isolation sociale, alors il faut moduler le flux du JV. Il faut avertir les parents, il faut sanctionner les magasins qui vendent des JV noté pegi 16 a des enfants de 12 à 14 ans.
Le gros problème dans ce genre de débat, je le vois dans une idée qui est vraiment polémique, je vais évidemment caricaturer et généraliser mais il faut le dire:
Le public du JV est con.
Ignare est peut être mieux.
C’est un public qui tient un débat face à ce qu’on appelle l’élite intellectuelle, et qui est déphasé par rapport a celle-ci. C’est cela que les joueurs de JV ne pigent pas, ils pensent que seul les Pfeiffer ne les comprennents pas, c’est faux, l’inverse se révèle tout aussi vrai.
Que notre communauté soit immature, arrogante, et j’en passe, cela passe.
Mais il est indéniable qu’elle se voit confronté à son manque cruel de connaissances, d’ouverture intellectuelle et de non égocentrisme.
Tu peux pas piger les propos d’un médecin ou d’un psychologue comme cela. Ça nécessite un vocabulaire, une empathie sur sa vision, des connaissances, des études.
A la fin, j’en viens à défendre Pfeiffer. Car si je vois toutes les faiblesses de Pfeiffer, je vois aussi cruellement les faiblesses de ceux tentant vainement de lui répondre.
Il y a un manque de réalisme de la part de notre communauté, voir même une certaine démagogie. Du type a vouloir faire sembler de parler du débat mais à la fin, ignorer toutes les constatations et ne pas admettre qu’il faut parfois des mesures.
Le vrai débat doit se faire non plus sur qu’est ce qui est vrai contre les JV, l’idée n’est même pas d’être en polémique contre le JV.
Le vrai débat est sur: « Quels mesures pouvons faire pour contrôler et moduler les effets nocifs du JV? »
On doit voir maintenant les solutions, on doit voir ce qu’on peut faire.
Le problème, c’est que les solutions des uns sont bien trop extrêmes ou avec un fond ‘anti-JV’ qu’elles cherchent plus a tuer le média, l’art, qu’a empêcher ses possibles mauvais effets.
Ba tient Shane, voila que le candidat à la présidentielle Jacques Cheminade a estimé que les tueries de masse (et donc les meurtres de Toulouse) étaient souvent l’oeuvre des jeux vidéos violents et souhaite les faire interdire.
Décidément, parler sans connaitre doit être une constante chez certains.
@Benji :
Je dois préciser pour les lecteurs que tu as terminé un livre sur les « jeux vidéo polémiques » (voir ici), que tu m’as interviewé en annexe, et que tu as également essayé d’interviewer l’ex-vice-présidente de Familles de France, mais sans succès. En tout cas, merci d’être passé.
@Nevran :
Merci à toi aussi. Dire que ça fait 4 ans que tu passes par ici, il a dû s’en passer des choses depuis. Tu es toujours en psycho ?
En tout cas, pour en revenir à Christian Pfeiffer, ce n’est pas tant son discours qui m’a gêné (c’est en grande partie le même que celui de Craig Anderson and co), que son attitude dans ce débat télévisé. Il a récité son speech sans se préoccuper de son interlocuteur, à part le temps d’une ou deux piques. Si ça avait été quelqu’un d’autre que Vince Desi en face de lui, il aurait récité son speech de la même manière. Quant à savoir si « le public du JV est con », ce n’est pas le récent lynchage de Laure Manaudou qui va te contredire, j’en ai peur.
@Nevran (bis) :
Oui, en gros, c’est Cheminade. Cela doit bien faire 10 ans qu’il appelle à l’interdiction (totale) des jeux « violents », mais ce n’est que maintenant qu’on le remarque, tout ça parce qu’il a enfin reçu ses 500 signatures et qu’il y a eu une tuerie à Toulouse. Je n’y vois même pas de quoi en faire une brève.
Il y a 5 ans, au lendemain de la tuerie de Virginia Tech, je les prenais au sérieux, lui et LaRouche. Le résultat, c’est que leur croisade contre la violence vidéoludique s’est évaporée du jour au lendemain, faute d’actualité (et d’attention).
@Loni :
Rassure-toi, je ne t’oublie pas. Merci à toi également.
@Shane « Je n’y vois même pas de quoi en faire une brève. »
Je prends pourtant le pari qu’un site de ménestrels professionnels a fait une news dessus. Et je parie également un nounours qu’ils en ont fait une sur Laure Manaudou hier. Qui se dévoue pour vérifier ?
@Kwyxz:
Dire que tout le web vidéoludique est passé sur la pauvre Manaudou à peine quelques secondes après son malheureux tweet, au point qu’elle a dû fermer son compte… Quand on y pense, c’est un formidable plan com’ pour les gamers. Quoi de mieux, afin de réhausser leur image, que de les faire passer pour des primates intolérants et pleurnichards (« on nous diabolise ! on nous stigmatise ! ») qui réduisent au silence tous ceux qui ne pensent pas comme eux ?
Quant à Cheminade, le pire, c’est que toute la presse généraliste a titré dessus. Toute. Oh, bien sûr, ce n’était pas sur le mode accusateur : les uns sont restés neutres, les autres ont manié l’éteignoir. Mais c’était juste complètement inutile.
« c’était juste complètement inutile ».
Voilà quelque chose que j’ai souligné dans mon livre : la polémique ne fait que conforter chacun dans son rôle, il n’y a pas eu de véritables débats sur le jeu vidéo. Ceux qui n’y jouent pas ne font que blamer les gamers dans les médias institutionnels suite à un fait divers, et les gamers sur-réagissent en retour par le biais de médias proches d’eux : les forums, sites spécialisés et réseaux sociaux.
La question est : quand va-t-on enfin dépasser le terrain de la polémique ??? Quand les deux parties vont-elles accepter de débattre, de reconnaitre leurs torts, d’admettre la raison plutôt que la passion, de passer à quelque chose de constructif plutôt que de vouloir la mort de l’autre ?