On jouait déjà avant ta naissance, donc on a raison

Les jeux casual, c’est le bien… dixit un éditeur de jeux casual

Par • le 20/8/2011 • Vite dit

PopCap Games est un développeur et éditeur de petits jeux comme Plants vs Zombies, Zuma, Alchemy et plein d’autres, qui ont attiré des millions d’utilisateurs et ont valu à leurs géniteurs une flopée de récompenses. En attendant d’être rachetés par Electronic Arts, ces messieurs de PopCap se sont découverts une passion pour les études. Pas les études supérieures, la fac et compagnie, mais les enquêtes, les sondages, les études de marché. A titre d’exemple, ils ont récemment demandé à l’agence de marketing Newzoo de mener une vaste enquête dans toute l’Europe, auprès d’environ 1500 joueurs par pays, afin d’en savoir plus sur leur rapport à leurs habitudes vidéoludiques.

Ils se sont également associés au Docteur Tomas Chamorro-Premuzic de la Goldsmiths University de Londres, afin d’étudier les effets des jeux vidéo, plus particulièrement les jeux dits « casual » ou « grand public » (comme par exemple les leurs), sur les relations sociales et familiales. Les résultats viennent d’être publiés dans un communiqué de presse paru aujourd’hui (communiqué tellement excellent que GamePolitics, qu’on a connu plus inspiré, l’a copié-collé pour en faire un article à part entière). Vous n’allez pas y croire, moi-même j’ai été surpris comme jamais en lisant ce communiqué, mais… c’est un déferlement de bonnes nouvelles. Que dis-je, c’est un bukkake de bonnes nouvelles ! Jugez plutôt

Parmi les parents qui ont participé à cette étude, un tiers (32 %) jouent à des jeux sur ordinateur avec leurs enfants quotidiennement. 80 % décrivent le temps qu’ils y passent comme un moment de qualité et une personne interrogée sur trois a indiqué le renforcement de son lien affectif avec ses enfants en jouant à ces jeux. Un parent sur cinq (22 %) a déclaré que jouer à des jeux sur ordinateur avait aidé leurs enfants à mieux comprendre la technologie.

Dès le début, ça crache dur. En plus d’être gluante, ma barbe commence à sentir le nuoc-mâm

Et ce n’est pas fini ! Chez PopCap, il ne leur suffit pas d’inonder le lecteur de statistiques qui font du bien sur les jeux vidéo qui, euh, font du bien. Il faut en plus qu’ils brisent les tabous, aillent à contre-courant des idées reçues, et nous délivrent des vérités cachées :

Cassant le mythe selon lequel jouer au jeux vidéo se fait au détriment d’autres activités « plus saines », trois quarts des parents déclarent que leurs enfants qui jouent à des jeux sur ordinateur font également de l’exercice régulièrement et mangent sainement. Un tiers des parents pensent que leurs enfants parviennent à mieux se concentrer parce qu’ils jouent à des jeux grand public, tandis que 53 % indiquent que leurs enfants ont amélioré leurs capacités de résolution de problèmes en jouant à des jeux grand public.

Cathy Orr, Directrice sénior des Relations Publiques internationales chez PopCap, a déclaré : « […] PopCap a mené de nombreuses recherches afin de prouver que les jeux grand public ne sont pas seulement extrêmement amusants, mais peuvent aussi aider à soulager le stress – ce qui constitue indubitablement un aspect positif pour toute la famille ! »

Rien que ça !

Après un tel… arrosage, on s’en voudrait de casser l’ambiance en leur rappelant qu’un éditeur de jeux vidéo qui commandite une étude sur les bienfaits du jeu vidéo, ça n’est tout simplement pas crédible. Qu’il était archi-prévisible que les résultats allaient être bons. Que ça sent, pire que le nuoc-mâm, le conflit d’intérêts. Et que c’est donner des caisses entières de munitions à ceux et celles qui assimilent « l’industrie » à une pègre, mais ont quelques raisons légitimes de dénoncer un certain lobbying.

Le pire, dans tout ça ? L’enquête a peut-être été menée de façon rigoureuse et complètement indépendante par la Goldsmiths University, les résultats sont peut-être parfaitement conformes à la réalité du terrain, les jeux de PopCap Games sont peut-être capables de guérir toutes vos maladies par simple imposition des mains sur l’écran, ça ne change rien : la nature du commanditaire ne peut que générer des soupçons et entacher la crédibilité de cette étude. En tout cas, ce n’est pas ce communiqué de presse de yes men en rut qui va la réhabiliter, j’en ai peur.

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est joueur depuis les années 80, et joueur passionné depuis 1990. Ouais, à peu près comme tout le monde ici, quoi. Sauf qu'en plus, il cause. Beaucoup. Mais alors beaucoup. C'est pas sain pour lui qu'il cause autant. Faudrait plutôt qu'il joue.
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4 commentaires »

  1. Clair que le nuoc-mâm sapue :D (c’est dire de l’article … )

  2. ATTeNTION ceci est un message bourré (merci pipomantis d’avoir défricher dans l’utilisation du truc bourré) 3h43 heure locale (Guyane française).

    Ne préciser qu’en fin de message qu’il est possible que ce soit une étude sérieuse, après l’avoir démonté sans finalement ne citer aucune source discordante n’est il pas un abus par rapport à tes (vos… tutoyer ou vouvoyer sur un forum , je sais jamais) articles précédents?

    Pour un autre exemple qui en appelle au conflit d’intérêt du même genre, les seules sources d’information sur l’efficacité d’un médicament avant sa mise sur le marché sont les labos producteurs de ces mêmes remèdes qui sont (théoriquement et de manière éthique) censé produire des rapports objectifs selon des critères purement statistiques.

    D’où le problème de départ, ne peut-on pas leur laisser le bénéfice du doute tant que les données ne peuvent faire l’objet d’une contre analyse plus ou moins rigoureuse (plutôt plus que moins en fait).

    L’alcool s’estompe un peu.

    Bon effectivement leur interprétation semble un peu foireuse, joyeuse, optimiste, vendeuse (ajoutes un adjectif si tu veux…).

    Mais bon il faut admettre que dans une étude sérieuse le biais du commanditaire est toujours très fort : pour reprendre l’exemple du pharmaceutique (oui l’alcool fait radoter je crois), les études purement privés arrivent à des résultats qui prouvent une balance bénéfice/risque positive dans près de 50% des cas, lorsque les études sont le fruit d’un partenariat public privé ce taux tombe à 33% et enfin lors d’études uniquement basés sur des fonds publics seulement 10% des résultats attestent d’une balance positive (la dans mon état j’ai oublié la source,… désolé).

    Pourtant l’intégrité des chercheurs est rarement à remettre en cause, il faut plus surement rechercher du côté du protocole et/ou de l’échantillon pris en compte pour l’analyse.

    Voila la j’en suis au point sommeil de mon alcoolémie il est 4h13 (oui une demi heure pour écrire pas grand chose, … et surement demain je regrette en plus).

    ATTENTION ceci à été écrit bourré (oui mais j’ai corrigé la plupart des fautes contrairement à pipomantis…)

  3. @Knuut: merci pour le retour et pour les précisions. Et sinon, pas de formalités, tu peux me tutoyer.

    Je veux bien leur donner le bénéfice du doute, et dans le fond, le but d’un communiqué de presse de ce genre, c’est de se vanter de ses bons résultats. L’autosatisfaction est donc inévitable.

    Le problème, c’est qu’on parle de jeux vidéo et dans une moindre mesure de « science ». J’ai passé plusieurs articles à essayer de démontrer qu’il était loin d’être aussi « diabolisé » qu’on le prétend. Néanmoins, la méfiance et le ressentiment envers « l’industrie » au sens large sont là. Et dans certains milieux, au moindre soupçon, ça repart comme en 40.

    J’en ai lu, des vertes et des pas mûres, sur les études et colloques consacrés aux jeux, et sur les réactions qu’ils suscitaient. En 1983 déjà, au moment où les jeux vidéo étaient durement contestés (j’en parle ici), Atari avait contre-attaqué en sponsorisant des colloques à Harvard. Résultat prévisible : les participants à ce colloque ont été traités de « vendus » et de « corrompus ». Quand Henry Jenkins a eu le malheur d’inviter des éditeurs à des débats (il les a seulement invités, sans aucune contrepartie financière, et sans les ménager dans les débats), il s’est fait traiter de « prostituée » par Dave Grossman et lyncher dans les débats télévisés comme Donahue.

    Un autre exemple intéressant est celui de Ryuta Kawashima. En 2001, Nintendo l’avait, parait-il, engagé pour pondre une étude démontrant les bienfaits des jeux de la firme (ils avaient déjà fait la même chose à la fin des années 80). Or, les résultats étaient contraires à ceux attendus. L’Observer et d’autres journaux en avaient fait leurs choux gras, malgré le caractère plus que discutable des conclusions de Kawashima (à supposer que son « étude » existe réellement et ait été publiée). Quelle est la réaction du côté de Nintendo ? Ils demandent au chercheur de superviser l’adaptation vidéoludique d’un de ses bouquins sur l’entraînement cérébral, et ils en profitent pour donner des sous à son université. Malgré le fait que Kawashima ait ouvertement refusé toutes les royalties sur son jeu, le soupçon de « corruption » est là, et l’étude d’Alain Lieury qui réfute et démonte les « bienfaits » de son jeu a rajouté le soupçon de « charlatanisme ».

    En Allemagne, ce n’est pas mieux, puisque Electronic Arts (futur acheteur de PopCap Games) est très attaqué à cause de ses liens réels ou supposés avec l’Université de Cologne. En témoigne cette traduction d’article, déjà cité dans ma brève. Il est vrai qu’on n’est pas obligé de suivre la dame sur le chemin du « un pour tous, tous pourris ». Mais malheureusement, son opinion est largement partagée dans certains milieux.

    Bref, là où je voulais en venir avec PopCap Games, c’est qu’à mon avis, ils ne savent pas dans quoi ils débarquent. Rien qu’en « commanditant » l’étude, quelle que soit la qualité de cette étude et la probité de ceux qui l’ont menée, ils ont donné le bâton pour se faire battre. Et avec ce communiqué débordant d’autoglorification, ils ont remplacé le bâton par une barre à mine. Certes, le jeu vidéo a bien meilleure presse qu’avant, mais la suspicion n’a jamais vraiment disparu.

    Et dans le meilleur des cas, celui où l’étude n’aurait reçu aucun financement de la part de PopCap Games, et aurait été menée en toute indépendance par le Docteur Tomas Chamorro-Premuzic, ça n’aurait pas été une affaire de le préciser dans le communiqué. Libre à certains de ne toujours pas y croire, mais au moins, les choses auraient été claires dès le départ.

    Voilà, j’espère avoir été plus clair. C’est d’ailleurs un comble que je sois plus clair dans mes commentaires que dans ma brève ! (même si cette brève était écrite à chaud et à la lueur de la bougie… j’aurais peut-être du préciser que c’était une « brève bourrée »)

  4. 12h23 mal à la tête… (note : arrêter les caïpirinha)

    Réveil avec une question : eeuuh j’ai vraiment posté un commentaire en rentrant hier soir,… ah oui… oups… ah non ça va je croyais avoir fait pire.

    Merci des précisions apportées et j’essaierais de compléter mon commentaires quand ma tête sera moins douloureuse.

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