La sentinelle est fatiguée – 3ème partie
Par Shane Fenton • le 7/9/2011 • Entre nous •Après une première partie critique sur la « mentalité de sentinelle » d’une partie de la presse spécialisée et de la « communauté » des joueurs, la deuxième partie faisait office de piqûre de rappel, histoire de montrer que le traitement médiatique et politique du jeu vidéo avait quand même évolué en quelques années. A cet égard, une interview récente de Jean-Claude Larue, Délégué Général du SELL (malheureusement retirée à sa demande), est éclairante. Pour lui, les journalistes généralistes ne posent plus problème, à la différence d’autres personnes :
On a aujourd’hui une classe qui nous emmerde, c’est les politiques, parce qu’on a les personnes âgées, qui sont passées à côté de cet univers. […] Tous ces gens-là sont passés au travers, il n’y a qu’eux qui nous emmerdent. Aujourd’hui, sincèrement, les journalistes, je dirais, souvent, ont compris. Là, je trouve l’évènement que vous citez [la tentative ratée de fusillade à Beauvais] très clair. On n’a pas eu de battage. Ça aurait été il y a 4 ans, Le Parisien aurait fait la première page. […] 90% des familles ont aujourd’hui des jeux vidéo. C’est terminé.
Justement, que faire de ces derniers récalcitrants ? Monsieur Larue a sa propre réponse, qui a choqué le camarade Olivier Mauco :
Je vais vous dire : je suis arrivé à un point de défaitisme à ce niveau-là. […] J’ai eu une interview que j’ai fait il y a quelques semaines, et le type avait titré son article, […] : « Jean-Claude Larue déclare : ‘j’ai les jeunes avec moi, les vieux je les enterrerai' ». Et je crois que pour un certain nombre de politiques, j’attends qu’ils meurent. J’ai pas d’autre choix. […] J’entends tellement de conneries, j’entends tellement de conneries, que j’attends qu’ils meurent.
D’autres, comme Stephen Tolito de Kotaku, ne croient pas à ce genre de calculs :
Il fut un temps où les critiques les plus virulents des jeux vidéo étaient clairement des gens qui n’y jouaient pas. Pour ceux qui aimaient les jeux vidéo, le calcul était aussi cruel que simple : attendre que ces vieux cons cassent leur pipe, afin que leur ignorance disparaisse avec eux et qu’ils soient remplacés par des gens qui jouent aux jeux vidéo et ne les craignent pas. Ils y ont vu une menace temporaire. Les jeux seraient incompris juste pour un temps, jusqu’à ce que les joueurs dominent le monde. Je n’ai jamais aimé cette théorie et j’ai toujours considéré pour ma part que les jeux resteraient étrangers à un grand nombre de personnes. Les jeux vidéo requièrent qu’on y joue. Ils requièrent certaines compétences, ainsi qu’une attention continue. Il risque de toujours y avoir des gens, jeunes ou vieux, qui n’auront pas ces ressources pour se consacrer aux jeux vidéo. A mon avis, il risque de toujours y avoir des non-joueurs.
Digression papier-crayon : le retour
Quoiqu’on pense de ce raisonnement et de sa pertinence, on peut noter qu’il n’est pas nouveau si l’on se réfère à ce qui s’est passé pour d’autres médias ou mouvements. Dans son « antibiographie » de H.P. Lovecraft, Michel Houellebecq mentionne le mépris de la critique pour la « littérature du rêve » avant de conclure : « Cela ne fait rien. La critique finit toujours par reconnaître ses torts; ou, plus exactement, les critiques finissent par mourir et sont remplacés par d’autres. »
Même chose pour la bande dessinée, qui a connu un retournement de veste spectaculaire, comme le notent avec amusement les théoriciens de la bande dessinée Harry Morgan et Manuel Hirtz dans leur Petit Critique Illustré (page 172) :
A mesure que le temps passe, les positions sont plus mesurées, comme si la fureur des censeurs s’apaisait. Et puis, vers 1968, les arguments s’inversent. Les illustrés ne servent plus de manuel du parfait terroriste à l’enfance délinquante ; au lieu de désapprendre à lire, la BD apprend à lire. On s’était trompé. On n’eut jamais aucune explication de ce singulier revirement – et, naturellement, pas un mot d’excuse.
En fait, le changement d’optique a été retracé par un autre théoricien des bandes dessinées, Thierry Groensteen, dans son ouvrage Un objet culturel non identifié (éditions de l’An 2, 2006). Un ouvrage que je vais me permettre de citer extensivement tout au long de cet article, et qui, comme pour La honte du jeu de rôle de Gary Pellino déja mentionné dans la première partie, mériterait qu’on l’apprenne par cœur, tant les questions évoquées s’appliquent parfaitement au jeu vidéo. Mais n’anticipons pas et revenons au changement de discours sur la bande dessinée : selon Groensteen, il a été préparé au début des années 60 par le succès populaire d’Astérix, ainsi que par le militantisme d’associations de défense et de promotion de la BD. Sans oublier le soutien actif de « gens de cinéma » comme le réalisateur Alain Resnais ou le journaliste cinéphile Francis Lacassin, disparu récemment (et à qui on doit plus qu’on ne le croit : entre autres, la publication en France des œuvres complètes de H.P. Lovecraft). Sous la houlette de ces associations, des salons et des expositions ont été organisés, en particulier « Bande dessinée et figuration narrative », présentée au Musée des Arts Décoratifs en 1967, qui a marqué le coup d’envoi de la médiatisation de la BD et donné lieu à une multitude d’articles dans la presse généraliste.
Certes, il s’agit là d’une version très partielle et très accélérée de la croisade pour la réhabilitation de la BD telle que l’a racontée Groensteen. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que cette croisade a payé, au point d’inverser la vapeur en une poignée d’années. Quant aux adversaires historiques et irréductibles de ce qu’on appelait autrefois les « illustrés », il n’y avait plus qu’à « attendre qu’ils meurent », ainsi que le rappellent Morgan et Hirtz :
Du reste, les pourfendeurs ne désarmèrent pas et on trouve tard dans le siècle, bizarrement noyées au milieu des méthodes d’analyse de la BD à l’usage des classes, des diatribes contre la mauvaise presse pour enfants, trop illustrée et comprenant trop peu de texte – car ces auteurs refusèrent jusqu’au bout de considérer la BD comme une forme d’expression particulière. Leurs vociférations ne cessèrent qu’avec eux.
Du reste, et on va pouvoir en revenir au sujet initial (à savoir la mentalité de sentinelle), ce changement d’optique a été aussi radical que mal digéré si on en croit là encore Harry Morgan :
En très peu d’années, autour de 1968, le discours dominant sur la BD est passé sans nuance de l’opprobre à l’adulation. Le résultat de cette inversion de polarité est cette attitude invraisemblable des publics de la BD (médias, institutions, mais aussi lecteurs « moyens ») qui consiste à soutenir contre toute évidence que tout est bon dans la BD, alors qu’il y a quarante ans, tout, absolument tout, y était mauvais. Cette admiration militante pouvait avoir une utilité stratégique tant que la BD était considérée avec soupçon, mais elle est devenue incongrue […]. On se demande d’autre part dans quel monde vivent les enseignants (du primaire au supérieur) auteurs d’introductions générales au médium destinées à leurs collègues et les auteurs des thèses sur la BD, qui se croient tenus, les uns et les autres, de répéter à peu près toutes les dix pages que la bande dessinée est une forme narrative à part entière et qu’elle souffre d’un injustifiable mépris.
Parmi les raisons avancées, on en trouve une très intéressante pour nous : si les amateurs de bande dessinée en sont encore à jouer les victimes malgré l’entreprise de réhabilitation de leur médium, c’est parce que dans le fond, ils ne croient pas à cette réhabilitation.
Tout se passe en somme comme si ces gens bénins avaient le sentiment que la « réhabilitation » de la BD et le consensus dans l’admiration dont bénéficient leurs produits étaient des espèces de miracles […] et comme s’ils vivaient dans la crainte qu’un mal embouché quelconque révèle brusquement que la BD, c’est bête et mal dessiné et que tout le monde le croie.
Justement, l’ouvrage de Thierry Groensteen est consacré à ce paradoxe. Le titre, Un objet culturel non identifié, parle de lui-même , et l’introduction donne le ton :
On pourrait avoir le sentiment que « ça y est enfin ». La bande dessinée aurait finalement, au terme d’un long processus, triomphé des préjugés et des résistances, réduit ses adversaires au silence, conquis ces fameuses lettres de noblesse derrière lesquelles elle court depuis des décennies, gagné la place qui lui revient de droit dans le paysage culturel. […]
Cette évolution me paraît quelque peu en trompe-l’œil. Les faits évoqués demandent, pour le moins, à être examinés de plus près. La logique dont ils procèdent n’est peut-être pas exactement celle d’une réelle légitimation culturelle. Certains tiennent du phénomène de mode, d’autres sont le résultat de visées mercantiles. Cette soi-disant reconnaissance de la bande dessinée, à laquelle nous assisterions, est en partie un leurre.
Un leurre ? Une évolution en trompe-l’œil ? Tout cela est expliqué, et nous nous pencherons sur certaines de ces explications. Mais laissons-là les bandes dessinées pour l’instant, et revenons à nos moutons… dans tous les sens du terme.
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute
D’aucuns se demanderont peut-être : « et Anders Breivik dans tout ça ? » Il est vrai qu’on l’a un peu perdu en cours de route, mais il faut dire qu’il n’a jamais vraiment été le sujet de cette série d’articles. Le but était plutôt de s’interroger sur les cris d’orfraie (« on diabolise ! on stigmatise ! » etc…) qui surgissent dès qu’on entend la plus petite critique, la plus petite mise en cause, contre tel ou tel aspect du jeu vidéo, et qui sont complètement anachroniques au regard de tous ces gens qui se bousculent du côté des politiques et de la presse généraliste pour encenser ce loisir. Comment peut-on encore hurler à la « diabolisation » malgré ce discours de « réhabilitation » qu’on entend depuis quelques années ?
Ma théorie est que justement, si l’on entend encore hurler de nos jours à la « diabolisation », c’est parce que dans le fond, on ne croit pas à cette « réhabilitation ». Et si l’on n’y croit pas, c’est parce qu’on sait qu’elle est bâtie sur du sable, exactement comme pour la bande dessinée. Dit autrement, les fondations de cette soi-disant « réhabilitation » sont à la fois fausses et précaires (je m’étais d’ailleurs frotté au sujet il y a 2 ans, un peu lourdement il est vrai). Quant à ses artisans, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’inspirent pas confiance.
C’est peut-être l’un des plus grands paradoxes de ce changement de discours. Pendant toutes ces années, on a fait des détracteurs du jeu vidéo, ou de certains de ses aspects, de véritables croquemitaines, Jack Thompson étant le plus fameux d’entre tous. Chez nous, ce fut Familles de France, à qui on a fait endosser ce rôle alors qu’ils avaient cessé depuis longtemps d’en jouer un dans le débat. Aujourd’hui, le concept « d’anti-jeu vidéo » est tombé dans une telle décrépitude que certains voudraient que la pauvre Nadine Morano reprenne le flambeau, tout ça pour deux ou trois déclarations insignifiantes et sans lendemain. Peine perdue : nos croquemitaines ont laissé la place à de nouveaux intervenants qui se veulent nos bonnes fées. Pour eux, le jeu vidéo est le bien, alors qu’auparavant, il était le mal.
Mais au-delà d’un simple changement d’optique, qu’est-ce qui distingue vraiment les « pro » d’aujourdhui des « anti » d’hier ? Le discours est sans doute devenu plus « positif », mais certainement pas « meilleur » (que ce soit en terme de qualité, d’érudition ou d’argumentation). Nos culs-bénits actuels sont aussi incompétents que ceux d’antan, sauf que cette fois, ils prétendent être nos amis, ou mieux, nos champions (quand ce ne sont pas les mêmes qui ont tout simplement retourné leur veste). Et ça commence à devenir embarrassant.
Un exemple récent est celui d’Al Gore. Ancien vice-président des États-Unis, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2000, devenu activiste engagé contre le réchauffement climatique et co-réalisateur du film Une Vérité qui Dérange, Gore ne s’était pas vraiment fait remarquer dans le débat sur les jeux vidéo, bien qu’on l’ait accusé de les avoir qualifiés de « pollution culturelle » à l’époque où il convoitait la Maison Blanche. Or, il se trouve qu’il a été invité à faire un discours cette année à la conférence Games for Change. Bien que sa seule expérience du média se limite, de son propre aveu, à quelques parties de Pong, cela ne l’a pas empêché de faire l’éloge du jeu vidéo, qualifié de « nouvelle norme » pour des millions de gens, tout en faisant la pub de Zynga, créateur de Farmville, et d’Electronic Arts (au même moment, en France, Martine Aubry se fendait d’un éloge appuyé à Ankama, créateurs de Dofus). Pour Stephen Tolito déjà cité tout en haut de cet article, l’intervention d’Al Gore est symptomatique d’une nouvelle catégorie de défenseurs du jeu vidéo encore plus ignorants que les détracteurs de ce loisir, qui eux, savent de mieux en mieux de quoi ils parlent :
Ces gars n’ont pas peur des jeux vidéo. Ils croient qu’ils ont des droits [en tant que médium]. Mais ils ne semblent pas y jouer, ni les connaître aussi bien que ceux qui les attaquent. J’ai peur qu’ils n’aient, disons, pas pigé le truc.[…]
A une époque, nous étions entourés de gens qui haïssaient les jeux vidéo, mais qui ne semblaient pas y avoir joué depuis longtemps, voire pas du tout. Aujourd’hui, je suis témoin de cette nouvelle race de supporters du jeu vidéo, des gens qui ne les vouent pas aux gémonies, mais les célèbrent ou reconnaissent leur normalité, sans y avoir joué. Quels dégâts peuvent faire ces gens avec toutes leurs bonnes intentions et leur ignorance de ce qui fait un bon jeu vidéo ? Quelles calamités, quelles œuvres de mauvais goût vont-ils encenser, vu qu’ils sont incapables de reconnaître ce qui est mauvais ou problématique à propos de ces jeux ?
Il serait tentant de répondre d’un trait : « dans Age of Empires, on apprend l’histoire. » Dixit, entre autres, les vieilles gloires déchues de Familles de France, qui récemment, déclaraient avoir « réuni le Syndicat des jeux vidéo, Sony, Ubisoft, etc. pour créer des jeux vidéo certes violents mais orientés vers la santé, afin que le jeune tire sur le cancer, la métastase, la maladie. Mais on peut aussi voir comment la question s’est posée pour d’autres médias, afin d’en tirer un enseignement.
Digression papier-crayon : la suite
Revenons donc à la bande dessinée, et plus précisément à l’ouvrage de Thierry Groensteen déjà mentionné plus haut, Un objet culturel non identifié, où l’auteur s’est lui aussi demandé « quels dégâts peuvent faire ces gens avec toutes leurs bonnes intentions et leur ignorance » et « quelles calamités, quelles œuvres de mauvais goût vont-ils encenser » :
Si l’Éducation nationale semble avoir admis que […] la bande dessinée peut être éducative, si certains enseignants chagrins ne sont pas loin de voir en elle le dernier rempart contre l’analphabétisme (« mieux vaut qu’ils lisent des bandes dessinées plutôt que rien »), encore importe-t-il de savoir quel est exactement l’usage qui est fait de la bande dessinée dans les manuels et dans les classes. […] Une œuvre de bande dessinée entrera dans les classes en vertu de son sujet, non de ses qualités propres. Que les Alix de la dernière période soient indigents et indignes de la grande période de Jacques Martin n’est d’aucune importance s’ils permettent d’illustrer tel aspect de la vie dans l’Antiquité et d’en favoriser la compréhension. Pour aborder Proust, quel meilleur moyen que de se servir de la version dessinée par Huet et publiée par Delcourt, en faisant l’économie d’une vraie réflexion sur les (pauvres) qualités et les (criantes) faiblesses de cette adaptation – et naturellement sur l’absurdité même qui consiste à prétendre enseigner La Recherche en l’arrachant à la sphère qui est la sienne, celle de l’écrit.
A la décharge des Alix de la dernière période, on peut faire remarquer qu’ils valent toujours mieux que les premiers Age of Empires, dont l’historicité était indigne d’un porno en costumes. Mais de toute façon, si l’on en croit Groensteen, il y a pire :
Un exemple récent qui atteint presque au scandale est celui de la faveur, auprès du public mais surtout des enseignants, de l’album de Pascal Croci Auschwitz (éditions du Masque, 2000, puis Emmanuel Proust éditeur). Très médiocrement dessiné (on note en particulier une incapacité à maîtriser les codes de l’expressivité, tant gestuelle que physionomique), très insuffisamment documenté (la bibliographie donnée par l’auteur lui-même mentionne trois films, dont deux documentaires, mais pas un seul des livres qui comptent dans la littérature sur les camps), l’album se réclame de Claude Lanzmann, dont chacun sait pourtant qu’il défend la thèse selon laquelle la Shoah est une expérience impossible à représenter (on se souvient de la vigueur avec laquelle il s’éleva contre le film de Spielberg La Liste de Schindler), et qui ne manquerait certainement pas de désapprouver cette tentative. Voilà donc un ouvrage où le sujet le plus grave qui soit est abordé, avec sincérité peut-être (je n’ai garde de me prononcer là-dessus), mais sans grand talent et surtout avec une légèreté ou une inconscience que l’on ne saurait comment qualifier. C’est pourtant ce livre qui, après avoir reçu en 2001 le Grand Prix de l’Assemblée Nationale (!), est chaudement recommandé par le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Poitou-Charentes, et très favorablement accueilli par le corps enseignant comme une aide précieuse pour expliquer la « solution finale ». Cet exemple – comme beaucoup d’autres que l’on pourrait choisir indifféremment dans la bande dessinée ou la littérature enfantine – atteste que les politiques comme les éducateurs n’ont cure de critères esthétiques, même minimaux: ils ne font qu’obéir à des catégories idéologiques.
A noter qu’il n’y a pas que les éducateurs ou les politiques qui envoient les critères esthétiques par-dessus bord. En témoigne la pipolisation de la bande dessinée qui peut prendre deux formes complémentaires. D’une part, les nombreuses « célébrités » du show-business qui ont l’insigne honneur d’avoir leur propre BD : la Star Academy, Élie Sémoun, Tony Parker… D’autre part, celles qui se targuent d’être auteurs ou scénaristes de bande dessinée, comme Frédéric Beigbeder, Claude Lelouch, Laurent Gerra et surtout Jean-Jacques Beineix, dont la BD « L’affaire du siècle » a fait l’objet d’une polémique racontée avec force détails sur le forum BDTrash. Une polémique gonflée artificiellement par « l’appui des médias qui n’y connaissent rien opposé à des critiques virulentes de spécialistes et mêmes simples amateurs circulant sur des forums, et le tout débuté (alimenté, et trollé) par des défenseurs de la boîte [de production] elle-même », selon le résumé d’un intervenant, qui en profite pour fustiger « le mépris de la BD rabaissée au rang de simple recyclage commercial : ‘c’est refusé pour le ciné ? faisons en une bd, on n’aura pas tout perdu’. »
Le dessinateur Maëster a lui aussi pointé du doigt le mépris sous-jacent à cette polémique :
Ce qui est un tout petit peu agaçant, ce n’est pas tant que Beineix soit présent sur tous les fronts pour défendre son oeuvre (ce qui est son droit le plus strict et prouve au moins qu’il y croit un peu, voire beaucoup pour être si disponible. L’attachée de presse aura certainement eu moins de mal à avoir des retombées que pour le dernier Titeuf). Il ne fait après tout qu’utiliser des règles médiatiques qu’il n’a pas mises en place. Ce qui est agaçant, c’est le conformisme des médias qui s’emparent d’un pseudo événement pour le râbacher à l’envi, sans aucune imagination ni sans aucun professionnalisme. C’eût pu être l’occasion de faire parler de Bande Dessinée dans les grands médias généralistes pour peu que les interviewers s’intéressent un tant soit peu à l’oeuvre et non aux potins qui entourent l’auteur (Beineix interrogé sur sa défense du « Loft », par exemple). Cela avait déjà été le cas avec la BD de Beigbeder ; le seul intérêt semblant être de voir une personnalité connue s’intéresser à une forme d’expression si « pauvre » (niaise, infantile, dégradante)… Comme si se tourner vers la Bande Dessinée pour des artistes reconnus dans un autre domaine était forcément démériter, était forcément un pis-aller.
Il est vrai que le traitement médiatique, pour cette BD, avait été plus que complaisant. D’habitude, selon Thierry Groensteen, « le moindre film qui sort sur les écrans de nos villes, fût-il un navet, a automatiquement droit à une notule dans Le Monde, s’agisse-t-il d’un éreintement, tandis que dans le même journal du soir la proportion de bandes dessinées publiées en France qui font l’objet d’une recension est de moins de 1%. » Or L’Affaire du Siècle a bénéficié d’une couvertue souvent élogieuse, et son auteur d’interviews et d’invitations, de la part de la télévision (TF1, France 2, Canal +, I-Télévision), de la radio (France Inter, France Info, RTL), et de la presse (Le Point, Le Journal du Dimanche). On peut se demander ce qu’il en aurait été s’il l’auteur n’avait pas été un cinéaste connu, et à dire vrai, certains ont déjà la réponse. Ce qui est sûr c’est que ce battage n’a pas suffi à faire de l’album un succès. Là encore, Maëster avait prévenu : « La meilleure réponse n’est certes pas une pétition mais le simple fait de ne pas l’acheter. Si ce choix éditorial n’est qu’un « coup médiatique », la sanction économique remettra les choses à leur vraie place. Et la Bande Dessinée n’en mourra certainement pas. »
Avant de revenir de nouveau à nos moutons, laissons à Groensteen le soin de conclure sur ce point :
C’est peut-être ce qu’il y a de plus décourageant, au terme de ce long processus de légitimation, que de constater que tant et tant de personnes par ailleurs cultivées et animées des meilleures intentions abdiquent tout sens critique face à une œuvre de bande dessinée, soit qu’elles se reconnaissent ignorantes des critères d’appréciation qui seraient pertinents, soit qu’elles pensent que, de toute façon, la bande dessinée comme telle échappe au jugement critique parce que toute ambition artistique lui est étrangère. Quel constat plus accablant du fait que les spécialistes ont échoué à faire partager une « culture de la bande dessinée » même minimale ?
Récompense ou muselière ?
En vérité, le plus grave n’est pas tant le fait que ces personnes « abdiquent tout sens critique », mais le fait que malgré cette abdication, elles s’arrogent l’autorité et le droit de juger de ce qui est bien ou mal, de ce qui est digne d’être promu comme de ce qui devrait être interdit. Un exemple révélateur en ce qui concerne les jeux vidéo est la cérémonie allemande des Deutscher Computerspielpreis, censée récompenser chaque année les jeux vidéo les plus méritants, avec le soutien du Ministère de la Culture en partenariat avec différents représentants de l’industrie. Au départ, l’idée était de montrer que la classe politique allemande n’était pas contre les jeux vidéo, ce qui n’était pas chose aisée, surtout après des années de lynchage politico-médiatique des « killerspiele ». C’est ainsi que Günther Beckstein, à l’époque Ministre bavarois de l’Intérieur, fervent partisan d’une interdiction totale de ces jeux « violents » qu’il a souvent comparés à de la pédopornographie (on l’a même soupçonné, vraisemblablement à tort, de réclamer la prison pour les producteurs et les utilisateurs de ces jeux), s’est présenté la bouche en cœur au Congrès « Munich Gaming » de 2008 pour dire tout le bien qu’il pensait du jeu vidéo en tant que médium, et pour appeler de ses vœux à l’organisation des Computerspielpreis. Tout ça sans qu’il y voie l’ombre d’une contradiction. Mais peut-être qu’il n’y avait effectivement aucune contradiction.
Car quand on regardait de plus près la liste des catégories retenues, qui devaient se partager la cagnotte gouvernementale (allant de 300 000 à 600 000 au fil des ans), que voyait-on ? Meilleur jeu pour enfants, meilleur jeu pour adolescents, meilleur « serious game », meilleur projet réalisé par des écoliers ou des étudiants, etc… Sans oublier le meilleur jeu allemand et le meilleur jeu international… sachant qu’aucun d’entre eux ne pouvait être classé « 18 ans et plus » (d’ailleurs, quand on a demandé à l’un des officiels de la cérémonie s’il pensait que ces jeux pouvaient avoir un quelconque mérite artistique, sa réponse a été un « non » lapidaire). C’est ce qui explique que pour cette première édition qui s’est tenue en 2009, c’est Wii Fit qui a été sacré « meilleur jeu international » devant GTA 4. Le jury, constitué de politiques, de psychologues, d’éducateurs, d’industriels, et d’une poignée de journalistes spécialisés, était content. Joachim Herrmann, le successeur de Günther Beckstein au Ministère bavarois de l’Intérieur, aussi. D’ailleurs, il en a profité pour appeler l’industrie à se débarrasser des « killerspiele ». Détail piquant : Drakensang, qui a été sacré « meilleur jeu allemand » de cette première édition, a un contenu et un contexte équivalents à des jeux (Warcraft 3 et WoW) classés de « killerspiele » par les collègues d’Herrmann. Du côté de la presse vidéoludique allemande, on souriait jaune : décidément, il était impossible à la classe politique de leur pays de considérer les jeux vidéo autrement que comme des jouets électroniques pour enfants.
Mais le pire était à venir… Pour l’édition suivante, les mêmes catégories (« pour enfants », « pour adolescents », etc.) ont été retenues, et Anno 1404 a été sacré « meilleur jeu allemand » de 2010. Mais c’était pour le titre de « meilleur jeu international » que la concurrence allait être rude, les nominés étant Uncharted 2, Dragon Age : Origins, et Professeur Layton et la Boîte de Pandore. Dans le jury, la tension était à son comble : pour certains d’entre eux, surtout parmi les politiques, il n’était pas question de prendre le risque de récompenser des jeux « violents » comme les deux premiers (respectivement classés pour les plus de 16 ans et pour les plus de 18 ans). Il était même question d’exclure la catégorie « meilleur jeu international ». Mais devant la menace des industriels de boycotter les futures éditions de la cérémonie (ce qui aurait eu pour effet de la couler définitivement), un accord a été trouvé, et le jury a finalement décidé de récompenser… Anno 1404. Le « meilleur jeu allemand » s’est donc vu attribuer également le titre de « meilleur jeu international », au mépris du règlement, et ce grâce à un tour de passe-passe : la version allemande du jeu a obtenu la première récompense, tandis que la version internationale, Dawn of Discovery, a raflé la deuxième. Cette fois, la couleuvre était trop grosse à avaler, et le scandale s’est répercuté jusque dans la presse généraliste : le Spiegel a fustigé l’image infantilisante que les organisateurs se font du jeu vidéo, tandis que Der Westen et Die Welt ont qualifié l’édition 2010 de « farce ». Les officiels, contrariés par la polémique, ont donc décidé pour la prochaine édition de retirer la catégorie « meilleur jeu international », et c’est A New Beginning qui a été sacré « meilleur jeu allemand » de 2011 (ainsi que « meilleur jeu pour adolescents »), dans une indifférence polie.
Dans le fond, si les Deutscher Computerspielpreis ne sont pas pris au sérieux, au point de les descendre en flammes au moindre faux pas, c’est parce que cette cérémonie, imposée par les politiques allemands selon leurs propres critères (qui plus est des critères non pas esthétiques mais idéologiques), résonne aux yeux de nombreux acteurs du jeu vidéo comme une tentative de contrôle et de domestication du médium. C’est la politique de la carotte et du bâton… pour ne pas dire la politique de la rognure de carotte et du bâton clouté. La preuve en est, encore une fois, que certains des plus fervents partisans de cette cérémonie appellent avec la même ferveur, et au nom des mêmes critères idéologiques, à l’interdiction totale des « killerspiele » (Günther Beckstein, Joachim Herrmann). Plutôt que de s’opposer ouvertement au jeu vidéo, ils préfèrent le remodeler à leur image. Au lieu de « computerspielpreis », on pourrait presque parler de « computerspielmaulkorb » (« maulkorb » = « muselière » en allemand).
Par conséquent, accepter la carotte, c’est prendre le risque de devoir accepter le bâton. Mais si on refuse la carotte, cela peut servir de prétexte pour plus de coups de bâton. Ce qui arrangerait volontiers les opposants les plus extrémistes de la violence vidéoludique, qui opteraient plutôt pour la politique du bâton et de la barre à mine. Ainsi les signataires de « l’Appel de Cologne contre les jeux violents », qui demandent, outre l’interdiction totale des « killerspiele », « que tous les partis retirent leur proposition visant à déclarer bien culturel les jeux vidéo » et « que l’industrie fabriquant des jeux ne reçoive ni soutien financier de l’Etat, ni soutien politique ». Ainsi le criminologue Christian Pfeiffer, qui s’oppose à toute remise de prix pour des jeux dont les bienfaits n’auront pas été démontrés scientifiquement. Ainsi Sabine Schiffer, adepte du « un pour tous, tous pourris », pour laquelle toute tentative, même partielle, de « réhabilitation » du jeu vidéo a forcément pour objectif d’engraisser l’industrie et de rendre les enfants accros à des produits ultra-violents. D’ailleurs, Pfeiffer et Schiffer sont tous les deux signataires de l’Appel de Cologne.
Conclusion papier-crayon
Cette méfiance pour la reconnaissance extérieure, perçue comme une tentative de contrôle, se retrouve parmi les créateurs de bande dessinée, comme le remarque Thierry Groensteen :
Par rapport aux efforts déployés pour donner à la bande dessinée un statut culturel, le positionnement des créateurs eux-mêmes a souvent été frappé d’ambiguïté. […] Cette méfiance […] vis-à-vis de toute forme de « récupération » culturelle reviendra régulièrement dans le discours de certains auteurs. Elle s’exprime d’autant plus volontiers quand le marché est moins prospère; on établit alors un lien de cause à effet. […] Par ailleurs, la marginalité est régulièrement revendiquée comme un espace de liberté.
En témoigne une citation de Claire Brétécher, créatrice des Frustrés et d’Agrippine :
Un jour, un vague ministre et un président dont j’ai oublié le nom ont béni de leur présence les lieux de culte de la bande dessinée, lui octroyant ainsi le statut d’art majeur. La chute du marché a suivi immédiatement ce happening car la BD se bat les flancs des imprimature, et les consécrations l’inhibent.
Ainsi qu’une citation de Jean-Luc Fromental, ancien rédacteur en chef de Métal Hurlant, dont la première partie au moins collerait très bien aux Deutscher Computerspielpreis :
Dans une confusion typique entre l’aspiration à la maturité et la tentation de la légitimité, la bande dessinée a sacrifié tout ou partie de sa formidable liberté. […] La reconnaissance, les honneurs sont des contrôles. Les distinctions sont des procès. En acceptant un ordre qui n’était pas le sien, la BD a gravement hypothéqué ses spécificités. […] C’est parce qu’on n’attendait pas d’elle qu’elle dise quoi que ce soit qu’elle a pu tant en dire au moment de son essor. […] Sa naïveté, sa prétendue innocuité étaient les conditions de sa pertinence, c’est-à-dire de son impertinence…
Et Groensteen de conclure encore une fois :
Si la bande dessinée n’a jamais complètement réussi à gagner cette reconnaissance culturelle que d’aucuns réclament pour elle, c’est, au fond, parce que les principaux intéressés n’y tiennent pas tant que cela et qu’ils ne sont pas tout à fait débarrassés du complexe du cancre.
En faisant mienne cette conclusion, je me permets de clore cette partie et d’annoncer la prochaine, qui sera justement consacrée à la maturité du jeu vidéo… et de ses différents acteurs.
Tags: Allemagne, bande dessinée, Deutscher Computerspielpreis, Faux amis, RéhabilitationShane Fenton est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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Encore un excellent et passionnant article, bravo :)
En passant, tu as dû entendre parler de ça : http://video.foxnews.com/v/1141465232001/video-games-go-green/ ?
Fox News never disappoints.
Article très intéressant. C’est cool que tu aies trouvé autant de références pour rapprocher ce qui se passe avec les JV de ce qui s’est passé avec la BD.
Sur les conséquences que ça peut avoir, l’exemple de la BD Auschwitz est très bon, on imagine facilement les documentalistes la commander pour son thème, sans avoir rien à faire de sa qualité (dans le même genre, il y avait les BD basées sur les pièces de Molière il y a quelques années. Plein de médias en avaient parlé, et en fait c’était pas terrible du tout).
Est-ce qu’un équivalent de tout cela pour les JV ne serait pas cette grosse connerie de « Gym des yeux », sur Nintendo DS ?
Je crois qu’on peut difficilement comparer la BD et les jeux vidéos comme phénomènes culturels : la BD reste une pratique minoritaire alors que le JV a déjà gagné la guerre. C’est aujourd’hui le loisir favori des Français comme aime à le rappeller le Syndicat National du Jeu Video chiffres à l’appui. Et dès qu’on sort de France, c’est encore plus criant : seuls quelques pays on un marché de la BD vivant alors que le JV est partout et domine tous les usages.
Alors, bien sûr, il y aura toujours des non joueurs mais ils seront bientôt marginalisés et le JV obtiendra enfin la reconnaissance institutionelle qu’il mérite depuis déjà fort longtemps….
@Sachka :
Merci pour les encouragements, ainsi que pour la vidéo que je ne connaissais pas. Mais la parodie n’a pas traîné : http://www.youtube.com/watch?v=_RsDobH64tc
@Propokief :
Je ne me souviens pas avoir comparé la BD et les jeux vidéo en termes de marché. En revanche, quand on compare le discours sur la bande dessinée avec celui sur le jeu vidéo, on remarque des similitudes troublantes. En particulier, et c’était l’un des points-clés de cet article, après avoir été attaqués n’importe comment par des gens qui n’y connaissaient rien, ils sont défendus et promus, toujours n’importe comment, et toujours par des gens qui n’y connaissent rien. Avec une « reconnaissance » comme ça, on n’a effectivement plus besoin de « diabolisation ».
Quant à dire qu’il n’y a plus à s’en faire parce que « le JV est partout et domine tous les usages », ça me paraît trop beau pour être vrai. Tout le monde ne joue pas de la même manière à la même chose. En particulier, si à terme, tout le monde va tâter du jeu vidéo à un moment ou à un autre de sa vie, ça ne veut pas forcément dire que nous sommes tous des joueurs passionnés. Va dire aux utilisateurs de Farmville que ce sont des gamers. Ou mieux : va dire aux gamers autoproclamés qu’ils sont à mettre dans le même sac que les utilisateurs de Farmville. Tu m’en diras des nouvelles.
Enfin, il y a un point que je n’ai pas abordé dans cette troisième partie parce que je n’avais plus de place (mais je compte y revenir dans la partie suivante). C’est que désormais, ceux qui ont des critiques à faire contre tel ou tel aspect du jeu vidéo savent de mieux en mieux de quoi ils parlent. En tout cas, ils sont plus compétents et plus crédibles que les défenseurs bénis-oui-oui que j’ai cités. D’ailleurs, ces voix critiques ou sceptiques se recrutent parfois parmi les joueurs passionnés eux-mêmes.
Quand je parle de taille de marché c’est uniquement pour en relever l’impact culturel (faible dans le cas de la BD, fort dans le cas du JV).
J’avais cru comprendre que l’article cherchait à mettre en rapport le degré d’influence et de reconnaissance culturelle des deux arts. Mes excuses si ce n’était pas le sujet (auquel cas je ne suis pas sûr de comprendre la thèse de l’article).
Et, oui, le jeu envahi la société. La distinction entre joueurs passionnés et occasionnels est mince en comparaison de celle entre joueurs et non-joueurs. Que les joueuses de Farmville ne s’assument pas (encore) comme gameuses et que les champions du frag adopte une posture élitiste ne change rien à l’affaire. Ils sont tous joueurs et c’est cela l’important d’un point de vue sociétal et culturel. C’est ce qui forcera le regard institutionnel à changer de point de vue.
La thèse de l’article ? Je peux te la résumer du mieux que je peux. En gros, il s’agit de dire qu’on a plus à craindre de nos « faux amis » d’aujourd’hui que de nos ennemis d’hier. J’ai illustré cette thèse avec des exemples de défenseurs qui n’y connaissent rien (Al Gore), et de jeux qui sont promus au mépris de toute considération de qualité, mais uniquement pour flatter une certaine idéologie (les Computerspielpreis).
Si j’ai fait un parallèle avec la bande dessinée, c’est précisément parce qu’il est arrivé (et qu’il arrive encore) la même chose à ce médium. On ne l’attaque plus, on ne l’accuse plus de rendre débile, au contraire : les éducateurs les utilisent à l’école, et l’assemblée nationale distribue des prix. L’ennui, c’est que là encore, on se torche avec les critères esthétiques ou qualitatifs, au profit de catégories idéologiques.
En fait, tout l’article tourne autour de la question posée par Stephen Tolito, qui s’est posée pour la BD et qui se pose pour notre loisir : « Quels dégâts peuvent faire ces gens avec toutes leurs bonnes intentions et leur ignorance de ce qui fait un bon jeu vidéo ? Quelles calamités, quelles œuvres de mauvais goût vont-ils encenser, vu qu’ils sont incapables de reconnaître ce qui est mauvais ou problématique à propos de ces jeux ? »
Alors il faudrait commencer par ça : démontrer les dégâts provoqués par ces nouveaux amis bien intentionnés mais mal informés du jeu vidéo.
Personnellement, je ne suis pas convaincu qu’ils posent davantage problème que la myriade de pseudos-journalistes spécialisés, commissaires d’expo, et universitaires joueurs de tous types qui pontifient en permanence au sujet du jeu vidéo.
Quand on constate l’absence d’esprit critique et la pauvreté de l’analyse concernant les navets AAA sur les sites dit spécialisés, on ne peut qu’être dubitatif sur la capacité des experts auto-proclamés à « reconnaître ce qui est mauvais ou problématique ».
Salut,
juste pour te signaler que lors de l’émission « on est pas couché » (la dernière de l’année) à propos de l’affaire merah, on assiste à un traitement de la question des jv violents (de guerre) qui corrobore largement ta thèse sur le sujet.